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Œuvres complètes de Mathurin Regnier: accompagnées d'une notice biographique et bibliographique, de variantes, de notes, d'un glossaire et d'un index

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Satyre XI.

Suitte.

Voyez que c’est du monde, & des choses humaines,
Tousiours à nouueaux maux naissent nouuelles peines,
Et ne m’ont les destins à mon dam trop constans
Iamais apres la pluye enuoyé le beau-temps,
Estant né pour souffrir ce qui me reconforte,
C’est que sans murmurer la douleur ie supporte,
Et tire ce bon-heur du mal-heur où ie suis,
Que ie fais en riant bon visage aux ennuis,
Que le Ciel affrontant ie nazarde la Lune,
Et voy sans me troubler l’vne & l’autre fortune.
Pour lors bien m’en vallut : car contre ces assauts
Qui font lors que i’y pense encor’ que ie tressauts :
Petrarque & son remede y perdant sa rondache
En eust de marisson ploré comme vne vache.
Outre que de l’obiect la puissance s’esmeut,
Moy qui n’ay pas le nez d’estre Iean qui ne peut,
Il n’est mal dont le sens la nature resueille,
Qui Ribaut ne me prist ailleurs que par l’oreille.
Entré doncq’ que ie fus en ce logis d’honneur,
Pour faire que d’abord on me traitte en Seigneur,
Et me rendre en Amour d’autant plus aggreable,
La bourse desliant ie mis piece sur table,
Et guarissant leur mal du premier appareil,
Ie fis dans vn escu reluire le Soleil,
De nuict dessus leur front la ioye estincelante
Monstroit en son midy que l’ame estoit contente,
Deslors pour me seruir chacun se tenoit prest,
Et murmuroient tout bas, l’honneste homme que c’est.
Toutes à qui mieux mieux s’efforçoient de me plaire,
L’on allume du feu dont i’auois bien affaire,
Ie m’aproche, me sieds, & m’aidant au besoing,
Ià tout appriuoisé ie mangeois sur le poing,
Quand au flamber du feu trois vieilles rechignees,
Vinrent à pas contez comme des erignees,
Chacune sur le cul au foyer s’accropit,
Et sembloient se plaignant marmoter par despit.
L’vne comme vn fantosme affreusement hardie,
Sembloit faire l’entree en quelque Tragedie,
L’autre vne Egyptienne en qui les rides font
Contre-escarpes, rampards, & fossez sur le front.
L’autre qui de soy-mesme estoit diminutiue,
Ressembloit transparante vne lanterne viue
Dont quelque Paticier amuse les enfans,
Où des oysons bridez, Guenuches, Elefans,
Chiens, chats, liéures, renards, & mainte estrange beste
Courent l’vne apres l’autre, ainsi dedans sa teste
Voyoit-on clairement au trauers de ses os,
Ce dont sa fantasie animoit ses propos :
Le regret du passé, du present la misere,
La peur de l’auenir, & tout ce qu’elle espere
Des biens que l’Hypocondre en ses vapeurs promet,
Quand l’humeur ou le vin luy barboüillent l’armet.
L’vne se pleint des reins, & l’autre d’vn côtaire,
L’autre du mal des dents, & comme en grand mistere,
Auec trois brins de sauge, vne figue d’antan,
Vn va-t’en, si tu peux, vn si tu peux va-t’en,
Escrit en peau d’oignon, entouroit sa machoire,
Et toutes pour guarir se reforçoient de boire.
Or i’ignore en quel champ d’honneur & de vertu,
Ou dessous quels drapeaux elles ont combatu,
Si c’estoit mal de Sainct ou de fiéure-quartaine,
Mais ie sçay bien qu’il n’est Soldat ny Capitaine,
Soit de gens de cheual, ou soit de gens de pié,
Qui dans la charité soit plus estropié.
Bien que maistre Denis soit sçauant en Sculture,
Fist-il auec son art quinaude la nature,
Ou comme Michel l’Ange, eust-il le Diable au corps,
Si ne pourroit-il faire auec tous ses efforts,
De ces trois corps tronquez vne figure entiere,
Manquant à cet effect, non l’art mais la matiere.
En tout elles n’auoient seulement que deux yeux
Encore bien flétris, rouges & chassieux,
Que la moitié d’vn nez, que quatre dents en bouche,
Qui durant qu’il fait vent branlent sans qu’on les touche,
Pour le reste il estoit comme il plaisoit à Dieu,
En elles la santé n’auoit ny feu ny lieu :
Et chacune à par-soy representoit l’idolle
Des fiéures, de la peste, & de l’orde verolle.
