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Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française

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TRENTE ET UNIÈME CHAPITRE
LE CALVAIRE

Une autre fois encore, la douleur de Jésus-Christ fut mise devant mes yeux. Ni la langue ne suffit pour dire ce que j’ai vu, ni le cœur pour le sentir. Tout sentiment me devient impossible, excepté le sentiment d’une douleur sans exemple dans ma vie. Et je fus transformée en douleur.

Et mon âme vit dans l’âme du Christ quelques-unes de ses douleurs avec leurs causes.

Cette âme était sans tache, absolument sainte, et ne devait, quant à elle, jamais connaître le châtiment.

Il ne souffrait donc que pour nous, que pour nous très ingrats, très indignes, qui nous moquions de lui dans le moment même où il nous rachetait. Le péché de ses bourreaux étant sans proportion, Jésus, qui haïssait le péché d’une haine infinie, ne sentait pas seulement sa Passion en tant que supplice, il la sentait en tant que péché et souffrait d’elle en tant que péché plus que des autres crimes. Le péché avait pour auteur des peuples entiers, les Gentils, les Juifs, ou plutôt le genre humain réuni contre Dieu dans un jour de grande fête. Sa douleur sans mesure, digne du crime et des criminels, de leur nombre et de son énormité, se répandait sur les nations. Il souffrait inexprimablement de la malice de ses ennemis ; leur zèle à abolir son souvenir, son nom et ses élus lui perçait le cœur. Il compatissait à ses disciples, persécutés à cause de lui, qui tombaient du haut de la foi. Il compatissait aux douleurs de sa mère. Il était abandonné dans sa détresse, sans secours, sans consolation. Cette âme très sainte et très noble recevait la douleur de partout à la fois. Toutes les tortures de son corps très délicat, très pur, très sensible, retombaient avec toutes les amertumes, toutes les angoisses, tous les déchirements spirituels, retombaient sur son âme déchirée à la fois, par la souffrance sans restriction, par la souffrance universelle.

Ne croyez pas que ce soit là tout. La lumière de la vision me montra la foule des autres tortures pour lesquelles j’ai demandé la permission du silence.

C’est pourquoi, arrachée à moi-même par la douleur, ravie hors de moi dans l’extase de la douleur,

Je fus transformée en la douleur de Jésus-Christ crucifié.

Ce fut pour cette compassion que Dieu m’accorda une grâce double : d’abord il fortifia tellement ma volonté, que je ne peux plus vouloir autre chose que ce qu’il veut ; puis il établit mon âme dans un état à peu près immuable. Je possède Dieu avec une telle plénitude, que j’ai été transportée dans un lieu nouveau. J’ai été ravie avec mon cœur, ma chair et mon âme, sur les montagnes de la paix, et je suis contente de toutes choses.

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