Benjamine : $b roman
VII
CE QU’IL Y A DANS LA TABATIÈRE DE M. LE DUC
L’héroïsme n’a qu’une heure ; souvent qu’une minute. Avant et après l’acte de générosité ou de dévouement, les héros, pour la plupart, sont des hommes animés des sentiments de tout le monde, c’est-à-dire des égoïstes. Seulement, la minute héroïque les grandit à jamais et nous ne pouvons nous figurer, par exemple, le petit tambour Bara qu’au moment de sa mort… C’était peut-être un enfant insupportable.
Une résolution sublime est prise dans une seconde. Un élan du cœur y suffit. Le difficile, c’est de s’y tenir, quand on s’aperçoit qu’il faut employer toute sa vie à la réaliser.
Courcieux avait pardonné ; c’était là un héroïsme d’âme, un fait moral, une résolution. Et, quand il lui avait fallu mettre son pardon en acte, il s’était aperçu que cela était presque au-dessus de ses forces.
On peut dire aussi que, souvent, la beauté d’une résolution héroïque séduit son homme. Même si elle n’est connue que de lui, elle lui donne une satisfaction qui le paie des douleurs du sacrifice ; elle rayonne à ses yeux dans l’obscurité, et il se complaît à cette splendeur. Il est payé des douleurs acceptées par un joyeux sentiment d’estime de soi. Tout le monde ignore son acte, soit ; mais si on venait à l’apprendre on le louerait, en s’étonnant. Cette pensée soutient parfois de grands faibles, et les transforme en énergiques. Hélas ! quand l’héroïsme comporte l’humiliation, c’est alors qu’il cesse presque d’être possible à l’homme, ou que, accompli, il change de caractère ; on le trouve surhumain ; c’est sainteté qu’on l’appelle, parfois même divinité.
Courcieux n’était ni assez philosophe ni assez chrétien pour s’imposer une humiliation suprême en vue de se rapprocher de la grande morale évangélique, de la tendresse pure et de la divine pitié.
Au contraire, les motifs premiers de son pardon étaient essentiellement mondains. Le pardon seul avait pu empêcher un scandale. Les raisons secondes étaient plus hautes. Il était bien forcé de s’avouer, avec son oncle, que bien des femmes, à la place d’Amine, loin d’avouer l’amant, l’eussent caché à tout jamais en se rapprochant du mari. « Elle pouvait me tromper, elle ne l’a pas voulu. Elle pouvait me donner à croire que j’étais le père de son enfant — et elle ne l’a pas voulu ! » L’aveu d’Amine, il le tenait pour fait ; c’est bien lui qui s’était refusé à comprendre. Et cet aveu, il ne pouvait y songer sans admiration et reconnaissance. Donc, il avait pardonné, dans son cœur. Mais rejoindre aussitôt l’épouse, vivre à côté d’elle dans les conditions nouvelles où elle se trouvait, cela lui avait semblé ridicule ou d’allure médiocre. Il n’avait pu en supporter l’idée et il s’était éloigné, non sans songer qu’elle-même trouvait son compte à cette séparation. L’absence leur rendait à tous deux la vie plus commode et plus douce.
Il n’avait fait parvenir à sa femme aucune recommandation. Son pardon assurait le secret ; il pensait bien qu’Amine ne révélerait à personne, pas même à sa mère, le mystère qu’il couvrait, lui, de sa peu commune générosité. Une autre raison qui l’assurait de la discrétion d’Amine vis-à-vis de Mme Guirand, c’était la différence entre les deux âmes de la mère et de la fille. La confession d’Amine à Céleste eût été une vulgarité dont il sentait sa femme incapable ; et il ne se trompait point.
Et puis, il laissait à Benjamine un admirable conseiller et un protecteur : le duc.
Il était donc parti sans la revoir. Il se demanda alors s’il n’amoindrissait pas, dans le monde, par son départ, l’effet de sa généreuse indulgence. N’allait-on pas interpréter malignement (et justement cette fois) le départ subit d’un mari et son absence prolongée ?
