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Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française

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CINQUANTE ET UNIÈME CHAPITRE
LA MENACE

Un jour j’étais en oraison dans ma cellule, et j’entendis ces paroles :

« Ceux qui ont le Seigneur Dieu pour illuminateur voient leur voie particulière dans la lumière intérieure et spirituelle. Mais quelques-uns d’entre eux ferment les oreilles de peur d’entendre, et les yeux de peur de voir. Ne voulant pas écouter la parole de Celui qui parle dans l’âme, quoiqu’ils sentent de ce côté-là la saveur divine, ils se détournent, malgré la voix intime, et suivent la voie commune. Ceux-ci seront maudits par le Dieu tout-puissant. »

J’entendis cette parole, non pas une fois mais mille fois. Mais, saisie d’une tentation violente, je pris cet enseignement pour une illusion. « Comment, disais-je, voici une âme que Dieu éclaire de sa lumière, qu’il comble de ses dons, et parce qu’elle suit une route ordinaire, il la maudit ». Cette parole me parut trop terrible. Je refusai avec horreur d’écouter seulement la voix qui parlait.

Alors, par complaisance pour ma faiblesse, un exemple grossier me fut offert, et je reçus plusieurs fois l’ordre absolu de faire écrire et de ne pas passer sous silence. Voici cette parabole.

« Un père voulait faire de son fils un savant. Le père n’épargne rien, il fait d’énormes dépenses. Il fournit magnifiquement au fils de son amour tout ce qui est nécessaire à la grande figure qu’il doit faire dans le monde. Quand certaines études sont terminées sous la direction d’un premier maître, le père fait transporter le bien-aimé dans une autre demeure, où un autre maître plus élevé lui donne de plus sublimes enseignements. Mais si le disciple ingrat, négligeant la haute science, s’en va travailler dans la boutique d’un artisan, et oublie chez un mercenaire ce qu’il tenait de la sagesse de son maître et de la magnificence de son père, celui-ci s’abîmera dans une douleur et dans une indignation proportionnées à la grandeur et à la profondeur de son amour trahi. »

Le fils, c’est l’âme qui, éclairée d’abord par la prédication et par l’Ecriture, est admise dans le sanctuaire où retentit la parole de Dieu ; il voit dans la lumière spirituelle comment il doit suivre la voie du Christ. Il est touché intérieurement. Dieu, qui l’a d’abord confié aux hommes et aux livres, intervient directement et lui montre la lumière que lui seul peut montrer. Il donne la haute science, afin que celui qui aura vu sa route si magnifiquement devienne la lumière des autres hommes. Mais si ce bien-aimé néglige le don de Dieu, s’il s’encroûte, s’il s’épaissit, s’il repousse cette lumière qui est la sienne, et la science de Dieu et son inspiration, Dieu lui soustrait la lumière et lui donne sa malédiction.

Je reçus l’ordre d’écrire ces paroles et de les montrer au frère qui me confessait, parce qu’elles le regardent personnellement.


Un autre jour Dieu me parla et me dit : « Il y a une classe d’hommes qui ne connaissent le Seigneur que par les biens qu’ils tiennent de lui. Ceux-là le connaissent peu. Une autre classe d’hommes, qui possède aussi cette connaissance, en possède une autre plus intime. Ceux-ci sentent au fond d’eux la bonté essentielle du Seigneur. »

Dans un autre entretien, je reçus une lumière, et j’entendis une voix qui criait, et dans les cris je distinguai ces paroles :

« Oh ! qu’ils sont grands ! qu’ils sont grands ! Je ne parle pas de ceux qui lisent les Ecritures que j’ai données aux hommes. Je parle de ceux qui les accomplissent. »

Et elle ajouta que toute l’Ecriture est accomplie dans la vie du Christ.


Un jour, je priais et je disais au Seigneur :

« Je sais que vous êtes mon Père, je sais que vous êtes mon Dieu ; dites-moi ce que je dois faire : montrez-moi la route qui est la mienne ; car je suis prête à obéir. »

J’étais arrêtée dans cette parole depuis le matin jusqu’à l’heure de tierce…

....... .......... ...

Et je vis et j’entendis…

....... .......... ...

Mais ce que je vis et ce que j’entendis, il m’est absolument impossible de l’exprimer. C’était un abîme absolument ineffable, et l’abîme me montra ce qu’est Dieu, quels hommes vivent en lui, quels hommes ne vivent pas en lui, et l’abîme me dit :

« Je te le dis en vérité, il n’est pas d’autre route droite que celle où j’ai marché : dans cette route, qui est la mienne, la déception n’est pas. »

Cette parole me fut dite souvent. Elle m’apparut dans sa vérité et me fut montrée dans une lumière immense.

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