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Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française

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SOIXANTE-QUATRIÈME CHAPITRE
LA CHARITÉ

L’amour est la première des vertus. Sans lui la prière ne vaut rien ; sans lui elle est une pure vanité que Dieu rejette, et toute vertu est sans fruit. Sur l’inutilité de la prière destituée d’amour, lisez le livre de vie, écoutez Jésus-Christ : « Si au moment de déposer votre présent sur l’autel, etc. » Le don de l’oraison ne vaut rien, s’il n’est offert dans le lien de la charité. Et dans l’Oraison dominicale « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons, etc. »

Il vous sera pardonné comme vous aurez pardonné. Posez-vous donc dans l’état de la plus intime, de la plus unitive charité.

Sachez, mes enfants, que l’amour est le centre où est contenu tout bien, et le centre où est contenu tout mal. Il n’y a rien sur la terre, ni chose, ni homme, ni démon, qui soit redoutable comme l’amour, parce qu’aucune puissance ne pénètre comme celle-là l’âme, la pensée, le cœur ; et si cette force n’est pas réglée, l’âme se précipite, comme quelque chose de léger, dans tous les pièges, et son amour est sa ruine. Je ne parle pas seulement de l’amour absolument mauvais, dont l’infernal danger n’échappe à personne, et que l’évidence elle-même nous dit d’éviter. Je parle de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. L’amour de Dieu m’est par-dessus tout suspect. S’il n’est armé de discernement, il va à la mort ou à l’illusion ; s’il n’est discret, il court à une catastrophe : ce qui commence sans ordre ne peut aboutir à rien. Beaucoup se croient dans l’amour, qui sont dans la haine de Dieu et dans l’amitié de ses ennemis. Celui qui aime Dieu uniquement pour être préservé de telle ou telle douleur accidentelle n’est pas dans un ordre parfait ; car il aime lui d’abord, et Dieu ensuite, qui cependant doit être aimé avant tout et pour lui-même. Il s’est fait un Dieu de lui-même, et n’aime Dieu qu’en vue de lui. Celui qui aime ainsi, aime les choses à cause de lui-même, ne cherchant en elles que le plaisir de son corps, dont il a fait un Dieu. Il aime ses parents, s’ils rapportent honneur et profit ; il aime dans les saints, non la sainteté, mais le secours qu’il en espère pour lui-même ; il aime les aptitudes qui peuvent faire briller devant quelqu’un ses qualités extérieures ; il aime la science pour la parade ; il veut raisonner, et non pas aimer ; il veut reprendre avec orgueil, afin de passer pour quelque chose.

Il y en a d’autres qui croient aimer Dieu, et qui l’aiment d’un amour infime et imparfait. Ils l’aiment parce qu’il dispose du pardon et du paradis, mais ils ne se soucient pas de lui-même ; ils l’aiment uniquement pour qu’il les garde du péché et de l’enfer. D’autres l’aiment pour avoir des consolations et des douceurs spirituelles ; d’autres, pour être aimés de lui ; d’autres désirent la sainteté de leurs parents et de leur amis à cause de l’honneur qui rejaillit sur eux ; d’autres, parmi les lettrés, aiment Dieu pour recevoir le sens, la science et l’intelligence de l’Ecriture ; parmi les illettrés, pour savoir parler des choses de l’esprit ; mais ils ne songent ni à la gloire de Dieu ni à leur salut. Ils veulent qu’on les aime et qu’on les considère ; ils aiment la spiritualité afin de prendre place parmi ses héros, et de gagner le cœur de ses amis ; ils ne songent qu’au profit et à la réputation ; ils aiment l’obéissance, la pauvreté, la patience, l’humilité extérieure et toutes les vertus, afin de dépasser les autres, afin d’être les premiers ; ils ressemblent à Lucifer, qui fit tout ce qu’il fit pour avoir la première place. D’autres, afin d’étendre partout la réputation de leur sainteté, admirent la sainteté de toutes les âmes, saintes ou non, afin de paraître charitables envers tous, et absolument incapables d’un jugement téméraire.

