Les opinions et les croyances : $b genèse; évolution
CONCLUSIONS
Un des problèmes fondamentaux indiqués au début de cet ouvrage était de rechercher, comment des croyances, qu’aucun argument rationnel ne saurait défendre, furent admises sans difficultés par les esprits les plus éclairés de tous les âges.
Tant que la psychologie considéra la croyance comme volontaire et rationnelle, l’étude d’un tel problème ne pouvait être abordée.
Dissocier les éléments générateurs de la croyance, prouver qu’elle est inconsciente et formée sous l’influence d’éléments mystiques et affectifs, indépendants de la raison et de la volonté, c’était donner dans ses grandes lignes la solution cherchée.
Mais cette explication restait incomplète. Si la raison ne crée pas la croyance, elle peut au moins la discuter et en découvrir les côtés erronés. Pourquoi, cependant, malgré les démonstrations les plus claires, une croyance réussit-elle à s’imposer ?
Nous l’avons expliqué en prouvant le rôle fondamental exercé sur l’inconscient par certains facteurs : prestige, affirmation, répétition, suggestion et contagion. Indépendants de la raison, ils agissent facilement contre elle et l’empêchent de reconnaître l’évidence même.
Le pouvoir de ces influences dans la genèse des croyances a été prouvé par les effets de leur action sur les hommes les plus cultivés. Nous avons vu des physiciens exercés, étudier expérimentalement des radiations créées seulement par suggestion dans leur esprit et de savants académiciens voter un prix considérable pour une découverte évanouie brusquement le jour où les observateurs, arrachés à la suggestion, cessèrent aussitôt d’apercevoir le fantôme engendré par cette suggestion. D’autres exemples ont montré combien étaient nombreux les faits de même ordre.
La seule différence réelle entre une croyance scientifique, imposée par les facteurs décrits, et les croyances religieuses, politiques ou spirites imposées par le même mécanisme, est qu’en matière scientifique l’erreur s’élimine assez vite par substitution de la connaissance à la croyance. Pour les certitudes basées sur des éléments affectifs ou mystiques, et où aucune vérification immédiate n’est possible, l’observation, la raison, l’expérience même, restent au contraire à peu près sans action.
Nous avons pu justifier, par l’exemple de certaines croyances spirites, qu’en matière de foi la crédulité — aussi bien du savant que de l’ignorant — ne connaissait pas de limites. Cette constatation rend tolérant pour toutes les superstitions enregistrées par l’histoire.
En démontrant au moyen de faits précis comment des esprits éminents se convertissent à des croyances, d’un niveau rationnel égalant celui des plus fabuleuses fictions mythologiques, j’ai réussi, je l’espère, à mettre en évidence un mécanisme mental que les recherches de la psychologie avaient laissé inexpliqué jusqu’ici.
Nous sommes arrivés ainsi à cette loi philosophique importante : loin de présenter une origine intellectuelle commune, nos conceptions ont des sources mentales fort distinctes, et sont régies par des formes de logiques très différentes. De la prédominance de chacune d’elles et de leurs conflits naquirent les grands événements de l’histoire.
En attendant que la science révèle les vérités immuables, cachées peut-être sous les apparences des choses, il faut nous contenter des certitudes accessibles à notre esprit.
Dans l’état actuel de nos connaissances, trois ordres de vérités nous guident : les vérités affectives ; les vérités mystiques, les vérités rationnelles. Issues de logiques différentes, elles n’ont pas de commune mesure.
FIN