Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française
TRENTE-DEUXIÈME CHAPITRE
LES CLOUS
Une autre fois je songeais à la douleur incommensurable de Jésus-Christ sur la croix, et je pensais à ces clous qui, d’après une certaine parole, avaient porté la chair des mains et des pieds dans l’intérieur du bois, et je désirais voir au moins cette petite partie de la chair du Christ que ces clous avaient portée dans l’intérieur du bois. Cette souffrance du Christ me donna une telle douleur, que je ne fus plus capable de me tenir debout. Je baissai la tête et je tombai. Alors je vis Jésus-Christ incliner sa tête sur mes bras, qui étaient étendus à terre ; il me montra les siens, et en même temps son cou. Aussitôt ma douleur se changea en une joie telle, que je perdis le sentiment et la vue de tout ce qui n’était pas lui. Le cou était d’une beauté à faire mourir la parole humaine. Je compris que cette beauté inouïe était le rejaillissement de la divinité, et cependant mes yeux ne voyaient que son cou, dans une splendeur merveilleuse. Beauté incomparable, qui n’a pas de pareille en ce monde, couleur qui ne ressemble à aucune couleur connue, si quelque chose se rapproche de vous, c’est la lumière dans laquelle quelquefois à la messe j’aperçois le corps du Christ, à l’élévation !