A ce piteux spectacle il faut dire le vray
I’euz vne telle horreur que tant que ie viuray,
Ie croiray qu’il n’est rien au monde qui guarisse
Vn homme vicieux comme son propre vice.
Toute chose depuis me fut à contre-cœur,
Bien que d’vn cabinet sortist vn petit cœur,
Auec son chapperon, sa mine de pouppee,
Disant i’ay si grand peur de ces hommes d’espee
Que si ie n’eusse veu qu’esties vn Financier,
Ie me fusse plustost laissé crucifier,
Que de mettre le nez où ie n’ay rien affaire,
Iean mon mary, Monsieur, il est Apoticaire.
Sur tout viue l’Amour, & bran pour les Sergens,
Ardez, voire, c’est-mon, ie me cognois en gens,
Vous estes, ie voy bien, grand abbateur de quilles,
Mais au reste honneste homme, & payez bien les filles,
Cognoissez-vous, mais non, ie n’ose le nommer,
Ma foy c’est vn braue homme & bien digne d’aymer,
Il sent tousiours si bon, mais quoy vous l’iriez dire.
Cependant de despit il semble qu’on me tire
Par la queuë vn matou, qui m’escrit sur les reins,
De griffes & de dents mille alibis forains :
Comme vn singe fasché i’en dy ma patenostre,
De rage ie maugree & le mien & le vostre,
Et le noble vilain qui m’auoit attrapé :
Mais Monsieur, me dist-elle, auez-vous point soupé.
Ie vous prie notez l’heure, & bien que vous en semble,
Estes-vous pas d’auis que nous couchions ensemble :
Moy crotté iusqu’au cul, & moüillé iusqu’à l’os,
Qui n’auois dans le lict besoin que de repos,
Ie faillis à me pendre oyant que ceste lice
Effrontément ainsi me presentoit la lice.
On parle de dormir, i’y consens à regret,
La Dame du logis me mene au lieu secret,
Allant on m’entretient de Ieanne & de Macette,
Par le vray Dieu que Ieanne estoit & claire & nette,
Claire comme vn bassin, nette comme vn denier,
Au reste, fors Monsieur, que i’estois le premier.
Pour elle qu’elle estoit niepce de Dame Auoye,
Qu’elle feroit pour moy de la fauce monnoye,
Qu’elle eust fermé sa porte à tout autre qu’à moy,
Et qu’elle m’aymoit plus mille fois que le Roy.
Estourdy de cacquet ie feignois de la croire,
Nous montons, & montans d’vn c’est-mon & d’vn voire,
Doucement en riant i’apointois noz procez,
La montee estoit torte & de fascheux accez,
Tout branloit dessous nous iusqu’au dernier estage,
D’eschelle en eschelon comme vn linot en cage,
Il falloit sauteller & des pieds s’approcher
Ainsi comme vne chéure en grimpant vn rocher.
Apres cent soubres-sauts nous vinsmes en la chambre,
Qui n’auoit pas le goust de musc, ciuette, ou d’ambre,
La porte en estoit basse, & sembloit vn guichet,
Qui n’auoit pour serrure autre engin qu’vn crochet.
Six douues de poinçon seruoient d’aix & de barre,
Qui baillant grimassoient d’vne façon bizarre,
Et pour se reprouuer de mauuais entretien,
Chacune par grandeur se tenoit sur le sien,
Et loin l’vne de l’autre en leur mine alteree
Monstroient leur saincte vie estroite & retiree.
Or comme il pleut au Ciel en trois doubles plié,
Entrant ie me heurté la caboche & le pié,
Dont ie tombe en arriere estourdi de ma cheute,
Et du haut iusqu’au bas ie fis la cullebutte :
De la teste & du cul contant chaque degré,
Puis que Dieu le voulut ie prins le tout à gré.
Aussi qu’au mesme temps voyant choir ceste Dame,
Par ie ne sçay quel trou ie luy vis iusqu’à l’ame,
Qui fist en ce beau sault m’esclatant comme vn fou,
Que ie prins grand plaisir à me rompre le cou.
Au bruit Macette vint, la chandelle on apporte,
Car la nostre en tombant de frayeur estoit morte :
Dieu sçait comme on la vit & derriere & deuant,
Le nez sur les carreaux & le fessier au vent,
De quelle charité l’on soulagea sa peine,
Cependant de son long sans poux & sans haleine,
Le museau vermoulu, le nez escarboüillé,
Le visage de poudre & de sang tout soüillé,
Sa teste descouuerte où l’on ne sçait que tondre,
Et lors qu’on luy parloit qui ne pouuoit respondre,
Sans collet, sans beguin, & sans autre affiquet,
Ses mules d’vn costé de l’autre son tocquet.
