Les angoysses douloureuses qui procedent damours
Depart
de Helisenne du lieu ou elle
aymoit.
Chapitre. XXIII.
Peu de temps apres mon mary feist retour au logis : lequel avoit donné ordre a ses affaires, affin que je peusse partir le lendemain, dont je fuz incontinent advertie, & voyant qu’il persistoit en telle deliberation en grande anxieté & douleur je continuay mes pleurs, accompaignez de dolentz souspirs, & pour le travail que je souffroye ne pouoye parler ne rendre voix : mais seulement avec la veue aux assistentz signifioye l’extreme douleur que mon triste cueur sentoit. En telles destresse & amaritude, passay le jour & la nuyct. Le portier de Phebus de sa venue indice faisoit, quand par mes damoyselles je fuz advertie & solicitee : affin de me preparer a la douloureuse departie, a quoy je ne vouloye aulcunement entendre : mais voyant que mon mary me perforçoit de ce faire, Apres plusieurs regretz, en grande & labourieuse peine commençay a m’appareiller : & n’estois moins dolente que ceulx qui au dernier supplice sont condemnez. Toutesfoys pour ne pouoir plus differer, accompaignie de desespoir, me vins presenter devant mon mary : lequel je trouvay prest, parquoy sans dilation nous partasmes : & quand je fuz aux champs, je commençay a regarder le lieu dont j’estoye partie, & alors toute fondue en larmes avecq aulcuns souspirs en basse voix commençay a dire.