Les angoysses douloureuses qui procedent damours
Querimonies
d’amours, entre deux
compaignons.
Chapitre. V.
Ainsi devisant & adressant nostre chemin vers le Palais, rencontrasmes zelendin, lequel avec ung doux accueil, & face joyeuse, nous recueillit. Et de la cause de sa grand joye qui estoit oultre sa coustume, il nous en voulut rendre certain. Il nous commencea a informer & amplement declarer, que le duc son pere faisoit preparer ung sumptueulx appareil, pour faire convenable reception de tous les seigneurs ses parens & alliez, ensemble des chevaliers ses subjectz : ausquelz il avoit envoyé ung tresexpert & general mandement, pour les advertir qu’ilz ne faillissent a assister en ceste cité au jour de la sollennité de la grand feste, qui dedans briefz jours sera celebree, auquel jour monsieur a deliberé de me faire chevalier. Et pour ce ce sera ung tournoy, lequel durera troys jours. Et le vaincueur de la premiere journee, aura pour pris demy douzaine de chevaulx merveilleusement beaulx & legiers, qui a courir ont tousjours gaigné le pris & rapporté la victoire. Le superieur de la seconde, aura une espee de valeur inestimable : car elle fut jadis forgee par Mulciber orfeuvre & armeurier des dieux, pour le dompteur Hercules. Le vaincueur de la tierce journee aura a choisir des pucelles qui seront congregees & assemblees, celle qui plus luy sera aggreable, excepté seulement les filles de monsieur mes sœurs. O que celluy sera heureulx, qui la victoire obtiendra : car ce luy seroit une chose digne de perpetuelle louenge. Incontinent ces parolles ouyes : j’aperceu que Quezinstra estoit profusement joyeulx de telles nouvelles, parquoy petite ou nulle fut en moy l’esperance de nostre partement : car comme je pouoys concepvoir, les parolles narrees par zelendin, avoient plus de force a le retenir, que la pierre d’aymant n’a d’attraire l’acier a soy. Et pource que j’estoye certain, que le partir ne luy causeroit moindre vexation, que a moy le demourer, je ne le vouluz importuner. Parquoy je deliberay de tolerer & soubstenir mon infortune, par le moyen de patience, autant qu’il seroit en ma faculté, pour ne contrister celluy qui tant se travailloit pour me complaire. Et pourtant avecq si anxieuse peine (qui n’en peult estre de plus extreme) je me contins sans changer ma contenance, en plus grand desir de pleurer que escouter tel propos, qui m’estoit trop long & ennuyeulx. Et a l’heure Quezinstra (qui bien le travail que je souffroye avoit comprins) ne fut reduit en moindre tristesse qu’il avoit eu de delectation. Et pour ce en extollant l’entreprinse louable du duc, avec moyens convenientz & honnestes, trouva occasion de nous sequestrer : puis me dict.
O Guenelic je sçay indubitablement que vostre cueur est fort oppressé & chargé de tristesse, pour la timeur que vous avez que je ne vous persuade de differer nostre partement, a l’occasion des nouvelles qui nous sont intervenues, ce que ne debvez aulcunement craindre : car je suis prest de partir quand il vous plaira. Combien que la departie me causera ung regret le plus acerbe & amer, que jamais pourroit en mon cueur habiter, ne latiter. Car je vous veulx bien advertir, que si j’estoye seur ne vous desplaire, je seroye totallement affecté de veoir l’assemblee des nobles chevaliers qui en ceste cité se trouveront, & encores plus aspireroye d’estre du nombre d’yceulx : affin d’ensuyvre en vertu mes predecesseurs, & de ma possibilité j’espereroye de monstrer assez bon effect, si l’occasion s’i offroit. Mais ma cruelle fortune me permettra que tant de felicité me soit concedee. Mais plus tost icelle fortune me propinera de tout son pouoir adversitez & tresameres prisons, en me rendant tousjours fugitif, sans jamais permettre ma reduction a la maison paternelle. Ces parolles proferees, il ne pardonna au continuel pleurer, & non moins dolent ne se monstroit que le filz de Thetis pour la mort de son trescher amy Patroclus. Et je voyant que pour n’estre en sa faculté d’exercer chevalerie, il estoit en telle extremité reduict, commençay a le reconforter, combien que moymesmes feusse bien necessiteux de reconfort, & luy dis :