En ce plaisant mal-heur ie ne sçaurois vous dire
S’il en falloit pleurer ou s’il en falloit rire ?
Apres cest accident trop long pour dire tout,
A deux bras on la prend & la met-on debout,
Elle reprend courage, elle parle, elle crie,
Et changeant en vn rien sa douleur en furie,
Dist à Ieanne en mettant la main sur le roignon,
C’est mal-heureuse toy qui me porte guignon :
A d’autres beaux discours la collere la porte,
Tant que Macette peut elle la reconforte :
Cependant ie la laisse & la chandelle en main,
Regrimpant l’escalier ie suy mon vieux dessein.
I’entre dans ce beau lieu, plus digne de remarque
Que le riche Palais d’vn superbe Monarque.
Estant là ie furette aux recoings plus cachez,
Où le bon Dieu voulut que pour mes vieux pechez,
Ie sçeusse le despit dont l’âme est forcenee,
Lors que trop curieuse ou trop endemenee,
Rodant de tous costez & tournant haut & bas,
Elle nous fait trouuer ce qu’on ne cherche pas.
Or en premier item souz mes pieds ie rencontre
Vn chaudron ebreché, la bourse d’vne monstre,
Quatre boëtes d’vnguents, vne d’alun bruslé,
Deux gands depariez, vn manchon tout pelé,
Trois fiolles d’eau bleuë, autrement d’eau seconde,
La petite seringue, vne esponge, vne sonde,
Du blanc, vn peu de rouge, vn chifon de rabat,
Vn balet pour brusler en allant au Sabat,
Vne vieille lanterne, vn tabouret de paille,
Qui s’estoit sur trois pieds sauué de la bataille,
Vn baril defoncé, deux bouteilles sur-cu,
Qui disoient sans goulet nous auons trop vescu :
Vn petit sac tout plein de poudre de Mercure,
Vn vieux chapperon gras de mauuaise teinture,
Et dedans vn coffret qui s’ouure auecq’ enhan,
Ie trouue des tisons du feu de la sainct Iean,
Du sel, du pain benit, de la feugere, vn cierge,
Trois dents de mort pliez en du parchemin vierge,
Vne Chauue-souris, la carcasse d’vn Gay,
De la gresse de loup & du beurre de May.
Sur ce point Ieanne arriue & faisant la doucette,
Qui vit ceans ma foy n’a pas besongne faite :
Tousiours à nouueau mal nous vient nouueau soucy,
Ie ne sçay quant à moy quel logis c’est icy.
Il n’est par le vray Dieu iour ouurier ny feste,
Que ces carongnes là ne me rompent la teste,
Bien bien, ie m’en iray si tost qu’il fera iour,
On trouue dans Paris d’autres maisons d’amour.
Ie suis là cependant comme vn que l’on nazarde,
Ie demande que c’est ? hé ! n’y prenez pas garde,
Ce me respondit elle, on n’auroit iamais fait,
Mais bran, bran, i’ay laissé là-bas mon attifet,
Tousiours apres soupper ceste vilaine crie.
Monsieur, n’est-il pas temps, couchons nous ie vous prie.
Cependant elle met sur la table les dras,
Qu’en bouchons tortillez elle auoit sous le bras :
Elle approche du lict fait d’vne estrange sorte,
Sur deux treteaux boiteux se couchoit vne porte,
Où le lict reposoit, aussi noir qu’vn soüillon,
Vn garderobe gras seruoit de pauillon,
De couuerte vn rideau, qui fuyant (vert & iaune)
Les deux extremitez, estoit trop court d’vne aune.
Ayant consideré le tout de point en point,
Ie fis vœu ceste nuict de ne me coucher point,
Et de dormir sur pieds comme vn coq sur la perche ;
Mais Ieanne tout en rut, s’aproche & me recherche,
D’amour ou d’amitié, duquel qu’il vous plaira,
Et moy, maudit soit-il, m’amour qui le fera.
