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La conquête des femmes: Conseils à un jeune homme

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LA LIGUE CONTRE LE BONHEUR

Les avantages acquis dans la vie ne le sont jamais définitivement. Il faut perpétuellement lutter pour les conserver. Celui qui est immobile, celui qui dort, perd du terrain par le seul fait de cette immobilité et de ce sommeil. Le mouvement des hommes, les événements, sont destructifs. Il faut, pour obtenir et pour garder, une volonté active.

Ce qu’on acquiert dans le domaine de l’amour est ce qui est le plus susceptible d’être attaqué et emporté. L’amour est la richesse la plus précieuse, celle qui excite le plus de jalousie et d’indignation.

Le possesseur d’une grande fortune s’installe dans une ville où il est inconnu. Personne ne le considère à priori comme un voleur. Il est honoré spontanément comme un riche personnage. Deux amants au contraire seront vus d’un œil soupçonneux ; je parle bien entendu du cas où la femme est jolie et où tous deux donnent le sentiment d’être heureux. Leur bien, c’est-à-dire leur bonheur, est, jusqu’à preuve du contraire, un bien mal acquis, il a pour base l’adultère ou une vie déréglée. Ils sont en butte à l’ironie des serviteurs, à l’hostilité des familles, à une vague malveillance générale.

De suite que dans un milieu donné une liaison s’établit, une ligue obscure se crée autour de ceux qui s’aiment pour entraver leur amour, les faire se séparer.

L’amant voit venir l’ami psychologue qui par sa fine pénétration a discerné qu’il ne doit pas continuer à aimer une femme si peu faite pour lui. Il doit rompre pour éviter de grands malheurs, en vertu d’une loi sur les caractères rigoureusement établie. Puis il y a l’ami qui dit tout, à cause de la sincérité irrésistible qui est en lui. Il nomme à son ami les amants que sa maîtresse a eus avant lui et il donne tous les détails qu’il sait, poussé par la force de la vérité.

La maîtresse de son côté entend des choses plus terribles parce que les femmes osent plus que les hommes mêler la calomnie à leurs paroles et faire un habile mélange d’une petite chose vraie avec beaucoup de mensonge.

Cette ligue d’amis trouve des auxiliaires inattendus, la concierge, les locataires d’en face, les bonnes, qui apportent le poids de leur désapprobation. Et il y a même des personnes absolument inconnues des amants qui s’en occupent, vont les unes chez les autres pour s’en entretenir, affectent d’être scandalisées, tâchent de leur nuire.

Le bonheur doit être armé pour vivre ; il devrait même, s’il était sage, porter les premiers coups, afin de ne pas être enseveli sous le flot incessant des critiques, des offenses, des insinuations calomnieuses.

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