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La conquête des femmes: Conseils à un jeune homme

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La Conquête des femmes.

PRÉFACE

Quand on monte un escalier, on passe devant des portes fermées et l’on ne songe pas d’ordinaire que les clefs en sont souvent sous les paillassons. Le petit morceau de fer qui ouvre l’accès d’appartements aux meubles rares, de salons délicats, est dans l’endroit où l’on a coutume de frotter la boue de ses pieds.

Ainsi pour obtenir l’amour des femmes il faut connaître un petit secret, un talisman, et c’est presque toujours sous le paillasson sale que repose le précieux talisman.

L’auteur de ce livre a voulu soulever tous les paillassons de l’escalier pour voir s’il y avait des clefs : il est demeuré surpris de la diversité de leur forme, il a pensé qu’il n’y avait pas de passe-partout qui pouvait ouvrir toutes des portes, et, comme il s’était sali les mains, il n’a osé entrer dans aucun appartement et il est redescendu dans la rue où il s’est trouvé tout seul.

Il n’a écrit ce qui suit que pour une certaine catégorie de jeunes gens.

Pourquoi ceux que la nature a faits, par un don aimable, grands de taille, beaux de visage et doués d’un esprit entreprenant avec la confiance en eux que donnent ces qualités, liraient-ils des observations et des conseils dont ils n’ont pas besoin ? Car toutes les femmes disent qu’elles méprisent la beauté physique chez l’homme et qu’il n’y a que les qualités de l’intelligence et du cœur qui comptent pour elles, mais il n’en est rien. Un immense génie ne compense pas des taches de rousseur ou des yeux chassieux, des beaux triomphent des laids comme le jour triomphe de la nuit.

De même, ce livre n’est pas fait pour ces jeunes hommes purement studieux et spéculatifs qui se destinent à la philosophie ou aux sciences et qui ne font aucun cas de l’amour. Ils seront punis de leur conception bornée de la vie quand ils se marieront ; car si leur femme est jolie, elle les trompera, si elle est laide, ils auront quotidiennement cette laideur présente devant les yeux.

Ceux que tente la carrière ecclésiastique, les commerçants très occupés, les magistrats sévères, ceux qui ont dans les administrations une situation élevée, et d’une façon générale les personnages hypocrites et d’une moralité conventionnelle doivent rejeter loin d’eux ce livre qui leur paraîtrait indigne et ne ferait que susciter leur colère et leur mépris.

Les femmes éclateront de rire tellement les jugements portés ici sur elles leur paraîtront faux, les mobiles de leurs actes mal expliqués, les subtils rouages de leurs cœurs grossièrement maniés, et elles s’exclameront d’un tel excès de sottise. Peut-être auront-elles raison. La vérité en matière d’amour est semblable au port de la chevelure que les femmes ont longue et nouée sur la tête et que les hommes portent courte. Elle est différente selon le sexe.

Je sais bien aussi que de riches oisifs penseront que les femmes ne sont séduites que par la fortune et ses avantages, les soupers dans les grands restaurants, l’offre de bijoux, les automobiles. Ce n’est vrai que partiellement. L’orchestre du Café de Paris ne suffit pas pour atténuer la tristesse de certains yeux ; quelle que soit la qualité de son moteur, le nombre de chevaux de sa voiture, le riche chauffeur retrouvera-t-il sur la route un regret perdu de celle qu’il aime ?

Ce livre est écrit pour des gens d’un physique médiocre, d’une fortune moyenne, qui estiment que l’amour est la chose la plus précieuse, celle dont il faut s’occuper le plus, car c’est d’elle que nous vient tout notre bonheur.

Ils me comprendront si ce sont des esprits un peu secs qu’une sensibilité trop grande aura amenés à cette sécheresse, si ce sont d’anciens romantiques dépouillés de leurs émotions de parade, comme ces vins qui en vieillissant perdent leur bouquet, mais gardent le pouvoir de donner l’ivresse.

Ils feront la part d’une excessive sincérité qui se brave elle-même, ils avoueront peut-être avec l’auteur qu’il y a une grande vertu dans l’aveu, que l’illusion n’est pas divine. Et ils sauront bien, du reste, qu’il y a plus de larmes cachées dans l’allégresse que dans une tristesse de commande, si on aime ce dont on sourit.

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