Polyenne pour lors me vint en la pensee,
Qui sçeut que vaut la femme en amour offensee,
Lors que par impuissance, ou par mespris la nuit,
On fauce compagnie ou qu’on manque au desduit,
C’est pourquoy i’euz grand peur qu’on me troussast en malle,
Qu’on me foüetast pour voir si i’auois point la galle,
Qu’on me crachast au nez, qu’en perche on me le mist
Et que l’on me bernast si fort qu’on m’endormist,
Ou me baillant du Iean Ieanne vous remercie,
Qu’on me tabourinast le cul d’vne vessie :
Cela fut bien à craindre & si ie l’euité,
Ce fut plus par bon-heur que par dexterité.
Ieanne non moins que Circe entre ses dents murmure,
Sinon tant de vengeance, aumoins autant d’iniure,
Or pour flater enfin son mal-heur & le mien,
Ie dis quand ie fais mal, c’est quand ie paye bien,
Et faisant reuerence à ma bonne fortune,
En la remerciant ie le conte pour vne.
Ieanne rongeant son frein de mine s’apaisa
En prenant mon argent en riant me baisa,
Non pour ce que i’en dis, ie n’en parle pas, voire,
Mon maistre pensez-vous i’entends bien le grimoire,
Vous estes honneste homme & sçauez l’entre-gent,
Mais monsieur crayez vous que ce soit pour l’argent,
I’en faits autant d’estat comme de chaneuottes,
Non, ma foy i’ay encor vn demy-ceint, deux cottes,
Vne robe de sarge, vn chapperon, deux bas,
Trois chemises de lin, six mouchoirs, deux rabats,
Et ma chambre garnie aupres de sainct Eustache,
Pourtant ie ne veux pas que mon mary le sçache :
Disant cecy tousiours son lict elle brassoit,
Et les linceux trop cours par les pieds tirassoit,
Et fist à la fin tant par sa façon adroite,
Qu’elle les fist venir à moitié de la coite.
Dieu sçait quel lacs d’amour, quels chiffres, quelles fleurs,
De quels compartiments & combien de couleurs,
Releuoient leur maintien, & leur blancheur naïfue,
Blanchie en vn siué, non dans vne lesciue.
Comme son lict est fait, que ne vous couchez-vous,
Monsieur n’est-il pas temps, & moy de filer dous,
Sur ce point elle vient, me prend & me détache,
Et le pourpoint du dos par force elle m’arrache,
Comme si nostre ieu fust au Roy despoüillé :
I’y resiste pourtant, & d’esprit embroüillé,
Comme par compliment ie tranchois de l’honneste,
N’y pouuant rien gaigner ie me gratte la teste.
A la fin ie pris cœur, resolu d’endurer
Ce qui pouuoit venir sans me desesperer,
Qui fait vne follie il la doit faire entiere,
Ie détache vn soüillé, ie m’oste vne iartiere
Froidement toutesfois, & semble en ce coucher,
Vn enfant qu’vn Pedant contraint se détacher,
Que la peur tout ensemble esperonne & retarde :
A chacune esguillette il se fasche, regarde,
Les yeux couuers de pleurs, le visage d’ennuy,
Si la grace du Ciel ne descend point sur luy.
L’on heurte sur ce point, Catherine on appelle,
Ieanne pour ne respondre estaignit la chandelle,
Personne ne dit mot, l’on refrappe plus fort,
Et faisoit-on du bruit pour réueiller vn mort :
A chaque coup de pied toute la maison tremble,
Et semble que le feste à la caue s’assemble.
Bagasse ouuriras-tu ? c’est cestuy-cy, c’est-mon,
Ieanne ce temps-pendant me faisoit vn sermon.
Que Diable aussi, pourquoy ? que voulez-vous qu’on face,
Que ne vous couchiez-vous. Ces gens de la menace
Venant à la priere essayoient tout moyen.
Or ilz parlent Soldat & ores Citoyen,
Ilz contrefont le guet & de voix magistrale,
Ouurez de par le Roy, au Diable vn qui deuale,
Vn chacun sans parler se tient clos & couuert.
Or comme à coups de pieds l’huis s’estoit presque ouuert,
Tout de bon le Guet vint, la quenaille fait Gille,
Et moy qui iusques-là demeurois immobile
Attendant estonné le succez de l’assaut,
Ce pensé-ie il est temps que ie gaigne le haut,
Et troussant mon pacquet de sauuer ma personne :
Ie me veux r’habiller, ie cherche, ie tastonne,
Plus estourdy de peur que n’est vn hanneton :
Mais quoy, plus on se haste & moins auance t’on.
Tout comme par despit se trouuoit souz ma pate,
Au lieu de mon chappeau ie prens vne sauate,
Pour mon pourpoint ses bas, pour mes bas son collet,
Pour mes gands ses souliers, pour les miens vn ballet,
Il sembloit que le Diable eust fait ce tripotage :
Or Ieanne me disoit pour me donner courage,
Si mon compere Pierre est de garde auiourd’huy,
Non, ne vous faschez point, vous n’aurez point d’ennuy.
