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Miette et Noré
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L’HUMANITÉ
PRÉLUDE
Dites au soleil qui se lève,
A la terre qui tourne autour,
De retarder d’une heure brève
L’heure de la nuit ou du jour.
Dites à la moins haute étoile :
« Descends vers moi ; tu m’appartiens ! »
Au vent contraire : « Emplis ma voile,
Pour que j’aille au lieu d’où tu viens ! »
Dites à la pomme qui tombe :
« Reste à la branche, » ou « Reste en l’air ! »
Dites : « Je veux vivre, » à la tombe,
Ou : « Sois le printemps, » à l’hiver !
Puis, passant de la chose à l’être,
Dites au lion rugissant,
Quand sur la proie il pose en maître
Sa griffe : « Ne bois pas ce sang ! »
Dites au tourtereau fidèle :
« Change d’épouse ! » au rossignol :
« Ne chante plus ! » à l’hirondelle :
« Hirondelle, suspends ton vol ! »
Et tous, lions roux, pommes roses,
Soleil, terre, soir et matin,
L’oiseau, l’étoile, êtres et choses,
Diront : « Nous sommes au destin ! »
Tous, la fatalité les mène,
Et la Vie en cercle, la Loi,
Jamais la Roue, ô race humaine,
Ne se dérangera pour toi !
C’est la Force, et non la Justice
Qui tourne sur l’étrange essieu.
Tendresse, pitié, sacrifice,
Sont verbes inconnus de Dieu !
L’Homme seul, — la vie est étrange ! —
Sur tant d’êtres en lutte entre eux,
Parfois, s’il le veut, se dérange,
Et souffre pour faire un heureux !
Et dans sa misère profonde
C’est par là que le plus obscur,
Juste, — est plus grand que le grand monde
Et plus sublime que l’azur !
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