— Tant pis ! se dit-il ; je ne peux pas davantage… On dira surtout que je suis un mauvais mari… et un mauvais père !… Et je me donnerai la peine de diriger l’opinion de ce côté ! Ce sera l’affaire de quelques lettres à des hommes bavards et surtout à des femmes discrètes.
Et il était parti… mais il fallut revenir ! Il revint au bout d’un an, et se trouva presque aussi embarrassé qu’auparavant.
— Rentrer chez moi d’un air bonhomme, se disait-il ; baiser la main de ma femme ; me faire présenter sa fille qui arrivera aux bras d’une nourrice et à qui je devrai dire, selon le mot de mon oncle : « bonjour, trésor », non, ça ne m’est pas possible. Tout ce qu’on voudra, mais pas ça !… Alors ? alors il faut que cette enfant aille au diable ; qu’on l’éloigne ; et qu’il n’en soit plus question. Mlle Guirand dira ce qu’elle voudra, je suis déjà bien bon comme ça, — et j’entends rentrer chez moi, libre du passé ; je suis fatigué de mon voyage ; je veux rentrer dans la maison de ma mère et n’y être pas poursuivi par d’odieux souvenirs. La bêtise et la bonté ont des bornes. Voilà qui est dit.
Mais l’égoïsme aussi a des bornes en certaines âmes, qui ne peuvent pas plus s’arrêter sur les pentes du bon que d’autres sur celles du mauvais.
Avoir été bon un jour, à une certaine heure, cela, en bien des cas, impose à un homme de l’être encore aujourd’hui et encore demain. On ne veut pas détruire d’un mot, d’un geste, le bien qu’on a fait et dont on reste fier, parce qu’on a dû souffrir pour l’accomplir. Courcieux était captif désormais d’une première minute de générosité ; il était engagé. Pourquoi ? par qui ? Eh ! il ne pouvait se démentir lui-même, délibérément, sans se blâmer beaucoup et se mépriser un peu.
Que faire ? sinon aller droit chez son oncle ?
— Ah ! te voilà, marquis ? M’apportes-tu une peau de tigre ? — Tes grouses d’Écosse étaient excellents. — Est-il vrai, dis-moi, qu’on a mal au cœur, à dos d’éléphant ?… Je te remercie de tes lettres. Elles étaient de belle humeur. C’est ça qui est la France et non pas les drames fumeux. Supportes-tu Hamlet et Othello, toi ?… Vive notre vieux Molière et la chanson d’Alceste… un grognon pourtant, celui-là !
Et le vieux duc fredonna :
Il s’arrêta… quand il eut fini le couplet :
— Tu me trouves insupportable ? De quoi veux-tu que je te plaigne ? Tu nous avais laissé Paris, mais tu en as eu, j’imagine, à n’en plus savoir que faire, des Vénitiennes, des Écossaises et des Hindoues ?… Je t’écoute… car on ne t’attend pas chez toi, je le sais : j’en arrive ; et puis, il est bien sûr qu’avant tout, tu viens ici aux nouvelles… Tu as oublié de m’embrasser : ça n’est pas gentil ; après un an !
Ils s’étreignirent. Le duc serra son neveu sur sa poitrine avec émotion. Courcieux n’était pas moins ému. Il n’avait pas soufflé mot.
— Allons, dit le duc, tu n’es pas devenu bavard… assieds-toi là. Tout va bien chez toi. Montchanin n’est pas revenu, mais j’ai eu de ses nouvelles et j’ai fait de lui, à Benjamine, un portrait ressemblant — qui n’était pas pour plaire à la pauvre femme ! Ce n’est plus une femme, d’ailleurs, c’est une mère, une vraie — c’est-à-dire tout le contraire d’une femme, au sens que les hommes donnent à ce mot. Ta fille, — eh bien, quoi ? — ta fille est charmante, autant du moins qu’on peut l’être à cet âge : cinq mois ! un atome ! mais ça sourit et ça regarde. Ça dit maman. Elle ne sait dire que : « maman ». Tu vois qu’elle a reçu une éducation parfaite. J’ai bien rêvé à un moment de lui apprendre à m’appeler papa. Tout bien réfléchi, j’ai préféré t’attendre.