Cependant sans delay Messieurs frapent en maistre,
On crie patience, on ouure la fenestre.
Or sans plus m’amuser apres le contenu,
Ie descends doucement pied chaussé l’autre nu,
Et me tapis d’aguet derriere vne muraille,
On ouure & brusquement entra ceste quenaille,
En humeur de nous faire vn assez mauuais tour,
Et moy qui ne leur dist ny bon soir ny bon iour,
Les voyant tous passez ie me sentis alaigre,
Lors dispos du talon ie vais comme vn chat maigre,
I’enfile la venelle, & tout leger d’effroy,
Ie cours vn fort long-temps sans voir derriere moy :
Iusqu’à tans que trouuant du mortier, de la terre,
Du bois, des estançons, mains plâtras, mainte pierre,
Ie me sentis plustost au mortier embourbé,
Que ie ne m’aperçeus que ie fusse tombé.
On ne peut esuiter ce que le Ciel ordonne,
Mon âme cependant de colere frissonne,
Et prenant s’elle eust peu le destin à party,
De despit à son nez elle l’eust dementy,
Et m’asseure qu’il eust reparé mon dommage.
Comme ie fus sus pieds enduit comme vne image,
I’entendis qu’on parloit, & marchant à grands pas,
Qu’on disoit hastons-nous ie l’ay laissé fort bas,
Ie m’aproche, ie voy, desireux de cognoistre,
Au lieu d’vn Medecin il lui faudroit vn Prestre,
Dist l’autre, puis qu’il est si proche de sa fin,
Comment, dist le valet, estes-vous medecin ?
Monsieur pardonnez moy, le Curé ie demande,
Il s’encourt, & disant Adieu me recommande,
Il laisse là monsieur fasché d’estre deceu.
Or comme allant tousiours de pres ie l’aperceu,
Ie cogneu que c’estoit nostre amy, ie l’aproche,
Il me regarde au nez, & riant me reproche
Sans flambeau l’heure indeuë & de pres me voyant
Fangeux comme vn pourceau, le visage effroyant,
Le manteau sous le bras, la façon assoupie,
Estes-vous trauaillé de la Licantropie,
Dist-il en me prenant pour me taster le pous,
Et vous, dy-ie, Monsieur, quelle fiéure auez-vous ?
Vous qui tranchez du sage ainsi parmy la ruë,
Faites vous sus vn pied toute la nuict la gruë ?
Il voulut me conter comme on l’auoit pipé,
Qu’vn valet du sommeil ou de vin occupé,
Souz couleur d’aller voir vne femme malade
L’auoit galantement payé d’vne cassade :
Il nous faisoit bon voir tous deux bien estonnez,
Auant iour par la ruë auecq’ vn pied de nez,
Luy pour s’estre leué esperant deux pistoles
Et moy tout las d’auoir receu tant de bricolles.
Il se met en discours, ie le laisse en riant,
Aussi que ie voyois aux riues d’Oriant
Que l’aurore s’ornant de saffran & de roses,
Se faisant voir à tous faisoit voir toutes choses,
Ne voulant pour mourir qu’vne telle beauté
Me vist en se leuant si sale & si crotté,
Elle qui ne m’a veu qu’en mes habits de feste.
Ie cours à mon logis, ie heurte, ie tempeste,
Et croyez à frapper que ie n’estois perclus :
On m’ouure, & mon valet ne me recognoist plus,
Monsieur n’est pas ici, que Diable à si bonne heure,
Vous frappez comme vn sourd, quelque temps ie demeure,
Ie le vois, il me voit, & demande estonné,
Si le moine bouru m’auoit point promené,
Dieu, comme estes-vous fait, il va, moy de le suiure,
Et me parle en riant comme si ie fusse yure,
Il m’allume du feu, dans mon lict ie me mets,
Auec vœu si ie puis de n’y tomber iamais,
Ayant à mes despens appris ceste sentence,
Qui gay fait vne erreur, la boit à repentance,
Et que quand on se frotte auecq’ les Courtisants,
Les branles de sortie en sont fort desplaisants,
Plus on penetre en eux plus on sent le remeugle,
Et qui troublé d’ardeur entre au bordel aueugle,
Quand il en sort il a plus d’yeux & plus aigus,
Que Lyncé l’Argonaute ou le ialoux Argus.
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