Le déséquilibre du monde
CHAPITRE V
PRINCIPES FONDAMENTAUX D’ÉCONOMIE POLITIQUE
La destinée des peuples est déterminée par des influences psychologiques et des nécessités économiques. Les premières engendrent les pensées et les croyances d’où dérive là conduite. Les secondes fixent les conditions matérielles de l’existence.
Ces grandes lois économiques et psychologiques étant inflexibles, leur violation s’expie toujours.
L’économie politique embrasse une foule de questions : capital, travail, propriété, épargne, etc., dont l’exposé forme généralement de gros volumes.
Leurs auteurs sont d’ailleurs dominés par des théories sur lesquelles l’accord semble impossible. Libre-Échangistes, Protectionnistes, Interventionnistes, etc… se querellent depuis longtemps sans avoir jamais réussi à se convertir.
Dans l’état actuel de nos connaissances et en tenant compte des Enseignements de la guerre les principes fondamentaux de l’Économie politique peuvent, je crois, se résumer dans les propositions suivantes.
1o La richesse d’un peuple dépend surtout de l’intensité de sa production et de la rapidité d’écoulement de cette production.
2o Un produit ne peut être exporté utilement que si son prix de vente ne dépasse pas celui des concurrents étrangers. Il en résulte que les méthodes de fabrication, la division du travail et l’abondance des capitaux d’exploitation jouent un rôle prépondérant en matière d’exportation.
3o L’activité dans la circulation terrestre et maritime peut devenir à elle seule une source de richesse. Des pays petits et sans production comme la Hollande se sont jadis enrichis, simplement par le transport de marchandises qu’ils ne fabriquaient pas.
4o Les marchandises ne pouvant se payer qu’avec d’autres marchandises, un pays important beaucoup plus qu’il n’exporte est obligé de recourir au crédit. Continuer à importer plus que l’on exporte engendre la ruine, à moins de posséder, comme la France avant la guerre, une grande réserve de valeurs mobilières placées depuis longtemps au dehors et portant intérêt.
5o La production étatiste, c’est-à-dire la socialisation et la monopolisation substituées aux initiatives privées, a pour résultat invariable une raréfaction de la production et l’accroissement énorme des prix de revient. La psychologie suffisait à prévoir ce phénomène surabondamment démontré par l’expérience.
6o En dehors de son rôle d’étalon, la monnaie métallique représente simplement une marchandise d’un poids déterminé, échangeable contre d’autres marchandises qui, au besoin, peuvent, elles aussi, servir de monnaie. Il en résulte qu’un peuple peut être dans une situation prospère sans posséder aucune monnaie métallique.
7o La monnaie fiduciaire constituée par des billets ne conserve sa valeur que si elle est échangeable dans un délai assez court contre de la monnaie métallique ou des marchandises. La prolongation du cours forcé du papier réduit rapidement son pouvoir d’achat.
8o Le prix de vente d’une marchandise étant automatiquement déterminé par le rapport entre l’offre et la demande, aucune loi ne saurait fixer sa valeur. Le seul résultat possible des taxations est, d’abord, de raréfier la marchandise taxée, puis de provoquer sa vente clandestine à des prix dépassant ceux qui motivèrent la taxation.
9o Protectionnisme et libre-échange correspondent à des phases différentes de la vitalité industrielle d’un pays. A une vitalité faible, le protectionnisme est utile, bien que coûteux et ralentissant le progrès des industries protégées contre la concurrence étrangère.
10o L’aisance d’un ouvrier ne dépend pas de l’élévation de son salaire, mais du pouvoir d’achat de ce salaire. Dans les pays où la production reste inférieure à la consommation, chaque élévation de salaire a pour conséquence l’élévation du prix des objets de consommation dans une proportion supérieure à l’accroissement des salaires. Chez les peuples à production insuffisante, l’aisance de l’ouvrier diminue à mesure que son salaire augmente.
11o Réduire le nombre des heures de travail dans un pays appauvri, où la production est inférieure aux besoins, c’est accroître la pauvreté de ce pays et rendre la vie plus chère.
12o Quand, sous l’influence de grandes catastrophes, les croyances politiques, religieuses et sociales qui formaient l’armature mentale d’un peuple s’affaiblissent, elles sont bientôt remplacées par des aspirations nouvelles dépassant toute possibilité de réalisation.
13o Les peuples méconnaissant le rôle des nécessités économiques, se laissent dominer par des illusions mystiques ou sentimentales étrangères aux réalités et génératrices de bouleversements profonds.
Ces brèves vérités n’instruiront probablement personne. Il n’était pas cependant inutile de les formuler. Les pensées sont comparables à ces graines qui entraînées par le vent arrivent à germer sur les plus durs rochers.