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Miette et Noré

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DÉDICACE

A PARIS

Dès le seuil, — avant tout, — j’évoquerai la gloire,
Paris ! ville éternelle au front ceint de rayons,
Que dans l’honneur et dans la peine — nous voyons,
Éclatante, créer des beautés à l’Histoire !
Ton gaz, la nuit, pâlit sur ta tête les cieux ;
Ton rêve a des éclairs de phares et d’étoiles,
Et les esprits du monde entier, comme des voiles,
Flotte d’or, — vont à toi comme au port merveilleux.
Immortelle au grand sein, tu nourris la Chimère !
Tout homme qui se sent un cerveau — court vers toi ;
L’adolescent te cherche et t’aime, et c’est pourquoi
L’avenir est en toi comme l’œuf dans la mère.
La patrie au vieux sang gaulois, grec et latin,
Ses provinces, ses mœurs, ses races, sa fortune,
Tu les portes en toi ; par toi la France est une,
Paris ! et tu la tiens liée à ton destin.
O tête ! tout le corps frémit en chaque fibre,
Et tressaille et se meut à ton commandement ;
Tout ce vieux peuple est gai si tu ris seulement ;
Il souffre par tes maux ; libre, tu l’as fait libre.
O synthèse, ô cerveau, Paris ! — Entre tes murs
Se viennent assembler les provinces unies,
Leurs vœux et leurs travaux, leurs forces, — leurs génies,
Et tu mets le rayon sacré sur les obscurs.
L’autel de la patrie, ô Cité, c’est toi-même.
Les Fédérations n’ont-elles pas un jour
Voué sur tes degrés, parmi les cris d’amour,
Les clans provinciaux à la France suprême ?
Bretagne et Languedoc s’aimèrent dans tes lois ;
Toulouse descendit pour toi du Capitole ;
Devant toi, tout orgueil provincial s’immole,
Et, toute dans Paris, la France parle aux rois.
Eh bien, comme on présente à ces rois, dans leurs villes,
Un symbole d’amour fidèle : les clefs d’or,
Je t’apporte, ô Paris, — œuvre nouvelle encor,
Ce livre, un gage sûr des concordes civiles.
Nos patois provençaux me charment ; je les sais ;
Mais je voudrais, — et nul encor ne m’y devance, —
Fondre les paillons d’or du parler de Provence,
Pour les mettre au trésor du langage français.
Et je chante, — et la voix des choses m’accompagne, —
Terre et ciel, — ciel et mer, azur plein de baisers ;
Je chante avec des mots du terroir, — francisés.
Ainsi parlent déjà nos hommes de campagne.
Comme ce grès qui fut notre ville des Baux,
Foi, légende et patois s’effritent miette à miette,
J’ai donc mis le français aux lèvres de Miette,
Et j’ai planté l’esprit nouveau — sur les tombeaux.
A la Suisse neigeuse, à la verte Hollande,
Si j’ai porté déjà, vrai fils des troubadours,
Nos vieux chants provençaux, compris partout, toujours,
C’est que je les ai dits dans ta langue, la grande.
… Quand mourut Charles III, qui vint après René,
Son testament donna la Provence à la France,
Mais notre esprit chantant, du Var à la Durance,
Quand parla-t-il ta langue ? et qui te l’a donné ?
J’ai traduit en français cette âme provençale,
L’âme de nos patois, — morts qu’on aime toujours, —
Et c’est le testament des anciens troubadours
Que je mets à tes pieds, ô notre Capitale.
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