← Retour

La conquête des femmes: Conseils à un jeune homme

16px
100%

DUFAYEL

Tu as acheté des meubles à crédit. Tu en jouis, tu les paies, par petites sommes, tous les mois à un employé et cependant tu n’as pas fait la connaissance de Dufayel lui-même, grâce auquel tu as des rideaux qui t’abritent, une table où tu travailles, un tapis et des coussins qui te donnent à l’aide de ton imagination la sensation du luxe.

Agis de même pour le mari ou l’amant sérieux de la femme que tu aimes. Ignore sa forme et son visage. Laisse-le dans cette ombre inconnue où sont les puissances dont dépendent notre bonheur.

Quel qu’il soit, ta maîtresse t’aura confié, avec un sourire, qu’il est, par une curieuse pauvreté de sa nature, incapable de tout plaisir physique. Tu auras accueilli avec une bienveillance infinie cette affirmation d’autant plus certaine à tes yeux qu’elle n’était pas vérifiable. Tu sauras que ta maîtresse ne reste avec lui que par pitié, parce qu’il se tuerait sans doute, si elle le quittait ; et aussi à cause de quelques considérations matérielles.

Fuis donc cet homme impuissant pour ne pas être choqué par son apparente vigueur et ne pas avoir à t’émerveiller des contradictions de la nature.

Puis, quelque défectuosité que tu remarquerais, une hypothèse suggérée par son allure pourrait t’hypnotiser soudain et empoisonner désormais tes nuits avec la vision d’une image trop réelle.

Résiste aux ruses de ton amie qui n’aspire qu’à voir réunis autour d’elle deux êtres qui lui sont chers pour des raisons différentes et dont le rapprochement lui permettrait de développer son génie de tromper.

Le mari est un compagnon qui abuse de son autorité. Il emploierait souvent pour parler à sa femme des termes qui te choqueraient et tu ne pourrais intervenir sans que cette intervention soit déplacée.

Il ne manquerait pas de dire, quand vous auriez passé une soirée ensemble : « Allons nous coucher ! » avec un geste tendre et familier pour prendre le bras de ta maîtresse et tu sentirais peut-être dans ce geste une affectation victorieuse. Tu serais assez lâche pour les accompagner jusqu’à leur porte et une solitude épouvantable pèserait alors sur toi.

Profite du lit, étends-toi sur les coussins, foule le tapis, paie l’employé, mais ne demande pas à voir Dufayel.

Chargement de la publicité...