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La conquête des femmes: Conseils à un jeune homme

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PRESTIGE D’UNE MAUVAISE RÉPUTATION

Il faut avoir beaucoup de femmes. C’est le nombre qui d’abord est important. Quand on aura eu beaucoup de femmes, on en aura peut-être une.

Il faut s’efforcer de plaire aux femmes, même si cela vous ennuie ; il faut s’efforcer de vaincre leur résistance, malgré les comédies ridicules, la stupidité des paroles, les haleines désagréables, l’imperfection des formes découvertes. Une tête qui se penche sur votre épaule est un peu plus de confiance en soi, une richesse pour le souvenir.

Le temps perdu, la bouche fade, le goût souvent désagréable de la poudre de riz, la fatigue, la tête vide, pèsent moins, si l’on fait le total des gains et des pertes que le sentiment de la victoire morale remportée.

Puis, dans le contour des épaules différentes, dans les spontanéités qu’on ne pouvait soupçonner, dans chaque mode personnel d’abandon, est la variété infinie de la beauté.

Il faut avoir beaucoup de femmes. Jamais les yeux ne ressemblent aux yeux, jamais le sein ne ressemble au sein, jamais l’amour ne ressemble à l’amour. L’une est brutale, l’autre est tendre, l’autre est cynique, l’autre pleure, l’autre crie. Soi-même l’on est divers, selon l’heure, le désir ou le regret.

Celui qui réalise ce soi-disant idéal d’épouser au début de sa vie une jeune fille vertueuse, jolie et qu’il aime, est un misérable fou ou plutôt un pauvre aveugle, même s’il est heureux avec elle toute sa vie. Car le bonheur qu’il connaîtra sera un bonheur quotidien, médiocre et sans élévation. Il sera pareil à un homme qui n’a, pour seule nourriture, que du pain bis et qui s’en contente, parce qu’il ignore la merveilleuse diversité des mets, l’art de la nature à donner des produits savoureux, l’art des cuisiniers à les préparer. Il sera pareil à un homme qui possède un livre plein de belles légendes. Il a lu la première qui lui plaît et il se refuse à lire les autres pour ne pas gâter l’impression qu’il en a, privant ainsi son imagination du merveilleux trésor de poésie enfermé dans le livre.

La première femme vous fait goûter la seconde par comparaison et la troisième, quand elle sourit, est éclairée du sourire des deux premières.

C’est une grande erreur des amants de jurer qu’ils aiment pour la première fois. La centième maîtresse se prétend jalouse des quatre-vingt-dix-neuf autres. Il n’en est rien. De l’amour inconnu de ces rivales absentes est fait son amour. Elle voudra surpasser en tendresse, en volupté surtout, ces quatre-vingt-dix-neuf ennemies et l’on bénéficiera de cet effort. Il conviendra de laisser paraître un vague regret pour des caresses anciennes et ainsi les caresses présentes seront d’autant plus passionnées.

Il faut avoir beaucoup de femmes pour qu’on dise de vous : « Il a beaucoup de femmes » ou des choses telles que ceci : « C’est un coureur ; il est comme un papillon ; on ne le voit jamais avec la même femme : il aime à droite et à gauche ; comment fait-il pour connaître tant de femmes ? »

Car presque toutes les femmes disent : « Jamais je ne pourrais m’attacher à un homme qui ne serait pas à moi seule. J’ai horreur de cette sorte d’hommes qui n’ont ni cœur ni fidélité. »

Presque toutes les femmes mentent ou se dupent elles-mêmes en parlant ainsi. Et il conviendrait de savoir jusqu’à quel point une plus mauvaise réputation encore n’exercerait pas un plus puissant attrait. Et tout semble indiquer, bien qu’aucune bouche de femme n’ose jamais l’avouer, que la mésestime morale dont un homme est environné est un prodigieux élément de séduction.

L’homme courageux qui, dans un but pratique, aurait assez de force pour tenir sa dignité cachée dans son cœur et affecterait les sentiments d’un homme vil, possédant à la fois sa propre noblesse, comme un soutien secret, et le prestige de la corruption, comme un vêtement magnifique, serait celui qui aurait le plus de femmes.

Il faut avoir beaucoup de femmes, en vérité, voilà qui est certain. Mais cela est difficile.

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