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Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française

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QUARANTE-SIXIÈME CHAPITRE.
L’EMBRASSEMENT

Un jour je fus ravie en esprit ; attirée, élevée, absorbée dans la lumière sans commencement ni fin, je voyais ce qui ne peut se dire. Pendant cette influence, l’image de l’Homme-Dieu m’apparut encore, à l’instant de la descente de croix. Le sang était récent, frais, rouge ; il coulait des blessures ouvertes ; il venait de sortir du corps. Alors dans les jointures je vis de tels déchirements, je vis les nerfs tellement étendus, et les os tellement disloqués par l’effort des bourreaux, qu’un glaive me traversa, et mes entrailles furent percées ; et, quand je me souviens des douleurs que j’ai subies dans ma vie, je n’en trouve pas une qui soit égale à celle-ci.

J’étais là, absorbée dans ma douleur ; autour du Crucifié, j’aperçus une foule dévouée, qui prêchait en paroles et en actes la pauvreté, l’opprobre et la douleur du Crucifié. Cette foule, c’étaient mes fils spirituels. Jésus les appela, les attira à lui, les embrassa un à un avec un immense amour ; puis il leur prit la tête avec ses mains, et leur donna à baiser la plaie sacrée de son Cœur. Je sentis quelque chose de l’amour qu’il avait dans les entrailles, et ma joie fut telle, que la douleur dont je viens de parler, la douleur sans exemple, s’évanouit dans mon transport.

L’application que fit Jésus de mes enfants sur son Cœur ne fut pas la même pour eux tous. Pour quelques-uns d’entre eux il la répéta ; pour les uns elle était plus complète, moins complète pour les autres. Quelques-uns d’entre eux furent absorbés tout entiers dans le Cœur de Dieu ; la rougeur du sang vermeil était sur leurs lèvres ; quelques-uns d’entre eux avaient les joues colorées ; il y a certaines figures que je vis couvertes et teintes tout entières, suivant les degrés que j’indiquais tout à l’heure ; et Jésus prodiguait des bénédictions, et il disait : « O bien-aimés fils, faites connaître aux hommes le chemin de la croix, par où j’ai marché dans la pauvreté, le mépris et la douleur : prenez-y la grande part qui convient à mes coopérateurs ; car je vous ai choisis singulièrement, pour manifester par la parole et l’exemple, pour mettre au jour ma lumière cachée et méprisée. »

Mon âme comprit que ces paroles s’appliquaient à mes fils, dans les mêmes différences et les mêmes proportions que s’était appliquée la plaie du côté. Quant à l’amour qui sortait de ses entrailles pour resplendir sur sa face et dans ses yeux ; quant à l’amour qui pénétra tous ces baisers, toutes ces paroles, toutes ces bénédictions, il est dans le domaine de l’ineffable, et le silence lui convient seul[6].

[6] Celui qui écrivait sous sa dictée plaça ici une note.

« Bien qu’elle eût vu les rangs que ses enfants occupaient, elle n’en désigna aucun. Elle ne voulut pas nous dire qui de nous étaient les plus aimés, il ne nous parut pas convenable d’insister pour le savoir. Chacun de nous n’a qu’à faire, dans toute la mesure de ses forces, ce qu’il faut pour s’unir. »

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