Il y en a qui aiment l’ami dévot ou l’amie dévote d’un amour spirituel, parfait et divin ; mais cet amour tombe dans l’excès et dans le défaut s’il n’est armé d’une profonde discrétion. Il devient charnel, inutile et nuisible ; il perd son temps en conversations vaines ; les cœurs sont collés l’un contre l’autre, et la sagesse n’est pas entre eux. Cet amour augmente, il se procure ce qu’il veut la présence de la personne aimée. Loin d’elle il languit ; près d’elle il augmente par une transformation dangereuse et une conformité de goûts qui n’a pas sa source dans la vérité. Contre cet amour, l’âme n’a pas d’arme : il grandit jusqu’au désordre. Si la personne aimée est blessée de la même flèche, le danger augmente. Ici commence l’échange des secrets. On s’entretient continuellement de son amour ; on se dit l’un à l’autre : « Personne au monde ne m’est aussi cher ; je te porte dans mon cœur. » Ils parlent ainsi pour donner un corps à leurs sentiments ; car ils veulent les palper. Ces deux âmes s’appellent l’une l’autre ; elles se désirent dans l’intérêt de leur dévotion et de l’avancement spirituel qu’elles croient rencontrer dans leur union. Si quelque tentation naît de leur tendresse, la raison intervient et contredit ; car elle n’est pas encore suffoquée par l’amour.

Mais voici que la tendresse augmente : un nuage passe sur la raison, une infirmité passe sur l’esprit. Alors arrive l’attouchement. On n’y voit aucun danger. Que peut-il faire à l’âme ? On se donne des permissions qui entraînent une déchéance intérieure, et la perfection souffre, la raison décline : l’amour la serre à la gorge, et l’âme, comptant pour rien ce qui n’est pas dangereux, l’âme se dit : « Allons toujours, je n’ai pas de mauvaise intention ; il n’y a pas grand mal dans tout cela. » Le nombre des choses permises va toujours en augmentant. Bientôt les deux volontés n’en font plus qu’une et la raison n’a plus la force d’élever la voix. Chacun suit l’autre, là où il va. Comme le désordre est intervenu, si une proposition mauvaise est faite, celui qui la reçoit n’a plus la force de dire : Non ; et si la proposition ne lui est pas faite, c’est lui qui la fait ; car il sent qu’elle est attendue, qu’elle va plaire : l’âme est arrachée à la prière, à l’austérité, arrachée à son antique désert, arrachée à l’antique habitude d’être forte sur elle-même, et l’amour, qui était divin, devient une passion entre deux misérables. Il augmente toujours ; tout à l’heure la présence et la parole de la personne aimée suffisaient, à présent elles ne suffisent plus. Voici que l’une des deux victimes de cet amour toujours croissant veut absolument savoir si l’autre est blessée au même degré qu’elle-même et par la même flèche. Elle cherche à en faire l’épreuve, et si elle le peut, le danger devient énorme pour les deux personnes. Quand le doute a disparu, quand chacune des deux passions est parfaitement sûre d’être partagée, la présence et la parole ne leur donnant plus la satisfaction réclamée, les deux créatures tombent dans l’oisiveté, et de là dans toute dépravation.

Voilà pourquoi l’amour m’est suspect par-dessus tout. Il contient tout mal. Donc prenez garde au serpent.

Je suspecte l’amour de Dieu, je suspecte l’amour du prochain, car ce qui était bon peut devenir mauvais. L’amour de Dieu devient mauvais sans l’armure du discernement. L’armure est donnée à l’homme dans l’acte sublime de la transformation. Or la transformation de l’âme en Dieu a trois modes d’accomplissement.

La première transformation unit l’âme à la volonté de Dieu, la seconde l’unit avec Dieu, la troisième en Dieu et Dieu en elle.

La première transformation est une imitation de Jésus crucifié, car la croix est une manifestation de la volonté divine.

La seconde transformation unit l’âme avec Dieu. Son amour n’est plus seulement alors un acte de sa volonté ; car la source est ouverte, la source des sentiments immenses, la source des immenses délices ; cependant il y a encore place ici pour la parole et la pensée.

