Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française
SOIXANTE-SIXIÈME CHAPITRE
LES DONS DE DIEU
Voici quelques dons très doux qui indiquent chez celui qui les possède la plénitude et la perfection de l’amour consommateur. Ils peuvent servir de mesure à l’âme pour connaître le point où elle est arrivée dans la voie de la transformation.
D’abord l’amour de la pauvreté, qui délivre l’âme des attaches de la créature, de toute possession qui ne serait pas celle de Jésus-Christ, de toute espérance qui serait fondée sur un autre. Cet amour ne doit pas seulement vivre dans le cœur, il doit se prouver par les actes.
Un autre don, c’est le désir d’être méprisé par toute créature, et de ne trouver de compassion nulle part, et de vivre dans le cœur de Dieu seul, et de compter pour rien partout ailleurs.
Je ne pourrai citer encore le désir d’être accablé et inondé dans son cœur et dans son corps de toutes les douleurs de Jésus et de Marie, et que toute créature vous les fasse subir sans relâche.
Celui qui n’a pas ces trois désirs ne possède pas la ressemblance bienheureuse du Christ, car ils l’ont accompagné, sa mère et lui, en tout temps et en tout acte.
Si vous possédez ces trois dons, le quatrième sera de vous en sentir indigne, d’être persuadé que vous ne les avez pas par votre vertu propre, et plus vous les aurez, plus vous croirez qu’ils vous manquent ; car celui-là perd l’amour, qui se déclare satisfait de ses dons.
Sachez donc que jamais vous n’êtes arrivé ; regardez-vous comme quelqu’un qui va commencer, qui n’a jusqu’ici rien fait et rien reçu.
Puis par une méditation incessante, par une oraison savoureuse, vous chercherez ces choses dans l’intérieur de Jésus-Christ, et vous crierez vers Dieu, lui demandant le manteau du nouvel Elie, et vous ne réclamerez que la transformation parfaite de vous en lui, et vous vous plongerez dans cette joie des joies, dans la joie de votre vie terrestre, et vous gravirez l’échelle de la contemplation pour chercher la plénitude de Jésus, et vous y puiserez les surabondances infinies que sa vie extérieure n’a pas manifestées. Alors vous fuirez comme la peste tout ce qui vous séparerait de votre amour. Toute affection charnelle ou spirituelle, toute chose hostile ou contraire que la terre vous présentera, vous fera le dégoût et l’horreur d’un serpent sur lequel vous auriez posé le pied.
Enfin, vous ne jugerez personne, et vous ne vous soustrairez au jugement de personne, vous regardant, suivant la parole de l’Evangile, comme la dernière des créatures et la plus indigne des dons de Dieu.
Ceux qui posséderont ces choses de la vie présente, dans le combat d’aujourd’hui, ceux-là posséderont Dieu dans la patrie. Ceux à qui Dieu donne pour les transformer en lui la croix de Jésus dans la vie présente, seront transformés plus tard en Dieu lui-même. C’est pourquoi l’âme ne doit chercher en cette vie les consolations spirituelles que pour soutenir sa faiblesse et réchauffer sa froideur.