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Miette et Noré

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LE SEMEUR

PRÉLUDE

Que portes-tu dans ta ceinture,
Dans ton sac noué sur tes reins ?
Est-ce de l’or par aventure ?
« Non, passant, c’est un sac de grains. »
Paysan qui vas par la plaine,
Et vas si droit, quoique voûté,
Que tiens-tu là, dans ta main pleine ?
« C’est du blé de toute beauté. »
Le blé c’est du pain, mon brave homme.
A qui portes-tu ton trésor ?
As-tu pour une grosse somme,
De ce beau blé, couleur de l’or ?
Mais, — le bras levé, — la main lance
Le grain qui vole en éventail,
Et le paysan, en silence,
De l’aube au soir fait ce travail.
Les oiseaux croient, venus par bande,
Et d’heure en heure plus nombreux,
Que ce bras levé leur commande
De partager les grains entre eux !
Mais lui, tirant du sac de toile
Le blé sonore à l’or pareil,
Dès l’aube il le lance à l’étoile,
Et tout le jour vers le soleil.
Le soir vient. L’homme qui chemine
Lance toujours la graine aux cieux…
— Paysan qui courbes l’échine,
On est donc fou quand on est vieux !
Il me dit : « La terre m’appelle :
« La mère demande à couver.
« Mon grain pesant retombe en elle
« Qui saura le faire lever.
« Qu’elle est vieille, lasse et féconde ! »
— Ah ! ce que tu tiens dans ta main,
Maître, — c’est la force du monde !
C’est tous les hommes de demain !
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