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Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française

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QUARANTE-QUATRIÈME CHAPITRE
LA PRIÈRE A LA SAINTE VIERGE

Ce jour-là je n’étais pas en prière : je venais de manger et je me reposais. Au moment où j’y pensais le moins, je fus ravie en esprit, et je vis la Vierge dans sa gloire. Une femme pouvait donc être placée sur un tel trône et dans une telle majesté ? Ce sentiment m’inonda d’une joie ineffable. Cette gloire était possible à une femme : cela est, et je l’ai vu. Elle était debout, priant pour le genre humain ; l’aptitude qui vient de la bonté et celle qui vient de la force donnaient à sa prière des vertus inénarrables. J’étais transportée de bonheur à la vue de cette prière ; et pendant que je regardais la Vierge, tout à coup Jésus-Christ apparut près d’elle, revêtu de son humanité glorifiée. J’eus la notion des douleurs que cette chair avait souffertes, des opprobres qu’elle avait subis, de la croix qu’elle avait portée ; les tortures et les ignominies de la Passion me furent mises dans l’esprit. Mais voici ce qu’il y eut de merveilleux : le sentiment des tourments inouïs dont j’avais connaissance, et que Jésus a soufferts pour nous ; ce sentiment, au lieu de me briser de douleur, me brisait de joie. Transportée d’un bonheur inénarrable, je perdis la parole et j’attendis la mort. Et j’éprouvai une peine au-dessus de toute peine : car j’attendis en vain. La mort ne venait pas, et je ne parvenais pas immédiatement, puisqu’elle refusait de briser mes liens, à l’inénarrable qui était sous mes yeux.

Cette vision dura trois jours sans interruption. Je mangeais, quoique très peu, mais, languissante de désir, je ne pouvais pas parler ; j’étais renversée, prosternée, surmontée.

Si j’avais quelque chose à faire, je le faisais ; mais il ne fallait pas nommer Dieu devant moi, car ma joie devenait alors absolument insupportable.

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