Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno: Traduit par Ernest Hello avec avertissement de Georges Goyau, de l'Académie française
QUARANTE-DEUXIÈME CHAPITRE
DOUZE ANS
Un jour je vis Jésus-Christ dans l’hostie consacrée ; je le vis sous forme d’enfant. Mais cet immense enfant, Seigneur au-dessus des seigneurs, me semblait avoir en main le sceptre et le signe de la domination. Que tenait-il donc dans sa main ? Il m’est impossible de le dire, et pourtant je voyais cela avec les yeux du corps. Le prêtre élevait l’hostie ; tous tombèrent à genoux, excepté moi. Je restai debout ; l’excès de ma joie tenait mes yeux fixés sur lui. Mais le prêtre reposa trop vite pour moi l’hostie sur l’autel. J’eus un moment cruel de tristesse et d’ennui. Si j’essayais de dire la beauté et la splendeur de Celui que je vis, il me faudrait une langue que je ne sais pas. A sa taille je lui aurais bien donné douze ans. La joie de cette vision fut tellement immense, que je la crois éternelle. Sa réalité fut si certaine, qu’elle ne laissa place à aucun doute.
Dans l’éblouissement de ma joie, je ne fus pas même capable de crier, comme à mon ordinaire : Au secours ! Je ne dis rien, ni de bon, ni de mauvais. Ravie par cette splendeur, je ne trouvai pas un mot à dire.