La troisième transformation fond tellement l’âme en Dieu et Dieu en elle, qu’à la hauteur immense où le mystère s’accomplit, les paroles meurent avec les pensées : celui-là sait ces choses qui les sent.

La première transformation, quoiqu’elle contienne la loi de l’amour, est insuffisante et laisse place à l’illusion.

La seconde transformation, si elle s’accomplit bien, assure à l’amour sa vraie direction.

La troisième transformation habite les sommets où réside le gouvernement de l’amour.

La seconde et la troisième sont les dons de la grâce. La seconde, dans le domaine de l’imperfection, la troisième, dans le domaine de la perfection, peuvent s’appeler la sagesse. C’est elle qui enseigne à l’âme le gouvernement de l’amour. C’est elle qui règle dans l’âme les mouvements du feu divin, lui assurant la durée, la persévérance et le secret. Elle interdit au visage et au corps toute indiscrétion dans la tenue et dans le geste. C’est elle qui enseigne à l’amour du prochain la maturité, réglant les lois, la mesure et les heures de la condescendance. C’est l’union divine qui fournit la sagesse, la maturité, la gravité, la discrétion savoureuse, et cette lumière révélatrice qui protège l’amour contre la précipitation et l’illusion.

Si vous ne vous sentez pas en vous l’infusion de cette sagesse, défiez-vous de vos entrailles au moment où elles vous emportent vers un ami, ou vers une amie ; la bonne intention qui vous a unis pour la prière, en vue de Dieu, n’est pas une garantie pour tous les périls.

Celui-là seul peut s’unir sans crainte qui a conquis la science et la puissance de se séparer de tout, à l’instant, s’il le veut.

Pour comprendre les lois de la sagesse appliquées au gouvernement de l’amour, il faut connaître les différentes propriétés de celui-ci.

Au commencement de l’amour, l’âme subit un attendrissement, puis une faiblesse, ensuite la force.

Quand l’âme commence à sentir le feu divin, il s’élève de son fond une clameur et une rumeur. C’est à peu près ce qui arrive aux pierres dans la fournaise, quand on veut les réduire en chaux. Au premier contact du feu, elles crient ; mais quand la réduction est opérée, elles s’apaisent et se taisent. Ainsi l’âme cherche au commencement les consolations divines ; à leur défaut, l’âme s’attendrit, crie contre Dieu, et se lamente : « Pourquoi me traitez-vous ainsi ? Oh ! pourquoi cette langueur ? etc. » L’audace de l’âme naît d’une sécurité secrète qu’elle tire du Dieu qu’elle accuse.

Dans cet état les consolations la contentent.

Dieu porte à l’âme un amour qui ressemble à un amour créé ; il lui prodigue, avec ses caresses, d’étonnantes et ineffables consolations que l’âme ne doit pas demander avec importunité. Ne les méprisez pas, si Dieu les donne ; car elles sont votre nourriture, elles vous excitent à le poursuivre, et écartent de vous l’ennui. C’est par elles que l’âme est portée vers la transformation, vers la recherche incessante du Bien-Aimé ; quelquefois aussi l’amour croît par leur absence, et commence à chercher le Bien-Aimé lui-même. Si elle ne l’a pas, elle sent sa faiblesse, et ne se contentant plus des consolations, elle cherche la substance de Celui qui les donne, et plus elle s’abîme dans les joies qui viennent de lui, plus elle languit et gémit dans son amour croissant, parce que ce qu’il lui faut, c’est la présence de Dieu lui-même.

Mais quand l’âme unie à Dieu est établie sur la vérité, qui est son siège, on n’entend plus ni cris, ni plaintes, ni attendrissement, ni affaiblissement. L’âme se sentant indigne de tout bien et de tout don, et digne d’un enfer plus affreux que celui qui existe, est établie dans une maturité, dans une sagesse admirable, dans l’ordre, dans la solidité, dans une force qui affronterait la mort par la vertu de l’amour, et elle possède dans toute la plénitude dont elle est capable.

C’est Dieu lui-même alors qui grandit l’âme, pour la rendre capable de ce qu’il veut poser en elle.

Et elle voit que Dieu seul est, et que tout n’est rien, excepté en lui et par lui.

