Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française
TRENTE-NEUVIÈME CHAPITRE
MARIE
Un jour j’entendais la messe ; et au moment de l’élévation, à l’instant où les assistants se mettaient à genoux, je fus ravie en esprit : la Vierge m’apparut et me dit :
« Ma fille, la bien-aimée de Dieu, et ma bien-aimée, mon Fils est déjà venu à toi, et tu as reçu sa bénédiction. »
Elle me fit comprendre que son Fils était sur l’autel après la consécration de l’hostie. J’entendis ce que je n’avais jamais entendu ; j’entendis qu’il s’agissait d’une joie nouvelle absolument. En effet, la joie qui résulta des paroles entendues fut telle, que si l’on me disait : « Existe-t-il une créature qui puisse l’exprimer par une parole quelconque ? » je répondrais : « Je ne sais pas et je ne crois pas. » La Vierge parlait avec une grande humilité, et déposait dans mon âme un sentiment nouveau d’une douceur inconnue. Une chose m’étonnait c’était d’avoir pu rester debout. Je ne tombai pas à terre, et je n’y comprends rien.
Elle ajouta :
« Après la visite et la bénédiction du Fils, il est convenable que tu reçoives celle de la Mère. Sois bénie par mon Fils et par moi. Que ton travail soit d’aimer dans toute la mesure de tes puissances ; car tu es beaucoup aimée, et tu arriveras vers l’objet sans fin. »
J’éprouvai une joie nouvelle, qui n’était surpassée par aucune joie connue, mais elle fut bientôt surpassée par elle-même ; car elle augmenta au moment de l’élévation. Je ne vis pas le corps de Jésus-Christ sur l’autel ; je le vois souvent ; je ne le vis pas ce jour-là. Mais je sentis la présence de Jésus-Christ dans mon âme ; je la sentis en vérité.
J’appris alors que, pour embraser une âme, il n’y a pas d’embrasement semblable à la présence du Christ ; ce n’était pas le feu qui me brûle ordinairement ; celui-là était extraordinairement doux.
Quand cette flamme est dans l’âme, je réponds de la présence de Dieu ; lui seul peut l’allumer.
Dans les moments comme celui-là, mes membres croient qu’ils vont se séparer. J’entends même le bruit qu’ils font ; on dirait un déboîtement. J’éprouve surtout cette impression-là au moment de l’élévation. Mes doigts se séparent et mes mains s’ouvrent.