Quezinstra ce me semble chose admirable de vous veoir en pleurs consummer vostre vie, en effaçant vostre virile & plaisante face, veu & consideré que tousjours avez esté si prudent & constant, que sçavez toutes adversitez patiemment soubstenir. Pourquoy doncques estes vous tant angustié & adoloré pour la timeur que vous est survenue de ne pouvoir estre reduict en la maison paternelle ? Ne sçavez vous qu’il advient souvent que quand on estime estre plus loing de felicité, l’on est restitué en ycelle ? Maintes Nefz ont couru par diverses mers, & dangereux gouffres marins, sans succumber en aulcun peril, qui ont esté rompues quand elles pensoient estre au port de salut, & a seureté. Aussi plusieurs qui pensent estre totallement hors d’esperance de salut, a la fin se trouvent en seureté doulce et tranquille, Et ainsi plusieurs personnes sont par grande affliction cruciez & tourmentez de plusieurs accidens & infortunes, comme vous, qui depuis vivent en tresgrand hilarité & souveraine liesse, comme j’espere que il vous adviendra. Et pour ce vous supplie par nostre vraye amytié & socialle peregrination, que reassumez, en reprenant les forces de vostre esperit, & par discretion & constance, mitiguez l’aspre douleur : & de ma part pour ne vous contrister, suis content de delayer nostre partement, pour satisfaire a vostre aspirant desir. Et imposé fin au debile parler, ainsi me respondit.
Guenelic comme vous prenez admiration en vous mesmes de mes anxietez & tristesses d’autant plus je m’esmerveille des affectueuses remonstrances, que si accommodement sçavez narrer, pour letifier aultruy : & neantmoins n’est en vostre faculté de vous liberer des perilz & angoisses ou vous estes laissé succumber : mais par lacrimes, pleurs & souspirs continuellement molestez votre triste & dolente vie. Toutesfoys selon ma conception, puis que vostre entendement n’est sy perturbé, que n’ayez certaine intelligence, pour sçavoir diserner quelle vie vous seroit plus utile, Il m’est advis que comme par fantasie estes entré en amours, par prudence vous en pourriez retirer : Desja Phebus est renouvellé depuis que ne veistes Helisenne. Vous debvez sçavoir que le soleil autant eschauffe, comme il voit selon la sentence D’avicenne philosophe merveilleusement scientificque : aussy faict amoureuse passion, laquelle se vient a eschauffer : quand on se trouve a la splendeur des yeulx de la chose aymee. Mais je me persuade de croyre, que en non ayant devant ses yeulx l’object inclinatif, facilement toutes passions se peuvent oublier. Ces parolles ouyes, en grande promptitude je luy dis.
Quezinstra soyez certain, qu’il n’est seulement difficile : mais impossible ce pouoir temperer des choses delectables, pource que les habitudes en l’ame conformees difficilement se mouvent : & croyez que le rememorer de quelques plaisirs passez, a grand pouoir de retenir les amans captifz : & les peines & travaulx qu’ilz souffrent, n’ont aultre effect que d’augmenter l’amour. Car les vrays amoureux entre les tourmens & la mort, sont parfaictz & fermes. Selon vostre ymagination l’eslongnement de l’œil, est oblivion de cueur. Mais en ce estes fort aliené de la verité : car il n’y a distance de lieux, ne cours de temps, qui la souvenance de celle, pour laquelle tant d’extremité ay soustenue, me sceust aulcunement tollir : car toutes representations qui a moy vigilant ou sommeillant se font, toutes sont de ma dame representatives, & en quelque lieu que je me trouve, en pensees, & ou gist mon entendement, aultre ne contemple que Helisenne. Et croyez que trop plus excessive ardeur me brusle & consomme en absence, que en presence. Regardez aussy sy jamais vous avez leu ne entendu que aulcunes personnes amoureuses en presence de leurs amours mourir : mais par l’absence plusieurs se sont precipitez. O que ceste amour a grand puissance, sur tous & toutes, elle obtient principaulté : & mesmes les dieux y ont esté subjectz. Nous lisons de Juppiter diverses transformations pour amour avoir faictes : aulcunesfois en forme de thoreau pour Europa, aultresfoys pour Danes en gouttes d’or, & pour Leda en forme de cigne blanc, & pour la mere du preux Hercules en la forme de Amphitrion se transforma. Le cler Phebus fut surprins de l’amour de Daphné, par le moyen de la fleche doree. Mais la belle n’en tint compte, pource que son delicieux cueur avoit esté attaint de la sagette plombee : qui la rendoit inclinee a rigoreux refus. Toutesfoys par Phebus fut si fort oppressee qu’elle ne pouoit plus resister : & pour ultime recours, commença a reclamer sa maistresse Diane, laquelle (ouye sa priere) la convertit en laurier : ce que voyant le Dieu luy donna telle dignité, que en tout temps seroit vert, & en remembrance de s’amye aorna son chef des verdoyans rameaux.
