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Miette et Noré
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LES VILLES
PRÉLUDE
Des vieilles villes de Provence,
Laquelle a le prix de beauté ?
Et d’abord Avignon s’avance
Avec le vieux pont si chanté.
Le palais des papes surmonte
Son front couronné de créneaux ;
En grondant, le Rhône qui monte
La lèche de ses grosses eaux.
Du levant, Saint-Tropez la Calme,
Auprès d’elle vient se ranger
Élevant dans ses mains la palme
L’algue marine et l’oranger.
Du fond des collines vient Digne
Qui, par son pierrailleux sentier,
Nous porte, enguirlandés de vigne,
Le chêne vert et l’amandier.
C’est elle qui fit de lumière
L’esprit net de ce Gassendi
Qui toucha l’esprit de Molière
Lumineux comme le Midi.
Puis, ceinte de lierre et d’épines,
Jonchant de pierres son chemin,
Marche Fréjus tout en ruines,
Tout en pleurs, la croix dans sa main.
Et, sur le Rhône, Arles se lève,
Portant ses Arènes au front,
Vieux arceaux où le passé rêve,
Où tant d’hirondelles naîtront.
Ses pas foulent les pierres creuses
De ses Aliscamps où le soir
Les garçons et les amoureuses
Devant la Mort parlent d’espoir !
Dans sa main la Vénus se dresse,
Qui, — marbre beau comme la chair ! —
Lui ressemble et naquit en Grèce,
Cheveux ondés comme la mer !
Puis vient la ville du silence,
Aix, — Versailles du Roi René, —
Tenant les Lois et la Balance…
Mirabeau fut son dernier-né.
Puis Toulon paraît, toute ceinte
De rochers gris et d’arsenaux,
Poussant des cris de femme enceinte,
Toujours en travail de vaisseaux…
Et, joûtant pour le prix entre elles,
Toutes se font un regard fier…
Mais, ô Provence, tes plus belles
Sont celles que baise la mer !
Et parmi toutes, c’est Marseille,
Fille des Grecs et des Gaulois,
La cité si jeune et si vieille,
Reine dédaigneuse des rois.
Mille bateaux, fumée et voiles,
Tiennent dans le creux de sa main ;
Son front de phares et d’étoiles
Fait sur la mer luire un chemin.
Et toutes, — quand elle s’avance
Jetant ses flottes sur les eaux, —
Soufflent l’âme de la Provence
Dans les ailes de ses vaisseaux !
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