— Mon cher duc, dit Courcieux, — je suis décidé à ne rentrer chez moi que lorsque cette enfant en sera sortie.
— Ah ! bon ! dit le duc. Ça recommence ! Voilà de quoi il retourne. Tu es furieux ! Voilà ce que tu as rapporté des Indes. Au lieu d’une peau de tigre, le tigre lui-même ! Tu es jaloux, donc ? Et l’on dira que les voyages forment la jeunesse !
Il allait et venait autour de sa table de travail, dans le même cabinet où s’était décidé, un an auparavant, le départ de Courcieux.
Enfin, il s’arrêta devant son neveu et, le regardant en face, il dit d’un ton grave :
— Tu veux reprendre cette enfant à cette mère ?… après la lui avoir permise ?… c’est bien ça, n’est-ce pas ? Eh bien, mon garçon, il est trop tard !
Courcieux eut un mouvement de révolte. Il se leva brusquement.
— Je sais bien, fit le duc, ce que tu vas me répondre, toi qui n’es pas bavard : tu vas me répondre en cinq syllabes : « c’est impossible », ou en quatre : « je ne peux pas ».
— En effet, je ne peux pas : c’est plus fort que moi !
— Tu es un joli marquis ! fit le duc en souriant. Je sais un écrivain contemporain (je ne lis pourtant pas, je relis) qui a écrit cette prière ou à peu près : « Mon Dieu ! préservez-moi de la douleur physique, parce que… la douleur morale, — je m’en charge ! » Il est bien heureux, celui-là. Je n’irai pas jusqu’à nier la douleur physique — mais certaines douleurs morales, — n’est-ce pas, mon pauvre Édouard ? sont si cruelles qu’elles se font sentir dans la chair. C’est pour cela que, parfois, on ne dort plus. Tu n’en es pas là, puisque tu n’aimes pas ta femme. Et tu recules tout de même devant la souffrance quotidienne que t’imposera, dans ta maison, la présence d’une enfant dont tu as pardonné la naissance à la mère ! Bref, tu as fait une promesse, mais tu ne veux pas la tenir.
Courcieux bondit.
— Vous avez gardé votre façon cruelle de dire les choses…
— Ne faut-il pas les faire sentir ? J’aiguise un peu le scalpel et je le passe à la flamme ; ça tranche mieux dans le vif et c’est plus sain.
— Je ne me vois pas beaucoup, dit Courcieux, donnant le baiser du soir à cette petite !
— Pourquoi non ? fit le duc… Ah ! si tu aimais ta femme, ou si seulement elle était ta femme, mais non, ce n’est pour toi que Mlle Guirand. Elle ne t’a pas trahi. Au contraire, si tu n’as pas changé d’avis, — et le moyen de changer d’avis sur l’existence d’un fait constaté ! — tu conviens toi-même que, pouvant te tromper… radicalement, elle a agi comme peu de femmes eussent agi à sa place. Cela mérite quelque chose, que diable ! Tu l’as compris, puisque tu l’as pardonnée. Va jusqu’au bout.
— Je ne peux pas.
— Je ne reconnais pas le fils de ma sœur, dit le duc sévèrement. Ma pauvre chère sœur a peut-être supporté de ton père des choses plus terribles que celles dont tu as peur.
Il y eut un silence.
— Alors tu veux que j’aille voir ta femme ?
— C’est cela même, dit Courcieux.
— Et si elle en devient folle ? ou si elle fuit ta maison afin de garder l’enfant, cette mère ? A quoi aura servi ton premier sacrifice ? Ah ! je connais des gens qui vont bien rire !
— Si elle devient folle ou si elle part — je serai allé jusqu’au bout des patiences possibles ; et Dieu seul aura fait le reste.
