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Œuvres complètes de Mathurin Regnier: accompagnées d'une notice biographique et bibliographique, de variantes, de notes, d'un glossaire et d'un index
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SONNETS.
I.
O Dieu, si mes pechez irritent ta fureur,
Contrit, morne & dolent, i’espere en ta clemence,
Si mon duëil ne suffit à purger mon offence,
Que ta grace y supplée, & serve à mon erreur.
Mes esprits éperdus frissonnent de terreur,
Et ne voyant salut que par la penitence,
Mon cœur, comme mes yeux, s’ouvre à la repentance,
Et me hay tellement, que ie m’en fais horreur.
Ie pleure le present, le passé ie regrette,
Ie crains à l’avenir la faute que i’ay faite,
Dans mes rebellions je lis ton jugement.
Seigneur, dont la bonté nos injures surpasse,
Comme de Pere à fils vses-en doucement ;
Si i’avois moins failly, moindre seroit ta grace.
II.
Quand devot vers le Ciel j’ose lever les yeux,
Mon cœur ravy s’emeut, & confus s’emerveille,
Comment, dis-ie à part-moy, cette œuvre nompareille
Est-elle perceptible à l’esprit curieux ?
Cet Astre ame du monde, œil vnique des Cieux,
Qui travaille en repos, & jamais ne sommeille
Pere immense du jour, dont la clarté vermeille,
Produit, nourrit, recrée, & maintient ces bas lieux.
Comment t’eblouïs-tu d’vne flamme mortelle,
Qui du soleil vivant n’est pas vne étincelle,
Et qui n’est devant luy sinon qu’obscurité ?
Mais si de voir plus outre aux Mortels est loisible,
Croy bien, tu comprendras mesme l’infinité,
Et les yeux de la foy te la rendront visible.
III.
Cependant qu’en la Croix plein d’amour infinie,
Dieu pour nostre salut tant de maux supporta,
Que par son juste sang nostre ame il racheta
Des prisons où la mort la tenoit asservie,
Alteré du desir de nous rendre la vie,
I’ay soif, dit-il aux Iuifs ; quelqu’vn lors apporta
Du vinaigre, & du fiel, & le luy presenta ;
Ce que voyant sa Mere en la sorte s’écrie :
Quoy ! n’est-ce pas assez de donner le trepas
A celuy qui nourrit les hommes icy bas,
Sans frauder son desir, d’vn si piteux breuvage ?
Venez, tirez mon sang de ces rouges canaux,
Ou bien prenez ces pleurs qui noient mon visage,
Vous serez moins cruels, & i’auray moins de maux.
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