Alors, par comparaison, elle regarde comme rien les magnificences qu’elle a dépassées, et toute créature, et la mort, et la faiblesse, et l’honneur, et le blâme, et dans l’énormité de sa paix suprême, perdant les désirs tels qu’elle les avait, et son action propre, celle qu’elle exerçait, elle se tient fondue en Dieu.

Et alors elle voit si profondément, dans la lumière divine, la majesté de l’ordre, que rien ne la trouble plus, pas même l’absence de Dieu.

Et, à force d’être conforme à lui, elle ne le cherche plus s’il s’absente ; mais, contente de lui, elle remet entre ses mains l’ordre universel.

Mais à l’instant où cesse la vision, qui n’est pas habituellement continuelle, un désir de feu surgit au fond de l’âme, et ce feu la pousse à faire sans peine les œuvres de pénitence, avec une puissance qu’elle ne se connaissait pas : car cet état est plus sublime que tout ce qu’elle a vu. Cet amour de feu est parfait, et pousse l’âme à l’imitation de Jésus crucifié, qui est la perfection de la perfection. Sa Passion a duré autant que sa vie. Elles ont commencé, continué et fini ensemble. Il fut toujours sur la croix de douleur, de pauvreté, de mépris, d’obéissance et de pénitence. Et, parce que l’amour veut ressembler et plaire, celui qui aime l’Homme-Dieu Jésus-Christ veut lui ressembler et lui plaire, et s’assimiler sa vie.

Plus la perfection grandit, plus l’âme veut suivre ses exemples et ses préceptes, et éviter entre elle et lui tout désaccord. Et il faut continuer toujours, car l’Homme-Dieu n’a jamais quitté la croix de la pénitence. Sa mesure doit être la vôtre : il vous demande toute votre vie. Quant à la grandeur de votre pénitence, c’est la direction qui doit la déterminer. La transformation de l’âme en volonté divine ne se prouve pas par des paroles, mais par des actes et ressemblances.

Mais quand l’âme transformée en Dieu même habite dans son sein, quand elle a atteint l’union parfaite et la plénitude de la vision, alors elle se repose dans la paix qui passe tout sentiment. Puis quand l’âme revient à elle-même, elle fait un nouvel effort pour opérer une nouvelle transformation qui la ramène à la volonté divine, et celle-ci à la vision.

Tant qu’elle est dans les actes de pénitence, dans le domaine crucifiant de la transformation volontaire, elle imite Jésus-Christ.

La vision dont j’ai parlé est la force qui dirige l’amour de Dieu et du prochain. C’est là que l’âme voit l’être de Dieu, et comment toute créature tire son être de Celui qui est l’Etre. Et elle voit que rien n’existe qui ne tire de lui son existence. Introduite dans la vision, l’âme puise à la source vive une sagesse admirable, une science supérieure aux paroles, une gravité forte ; elle arrache à la vision son secret ; elle voit la perfection de tout ce qui vient de Dieu, et perd la faculté de contredire, parce qu’elle voit dans le miroir sans mensonge la sagesse qui créa. Elle voit que le mal vient de la créature, qui a détruit ce qui était bien. Cette vision de l’Essence très haute excite dans l’âme un amour de correspondance, et l’Essence nous invite à aimer tout ce qui tient d’elle l’existence, toute vérité, toute justice, toute créature raisonnable ou irraisonnable pour l’amour d’elle-même ; l’Essence nous pousse à aimer tout ce qu’elle aime, tout ce à quoi elle ordonne d’être. Avant tout, les créatures raisonnables, et, parmi celles-ci, les bien-aimées de l’Essence. Et quand elle voit l’Essence s’incliner par amour vers les créatures, l’âme imite ce mouvement, s’inclinant comme elle s’incline, dans la même mesure et du même côté.

Les amis du Père portent un signe, c’est qu’ils suivent son Fils unique. Les yeux de leur âme sont tendus vers le Bien-Aimé ; ils sont en quête de leur transformation ; tout entiers et totalement ils veulent être fondus dans la volonté de Celui qu’ils aiment, et c’est le Fils unique du Père.