— Dieu ? dit gravement le duc, c’est peut-être là qu’il t’attend ! Peut-être veut-il voir si tu es de ceux qui laissent la fatalité agir seule ou de ceux qui agissent sur elle pour la tourner en justice. Tu me regardes ?… Je sais bien que ce n’est pas moderne, ce que je te dis là ! mais je ne suis pas moderne pour deux sous, moi. C’est même pour ça que je ne lis plus — et que je relis. J’ai là un Marc-Aurèle… emporte-le. Ce païen-là est tout à fait d’accord avec Jésus. C’est très curieux.
— Je crois, dit Courcieux après un silence, que je vais repartir ce soir même…
— Et refaire le tour du monde sans rentrer chez toi ? Bon. J’aime mieux ça ; c’est bête, mais c’est original, dit le duc… Courcieux ou le Mari errant !… Tiens, tu es lâche !
Courcieux, cette fois, ne broncha pas. Il mit son visage dans ses mains. Le duc se planta devant lui, le regarda de nouveau avec attention, puis :
— Veux-tu que je te dise de quoi tu as peur ? Tu as peur d’avoir quelque peu, à tes propres yeux, cet air jobard qu’on a quand on fait le bien, l’air d’être dupe, n’est-ce pas ? Tu redoutes les gens qui pourraient te trouver cet air-là ! En veux-tu la preuve ? On a vu des maris complaisants, débauchés et spirituels, ou sceptiques et mauvais sujets, dire tout haut quelquefois : « Mon fils cadet ne me ressemble pas. Il a quelque chose de russe ou d’anglais. » La galerie s’amuse ; on se répète en riant : « Quel polisson, ce Untel ! » Mais comme ce Untel tolère chez lui un fils de l’amant de sa femme pour des raisons basses ou seulement pas jolies, ou seulement par faiblesse, on ajoute : « C’est bien humain ! » et on méprise le monsieur mais on le comprend… On le comprend parce qu’il est méprisable ! Que si toi ou moi nous faisions la même chose pour des motifs respectables, pour des raisons élevées… ah ! diable ! voilà qui ne se comprend plus ! « Admettez-vous cet héroïsme ? » — « Ah ! mais non ! Je ne ferais pas ça, moi ! » disent à l’envi les médiocres. Et on voudrait plaire aux médiocres. Voilà ton cas. Il est piteux. Mal agir par respect humain, c’est de la lâcheté, je ne m’en dédis pas. Il y aurait beaucoup plus de gens de bien, si les gens de bien n’avaient pas l’air sot. Et c’est là une des plus grandes malices du diable, de donner l’air jobard aux braves gens !
— J’ai bien du chagrin, mon cher oncle.
— Veux-tu n’en plus avoir ?
— Dame !
— Eh bien, je sais le moyen.
— Dites.