Le belliqueux dieu des batailles Mars (aussy au prejudice de Vulcan) fut amoureux de la deesse Venus, & icelle mesme deesse ayma si excessivement le beau & gracieulx Adonis, que nonobstant la divinité de Venus, elle voyant la mort d’icelluy son amy, ne pardonna au pleurer ne lachrimer. Et pour en avoir perpetuelle memoire, arrousa le sang de son amy de gracieulx pigment dont nasquit une fleur de couleur semblable a sang, laquelle fleur Adonis est nommee. Aussy la belle Aurora qui nous illustre de son irradiante lumiere, au prejudice de Procris ayma Cephalus. Trop long seroit a reciter (& difficile) l’invincible puissance d’amours, & si vous ne adjoustez foy aux exemples du ciel, vous voyez manifestement qu’en celluy hemisphere journellement son grand pouoir pullule. Il subjugue les puissans seigneurs qui sont esclarciz des tiltres, opulences & richesses de ma dame Juno. De riens ne serviroit le resister, a ceulx qui ensuyvent les estudes de la deesse Pallas, Car par inclination naturelle, nous y sommes subjectz. Et pour ce sy amour vous sembloit vituperables, vous seriés en ung merveilleux erreur : car tout ce que de chascun est commandé, celebré & honnoré sans estre digne de reprehension, ne se pourroit blasmer ne detester. Ce non obstant de ce vous doibt on assez excuser : car facilement se desprise, ce que l’on n’entend. Mais si une foys vous entendiez quelle est la beatitude d’amour, & combien delectables sont les plaisirs, pour en avoir la fruition, a quelconque peril ne pardonneriez. Mais pource qu’il ne seroit en ma faculté de vous exprimer la suavité & doulceur melliflue d’amours, sans consommer autant de temps, que feirent les Grecz au siege de ylion, en attendant de avoir la predicte sanguinolente victoire. Je veux imposer fin a ces propos car je voy Phebus tout fatigué s’en retourner.
Apres la prononciation de mes parolles Quezinstra pour briefve response me dist. Guenelic par ce que je puis comprendre, vous amans qui estes attainctz de ceste lasciveté soubz esperance de victoire, vous voulez que a vostre obstinee insolence, divinité soit attribuee (non cognoissant que vostre aymer n’est que une acerbe passion, & tous voz actes inutiles & pusillanimes) si ceste essence d’amours est digne de si grande commendation comme vous dictes, a quelle occasion n’est il de vous tousjours louer & extoller ? Mais souventesfoys le contaminez & desprisez, & selon vostre appetit est faict une heure ung dieu, puis chose vaine ainsi que l’amant se letifie, ou contriste. Et quand de son desir est satisfaict, amours comme dieu est adoré veneré & regracié croyant de luy proceder son contentement. Mais qui se trouve refusé, contristé & irrité, luy adopte toute faulte & coulpe. Et par ce je presuppose que vous amantz le plus souvent estes vous mesmes alienez. Et de ce que vous dictes que par non entendre la beatitude d’amours, je veulx denigrer sa puissance. Plus me plaict estre dict ygnorant de telle volupté (dont j’estime le plaisir petit & la delectation briefve) que pour en participer, souffrir fatigues trop longues & ameres & encores nulle bonne fin ne s’en peult esperer. Considerez le Troyen pour Helene, Achilles pour Polixene, Marc Anthoine pour Cleopatra, Leander pour Hero, & Demetrius pour lamya. Infiny est le nombre de ceulx qui pour ceste sensualité ont leurs vies terminees, pour de laquelle se preserver faut eviter ociosité : car les personnes qui de exercice sont denuez, trop plus que aultres a ceste passion sont subjectes : & a ce propos le Poete de Mantoue dit que la royne de Cartaige estant oyseuse en sa chambre en larmoyant & souspirant a sa seur Anne, de excessive amour se complaignoit.
