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Œuvres complètes de Mathurin Regnier: accompagnées d'une notice biographique et bibliographique, de variantes, de notes, d'un glossaire et d'un index

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ODE SVR VNE VIEILLE MAQVERELLE.

Esprit errant, ame idolastre,
Corps verolé couuert d’emplastre,
Aueuglé d’vn lascif bandeau,
Grande Nymphe à la harlequine,
Qui s’est brisé toute l’eschine
Dessus le paué du bordeau,
Dy-moy pourquoy, vieille maudite,
Des Rufians la calamite,
As-tu sitost quitté l’Enfer ?
Vieille à nos maux si preparée,
Tu nous rauis l’aage dorée,
Nous ramenant celle de fer.
Retourne donc, ame sorciere,
Des Enfers estre la portiere,
Pars & t’en va sans nul delay
Suyure ta noire destinée,
Te sauuant par la cheminée,
Sur ton espaule vn vieil balay.
Ie veux que par tout on t’appelle
Louue, chienne, ourse cruelle,
Tant deçà que delà les monts,
Ie veux de plus qu’on y adiouste :
Voylà le grand Diable qui iouste
Contre l’Enfer & les Demons.
Ie veux qu’on crie emmy la ruë,
Peuple, gardez-vous de la gruë
Qui destruit tous les esguillons,
Demandant si c’est aduenture,
Ou bien vn effect de nature
Que d’accoucher des ardillons.
De cent clous elle fut formée,
Et puis pour en estre animée,
On la frotta de vif-argent :
Le fer fut premiere matiere,
Mais meilleure en fut la derniere,
Qui fist son cul si diligent.
Depuis honorant son lignage,
Elle fit voir vn beau mesnage
D’ordure & d’impudicitez,
Et puis par l’excez de ses flames,
Elle a produit filles & femmes
Au champ de ses lubricitez.
De moy tu n’auras paix ny tresue
Que ie ne t’aye veuë en Greue,
La peau passée en maroquin,
Les os brisez, la chair meurtrie,
Preste à porter à la voirie,
Et mise au fond d’vn mannequin.
Tu merites bien dauantage,
Serpent dont le maudit langage
Nous perd vn autre paradis :
Car tu changes le Diable en Ange,
Nostre vie en la mort tu change
Croyant cela que tu nous dis.
Ha dieux ! que ie te verray souple,
Lorsque le bourreau couple à couple
Ensemble lira tes putains,
Car alors tu diras au monde
Que malheureux est qui se fonde
Dessus l’espoir de ses desseins.
Vieille sans dens, grande halebarde,
Vieil baril à mettre moustarde,
Grand morion, vieux pot cassé,
Plaque de lict, corne à lanterne,
Manche de luth, corps de guiterne,
Que n’es-tu desià in pace.
Vous tous qui malins de nature,
En desirez voir la peinture,
Allez-vous en chez le bourreau,
Car s’il n’est touché d’inconstance,
Il la faict voir à la potence,
Ou dans la salle du bordeau.
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