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Œuvres complètes de Mathurin Regnier: accompagnées d'une notice biographique et bibliographique, de variantes, de notes, d'un glossaire et d'un index

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Avtre.

Aymant comme i’aymois que ne deuois ie craindre ?
Pouuois ie estre asseuré qu’elle se deust contraindre ?
Et que changeant d’humeur au vent qui l’emportoit,
Elle eust pour moy cessé d’estre ce qu’elle estoit ?
Que laissant d’estre femme inconstante & legere,
Son cœur traistre à l’Amour, & sa foy mensongere,
Se rendant en vn lieu l’esprit plus arresté,
Peust au lieu du mensonge aymer la verité ?
Non, ie croyois tout d’elle, il faut que ie le die,
Et tout m’estoit suspect horsmis la perfidie,
Ie craignois tous ses traits que i’ay sçeu du depuis,
Ses iours de mal de teste, & ses secrettes nuicts,
Quand se disant malade & de fieure enflammee
Pour moy tant seullement sa porte estoit fermée,
Ie craignois ses attrais, ses ris, & ses couroux,
Et tout ce dont Amour allarme les ialoux.
Mais la voyant iurer auecq’ tant d’asseurance,
Ie l’aduoüe, il est vray, i’estois sans deffiance :
Aussi qui pouuoit croire apres tant de serments,
De larmes, de souspirs, de propos vehements
Dont elle me iuroit que iamais de sa vie,
Elle ne permettroit d’vn autre estre seruie,
Qu’elle aymoit trop ma peine, & qu’en ayant pitié,
Ie m’en deuois promettre vne ferme amitié ;
Seulement pour tromper le ialoux populaire,
Que ie deuois, constant, en mes douleurs me taire,
Me feindre tousiours libre, ou bien me captiuer,
Et quelqu’autre perdant, seule la conseruer.
Cependant deuant Dieu dont elle a tant de crainte,
Au moins comme elle dict ; sa parolle estoit feinte,
Et le Ciel luy seruit en ceste trahison,
D’infidele moyen pour tromper ma raison :
Et puis il est des Dieux tesmoins de nos parolles,
Non, non, il n’en est point, ce sont contes friuolles,
Dont se repaist le peuple, & dont l’antiquité
Se seruit pour tromper nostre imbecilité :
S’il y auoit des Dieux ils se vengeroient d’elle,
Et ne la voiroit on si fiere ny si belle,
Ses yeux s’obscurciroient qu’elle a tant pariurez,
Son teint seroit moins clair, ses cheueux moins dorez
Et le Ciel pour l’induire à quelque penitence,
Marqueroit sur son front son crime & leur vengeance.
Ou s’il y a des Dieux ils ont vn cœur de chair,
Ainsi que nous d’amour ils se laissent toucher,
Et de ce sexe ingrat excusant la malice,
Pour vne belle femme ils n’ont point de Iustice.
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