Noz propos ne estoyent encores finis quand Apollo commença a mucer son chef : & la departie du jour nous stimula & contraignit nous retirer au Palays ou desja on avoyt achevé de soupper, & donnoit l’on principe a diversitez de jeux & solacieulz esbatemens : mais incontinent que zelendin nous eust aperceu, par ung de ses Escuyers nous feist conduire en une chambre pour prendre nostre refection, ou fertillement feusmes servis. Puis apres aulcunes devises, les yeulx vaincus de grand veiller se delibererent de prendre repos : pour restaurer la nocturne lasseté. Mais je ne peulx trouver en mon cueur tranquillité ne paix. Car subitement se presenta a moy une terrible & espouentable vision. Il me sembloyt veoyr ma Dame Helisenne dedans le lict collocquee : laquelle estoyt vehementement agitee de une langoureuse infirmité, & ressembloyt tant anxieuse, lamentable & tremblante, que je estimoye que la fille de Herebus : laquelle les naturalistes nomment l’ultime terrible, les delicatz membres de ma Dame, de mortelle froydure tinssent occupees : l’ame agitee de telle vision, en mon dormant feuz en telle extremité, que si par Quezinstra ne eusse esté esveillé, je estoye bien prest de aller visiter le Royaulme de Minos. Levé du sommeil si anxieux & triste, qu’il ne estoit possible de plus : commençay a narrer le songe a Quezinstra : lequel mist bonne diligence de me reconforter, me disant que ne me debvoys tant contrister de nouveaulx songes : car le plus souvent les visions nocturnes apportent effect contraire : & aulcunesfoys ce veoir irrité, molesté, & mal traicté : est signe de hylarité future. Le songer de lacrimer, ou de estre saisy par Atropos, est signification de prosperer en ses lucratives affaires. Et songer sasier le ventre de viandes melliflues & doulces, & estre en volupté, demonstre anxietez & tristesse de cueur, avecq langueur de corps. Mais je vous supplye de vous vouloyr desister de telle timeur, & ne adjoustez foy aux faulces ymaginations.
Telles parolles me disoit Quezinstra : mais tant plus me consoloit tant plus me attristoye, & a ceste occasion : ainsi je luy respondis, O miserable que je suis, je congnoys manifestement tel songe me est certain presaige de quelque chose sinistre : parquoy je suis totallement destitué de ma salutifere esperance. Car il n’est personne qui aulcunesfoys des choses songees, ne ayt veu ou comprins quelque verité. Hercules scientificque Astrologue, & semydieu, tousjours de ses songes fut solliciteux. Alexandre de Macedone, Cesar, Brutus, Cassius, & Hannibal de leurs extremes yssues par songes ont estez certiorez. A ce propos des songes Cicero recite en son livre de divination, que la royne Hecuba estant enceincte du beau Pasteur troyen en son repos de la secrete nuyct, luy fut advis, que de elle nayssoyt une torche allumee & toute sanglante : laquelle brulloyt & consummoyt la noble Cité de Troye. Ceste vision recite la Royne au Roy Priam, lequel fut merveilleusement perplex & doubteux : Car en ce mesmes temps Limethes son filz Bastard, lequel estoyt grand augure & tresexpert en l’art d’astronomye, predict, que de brief naystroyt ung enfant, par lequel la cité de ylion seroit exterminee. Ainsi le dict pareillement Calchas Archiprestre du temple de Apollo & grand conjecturateur, disant que la noble cité seroit redigee en cendres par feu venant de Grece : parquoy pour conclusion finalle, le Roy delibera, que incontinent que la Royne seroit delivree, de le faire absconser en tenebres mortelles : mais la mere trop piteuse, secretement le feist nourrir, dont depuis telle infelicité en advint, qu’elle fut celle cause d’extermination totalle des parentz, & de la terre, dont encores s’en deulent L’asie & L’europe. Quand je viens a considerer toutes ces choses, n’est merveille si je suis remply de travail interieur. Car par ces exemples, je n’estime songes estre choses vaines, & encores ce qui me est apparu plustost vision que songe se doit nommer, parce que je ay veu celle vraye espece, comme je la pourroye veoyr vigilant, qui est chose differente de songe, lequel se represente soubz la figure d’aultre espece sans faire demonstrance des personnes propres. A ceste occasion puis interpreter, que ce qu’il m’est apparu se verifiera. Voyez doncques si je n’ay juste cause d’estre fort angustié & adoloré. Helas je soustiens sy grand travail & angoisseuse douleur, que sans aulcun remede, en brief temps se terminera ma triste & dolente vie.
