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Miette et Noré
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FRUITS D’HIVER
PRÉLUDE
Comme une nonnette au couvent
Lorsque la lune prend le voile ;
Quand à peine une pauvre étoile
Comme un cierge vacille au vent ;
Quand le soleil même s’enroule
Dans le sac gris du pénitent,
Et jette un regard mal content
Par les deux trous de la cagoule ;
Quand les pâtres, vêtus de peaux,
Pour la plaine mouillée et grasse
Laissent les monts qui, blancs de glace,
Ont manteaux de brume et chapeaux ;
Alors, qui met la joie à l’âme,
Quand l’aube est si proche du soir ?…
— C’est le bon feu, qui nous fait voir
De petits soleils dans la flamme.
Après le feu ? — La flamme encor ;
C’est le calèn d’huile d’olive
Qui porte au front la clarté vive
Comme un roi sa couronne d’or.
Puis ? — Le fiasque de vin sans doute,
Qui sous sa paille, simplement,
Tient caché tout le firmament,
Une étoile dans chaque goutte !
Et puis après ? — C’est la Chanson,
Les contes pour pleurer ou rire…
— Oui, mais encor ? — La poêle à frire !
— Oui, mais le fruit de la saison ?
Ingrats, c’est la châtaigne brune
Qui sous la cendre chaude cuit,
Et nous dit, s’ouvrant avec bruit :
« La bouteille est vide. Encore une ! »
La bonne compagne d’hiver,
Ne l’oublions pas, la châtaigne,
Qui s’en vient, dès que le froid règne,
Mourir vive près du feu clair.
La montagne aux villes l’envoie.
Nos petits montagnards, noircis,
Oiseaux d’hiver, moitié transis,
La vendent comme un pain de joie !
Et que d’écoliers en chemin,
Attardés et prêts aux reproches,
Sur les châtaignes, dans leurs poches,
Font chaud à leur petite main !
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