— Sois courageux. Prends à l’instant la résolution d’être logique avec toi-même, c’est-à-dire d’accepter la suite de tes générosités premières. Ne considère que le bien qui en sortira. Garde-toi de rappeler par ton attitude et par tes actes, au public qui te guette, les passions et les folies du marquis ton père. N’empêche pas ce Guirand, — qui est une pauvre conscience, mais qui peut encore nous être utile, quoique j’en doute ! — ne l’empêche pas de conserver la quantité de considération publique dont tout homme politique a besoin. J’irai prévenir Benjamine du retour de son mari. Je lui dirai que tu es venu à moi parce qu’il faut de toute nécessité faire intervenir entre vous un modus vivendi, un règlement de conduite. Certaines paroles en effet ne peuvent et ne doivent pas être prononcées entre vous, et cependant il faut qu’elles soient dites. Je les dirai. Elle le comprend déjà, elle le comprendra pour toujours. Quant au Montchanin, s’il revient celui-là, et si tu le rencontres chez Guirand ou ailleurs, eh bien, ce sera pour toi un monsieur comme tous les autres. Tu le salues, s’il te salue, et tu passes… La vois-tu bien, la situation ? Quand j’aurai parlé à ta femme, tu rentreras chez toi comme si tu en étais sorti hier soir. Tu regarderas la petite créature dans les bras de sa nourrice comme si tu l’avais vue ce matin, et avec la même indifférence que la plupart des pères véritables accordent aujourd’hui à leurs enfants. On est si pressé ! Ça n’étonnera personne, sois tranquille… Tout cela est assez dur, si tu veux, c’est même embêtant, tranchons le mot, acheva le duc, mais il y a bien des situations difficiles où un Courcieux, comme un Méribault, doit et sait sourire. Mon grand-oncle, le duc de Méribault, est mort comme tu le sais sous la guillotine, mais sais-tu, pendant qu’il attendait son tour, avec quelques autres, à quoi il s’occupait ? Oui, j’ai dû te conter ça. Non ? Alors je suis moins rabâcheur que je ne croyais… Eh bien, il donnait de petites chiquenaudes de propreté sur sa manchette, pour en chasser un par un quelques grains de tabac d’Espagne, peut-être imaginaires, et il sifflotait : « J’ai du bon tabac. » Ça n’est pas très spirituel, si tu veux, mais c’est crâne tout de même. C’était un homme avisé du reste. Quand on était venu l’arrêter, il s’était préoccupé de n’emporter qu’une méchante tabatière en argent ; et il avait donné cette boîte-ci à mon père. Regarde, c’est un bijou. Il y a trop de diamants autour du portrait. Ça ne fait rien. Je te la donne. Tu y mettras des cigarettes ; elle est de longueur ; et lorsque tu trouveras ta guillotine à toi un peu sévère, eh bien, mon cher, tu joueras avec ma boîte à portrait… La grosse affaire dans la vie, c’est d’avoir une contenance — et j’avoue qu’à ce point de vue la tabatière rendit à nos pères les plus grands services. L’acceptes-tu, oui ou non ? Trop de diamants, c’est entendu, mais le portrait de notre grand-oncle est un chef-d’œuvre de miniature. Il excuse la richesse du cadre. Tu es venu chercher un conseil ? Prends ma tabatière. Tiens, je vais t’y mettre des cigarettes… — Non, mets-les toi-même… Voici la source. Moi, je vais voir ta femme. Ça ne sera pas long, fume et attends.
Le duc sortit, Courcieux prit une cigarette dans la boîte du grand-oncle et se mit à fumer en regardant le portrait.
— Il est certain, se dit-il, que bien souvent, plus l’attitude est crâne, moins elle en a l’air. Mon oncle a raison : je serai héroïque — en passant pour un sot. Je veux bien, moi… Vous voilà, mon oncle ?
— Ma voiture est en bas. Rentre chez toi… Sais-tu qu’elle est adorable, ta femme ? A ta place, je me mettrais à l’aimer, mais posément, gentiment, — comme on aime une veuve.
— Mais les veuves, mon oncle…
— On aime bien une divorcée, répliqua le duc.
— Ça, je ne crois pas ! dit Courcieux, qui s’en alla.
— Ah ! il ne croit pas ? se dit le duc demeuré seul. Alors, il n’est peut-être pas loin de l’aimer… Autrement, Montchanin ne le gênerait guère. Et dire que ce mari et cette femme étaient faits l’un pour l’autre ! A quoi diable peut penser Dieu, quand il embrouille ainsi nos misérables affaires ?
Le duc sonna son valet de chambre.
— Rappelez M. le marquis de Courcieux, dit-il, il doit être à peine sur le perron de la cour.
Courcieux revint.
— Tu as oublié ma tabatière, — lui dit le duc. Si tu l’as fait exprès, tu es un impertinent, — sinon tu es un ingrat. Porte-la toujours sur toi. Elle te préservera d’avoir jamais ce petit air jobard dont on a si peur, — peur fatale qui empêche tant d’hommes d’esprit de montrer qu’ils ont du cœur.