Apres que j’eux imposé fin a mon parler, l’ame indignee & reduicte aux secretes puissances vitalles, laissant le corps ainsi destitué, quasi comme mort demeuray. Et lors Quezinstra commeu de charitable pitié, ayant de moy compassion, avecq doulx confort se estudioyt de revoquer les tresdoulens & quasi errans esperitz, & me dist, Guenelic (selon ma conception) vous estes merveilleusement agité & commeu par voz continuelles tristesses, & pource n’est merveille de vous veoyr en grande tribulation, non pourtant je ne veulx nyer que quelques foys le songe ne apporte veritable signification : car a ceulx qui de viandes sont sobres & honnestes : a ceux la nature a pourveu de grande imagination & grace, & si le moment se retrouve petit & non empesché, non seulement l’ymagination reste libere : mais aussy le sens commun, tant que l’homme en dormant juge les similitudes en ycelles especes qu’elle sont, & quelque foys se trouve l’entendement en telle disposition que en dormant il dispute, & faict vers & sillogismes : mais ceulx qui ont de coustume de leur ventre bien farcyr, se la vapeur se retrouve plus remis a ceulx ne se apparoyssent que fantasmes transformees, discorrectes & inordonnees. Mais parce que je vous congnois remply d’honnestes sobrietez, je comprens voz songes contenir aulcune verité, & a ceste occasion seroye de advis que debveriez exprimer ceste vision a quelque augure ou vaticinateur, pour avoyr clere intelligence de vostre accident futur, qui vous sera chose assez facile. Car je suis bien memoratif (entre aultres devises) avoir ouy dire a Zelandin que dehors de ceste Cité se tient ung homme fort anticque, lequel est merveilleusement expert en l’art D’astronomie, Je vous le refere affin de survenir au dubitable inconvenient. Apres la prononciation de ses motz, je fuz aulcunement reconforté, esperant de avoyr certitude, de ce dont estoys en doubte.
Celle qui jadis fut occasion de la mort de Procris commençoyt a circuir & illustrer la Deesse Cibele, quand de la doulce plume, le fatigué & travaillé corps commençay a lever : puis incontinent que feusmes appareillés, nous transmigrames au domicile de L’astronomien, dont Quezinstra me avoit informé. Auquel incontinent avecq une langue delyee, & l’entendement ouvert, luy vins exprimer la vision nocturne, qui de mon anxieté estoyt cause, luy faisant humble supplication de me dire, que telle chose signifioyt. Et a l’heure par une certaine science sideralle, me dit estre advenir, que premier que deux foys en la maison du mouton Phebus seroyt retourné, verroye vive ma tresdesiree Dame. Ces parolles avecq sens & discretion proferees, me presterent une indubitable foy, & apres l’avoyr regratie & satisfaict, tant de parolles que de effect, joyeusement nous en retournasmes, & passasmes ce jour en plus grand plaisir & recreation que ne avions accoustumé. Ja commençoyt a approcher le temps de la feste solennelle : auquel jour comparurent generallement tous les princes & parens & alliez du duc : ensemble tous les chevaliers ses subjectz, en la sorte & maniere qui s’ensuyt.