Quand l’amour de l’âme est une création de l’Essence souveraine, quand il est né de cette contemplation, alors il sait monter vers l’Essence d’où il tire son origine. Il sait aussi descendre vers les créatures, respectant toutes les harmonies, s’inclinant plus ou moins suivant le mouvement régulateur que fait l’Essence pour s’incliner. Dès lors il ne peut plus passer la mesure, et tout amour devient suspect à l’âme, s’il n’est un don direct de Dieu. Quand l’âme qui a vu l’être de Dieu possède au degré suffisant l’amour de correspondance, elle devient forte jusqu’à l’immutabilité. Rien, pas même les visions d’un autre genre ni les ravissements, rien ne l’ébranle. A défaut de la vision ineffable, une réflexion profonde qui pèse l’être de Dieu, peut suffire et suffit pour purifier tout amour, et pour émousser toute pointe mauvaise.

Quant à la vision ineffable, outre l’amour créé qu’elle produit dans l’âme, parce qu’elle porte sur l’Incréé, elle laisse couler dans l’homme un amour de même nature. Totalement absorbée par la vision, l’âme ne sait comment répondre à Celui qui vient en elle. Mais cet amour illustre fait ses opérations.

Remarquez ceci : Au moment où la vision fut donnée à l’âme, l’âme opérait et se recueillait dans un immense désir pour approfondir son union. Mais ensuite c’est l’amour incréé qui agit dans l’âme ; c’est lui qui la pousse à se retirer de toute créature, pour augmenter l’union intime. C’est l’amour incréé qu’il fait lui-même les opérations de l’amour. Or le principe des opérations de cet amour est l’illumination et le don d’un désir nouveau.

C’est un certain amour fort et nouveau, que l’âme serait incapable de se donner. Or l’amour incréé fait tout le bien qui se fait par nos mains. Sans lui, nous sommes capables de tout mal. Tout bien vient de lui. La véritable humilité consiste à voir en vérité quel est l’opérateur du bien ; quiconque à cette vue possède l’Esprit de vérité. L’amour de Dieu n’est jamais oisif. Il pousse à suivre réellement la voie de la croix. Cet amour offre la croix à l’âme ; c’est une pénitence, longue, grave, austère, mais sa mesure et sa forme doivent dépendre toujours de l’harmonie universelle. L’ordre a sa commodité, qu’il faut suivre en toutes choses. Cet amour véritable arrête toute espèce de désordre dans l’attitude, dans le boire, dans le manger. Il exclut la vivacité vaine ; au lieu de résister à l’ordre, il se fait un ordre là où il n’en trouve pas.

Et quand l’amour, pendant toute la vie de l’homme, et dans la mesure de ce qu’il faut, aura porté les fruits de l’arbre de la croix, les fruits de pénitence dans l’austérité, c’est alors qu’il commencera à comprendre qu’il est un serviteur inutile, un serviteur mauvais. Il verra deux parts : en Dieu tout amour, en lui toute haine, et cette vue l’introduira dans une pénitence à laquelle il ne voudra pas que le corps reste étranger. Que la pénitence soit légère, ou non, c’est l’amour incréé qui la fait, et il la diversifie immensément suivant les besoins de chaque âme. Que la pénitence et la pensée de la pénitence ne soit jamais un poids pour vous ; car c’est Dieu qui opère. Pour provoquer votre volonté et obtenir votre consentement, Jésus-Christ a donné l’exemple.

Ceux qui sont élevés à la vision de l’Essence incréée s’abîment dans ce repos immense, et, ayant puisé le feu à la source, sont poussés par lui vers de plus grandes entreprises ; car leur flamme est renouvelée.

Ceux qui n’ont pas l’esprit de vérité, s’attribuant la gloire à eux-mêmes, deviennent des idolâtres qui adorent leurs bonnes œuvres.

Ils changent en idoles les dons de Dieu, leur lumière devient leur idole, leur science devient leur idole ; ils changent en idole jusqu’à leur prudence, qui leur était donnée pour discerner. Car tout bien vient de l’amour, de l’amour incréé, qui brûle éternellement, et ne s’éteint jamais au fond de lui-même.

Qu’à Lui soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen !

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