Histoire du XIXe siècle (volume 1/3) : $b I. Directoire. Origine des Bonaparte
CHAPITRE VII
LA RÉSURRECTION DE DANTON.
Août 94.
L’assemblée n’était nullement maîtresse d’elle-même. Elle sentait derrière elle une réaction immense. Après l’horrible tension, le ressort en sens inverse tout simplement se détendait. Il est ridicule d’y chercher des explications mesquines, celles des robespierristes : « C’est Tallien, la Cabarrus, etc., etc., qui faisaient la réaction. » Cherchez moins les petites causes, quand vous en voyez d’énormes, un fait plus gros que les montagnes. Quel ! L’explosion de la vie après le règne de la mort, la revanche de la nature après cette compression monstrueuse et dénaturée. Cela revint par l’orgie et par la fureur des sens, je le sais bien. Mais avant, le cœur eut son explosion dans un cri de douleur.
Ce qu’il y avait eu d’atroce en mai, juin, juillet, c’est qu’en un si terrible deuil, on ne pouvait pleurer. On les voyait toujours là, ces grandes victimes. Les morts ne rentrent pas en terre, tant qu’ils n’ont pas eu leurs larmes. L’héroïque 93 qui avait sauvé la France, venait d’être guillotiné, la Montagne avec Danton, la Commune avec Chaumette. Ces gens-là ne s’en allaient pas, ne se tenaient pas pour morts. Aux quartiers les plus misérables, au noir centre de Paris, la nuit, errait encore Chaumette, l’apôtre, le consolateur, le prédicateur des pauvres. Aux Cordeliers et dans tout cet ardent foyer (près l’École de médecine), que d’échos ! Quelle vie brûlante ! et en un moment éteinte !
Le plus sombre était l’Assemblée. Quel veuvage !… Existait-il, dans la Droite même ou le Centre, quelqu’un qui ne pleurât ces cœurs chaleureux, sincères, l’infortuné Phelippeaux qui nous révéla la Vendée, le bon et généreux Bazire. A chaque instant, en disant floréal ou thermidor (ces noms de mois si bien trouvés), le deuil revenait du brillant, du charmant Fabre d’Églantine. Mais Camille Desmoulins, mais sa touchante Lucile, mais le bon Anacharsis, si amoureux de la France !… on n’osait les nommer même. On n’eût pu se contenir. L’orage intérieur eût crevé. Le plus dur au souvenir eût étouffé de sanglots.
Il fallait bien prendre garde de trop voir sur la Montagne certaine place, un vide énorme… Un vide ? Aux heures mal éclairées de cette grande salle obscure, quelque chose de redoutable y apparaissait toujours. Malgré soi on y tournait, on y reportait le regard. De là que de fois la foudre, les éclairs étaient partis ! Et de là aussi pourtant combien d’idées généreuses, « le Comité de la Clémence », et l’universel banquet où tous les partis, la France et le monde se seraient assis… Danton était resté là dans sa majesté funèbre. En l’Assemblée si éteinte, le plus vivant était ce mort. Sa chaleur était entière dans le groupe torturé qui avait siégé près de lui, qui l’exprimait malgré soi par des mouvements convulsifs, des gestes démoniaques, parfois le regard des furies. La vue de ces possédés séchait, maigrissait Robespierre. Il languissait de voir Danton si vivant, indestructible ; se consumait sur le problème de le guillotiner deux fois, et de lui-même fût mort de ne pas le faire mourir.
Un muet tira de son cœur, d’un effort désespéré, ce cri qui trancha la cause, fit le 9 thermidor : « Le sang de Danton l’étouffe. » De tous côtés, on dit : « Ah !… » Enfin, on avait respiré.
Mais aussi on était lancé sur la pente la plus glissante. Où s’arrêter ? Ce Robespierre s’était tellement mêlé au fond de la Révolution, par le mal et par le bien, par l’idée, par la police, l’âcre virus pénétrant, qu’arrachant l’un on avait peine à ne pas arracher l’autre. Ceux qui avaient aidé le plus à détrôner le tyran se trouvaient dans les derniers actes qui l’ont perdu à jamais. Pour achever Robespierre, l’extirper, le fer devait passer à travers le cœur de ceux qui l’avaient renversé.
Que penser de la sortie précipitée des prisons, de ce mouvement aveugle qui jetait dans la liberté tant d’hommes de tous les partis ?
L’Assemblée fut très flottante ; un jour elle suivait son cœur, un autre la politique, l’intérêt de la patrie. Elle vota un matin que désormais « on imprimerait les noms des prisonniers élargis. » Le soir, un maladroit dit : « Il faut remettre en prison ceux qu’on a élargis à tort. » Horreur, les thermidoriens, Merlin, Legendre, Tallien s’indignent : « Eh bien ! imprimons aussi les noms des emprisonneurs ! » La Convention qui venait de regretter sa pitié, se trouva indulgente, se repentit du repentir. « On n’imprimera aucun nom. » Ainsi, dans un discret silence, vont se vider les prisons ; tous, coupables ou non, n’importe, les prisonniers sortent tous.
Les Jacobins réclament en vain. En vain (19 août). Louchet, homme inconnu, qui demanda l’arrestation de Robespierre, veut le maintien de la Terreur, veut que les prisonniers rentrent. Renvoyé aux Comités, à l’oubli et au néant.
« C’est que l’Assemblée était sournoisement royaliste, nous disent les Jacobins. Les masses du centre, de la droite, qui généralement se taisaient, laissaient parler les Dantonistes, savaient bien ce qu’elles voulaient : une restauration de la royauté. »
Pour appuyer cela, ils montrent que tel et tel membre bientôt est devenu royaliste, impérialiste. Mais cela ne prouve rien. C’est spécieux, mais très faux. On ne voyait pas si loin.
Les royalistes eurent besoin de cinq mois pour s’éveiller. Ils étaient engourdis, évanouis de terreur. Leurs agences maladroites (les Brothier, etc.) sont encore dans des cachettes, des caves ou greniers, des armoires, sans oser montrer le nez.
Ceux qui n’ont pas en eux-mêmes le sens intérieur de la France, qui connaissent peu ce pays, où tout se fait par des coups d’électricité rapide, croiront, diront pesamment que tel était royaliste en juillet, parce qu’il le sera en décembre, ou plus tard en 95. Ceux-là voudront nous faire croire que nombre de gens, que la majorité de la Convention était hypocrite. Selon moi, tous étaient sincères, mais changeants.
Quels étaient dans l’Assemblée les hommes de Thermidor ? Évidemment ceux d’abord qui vivaient par la mort de Robespierre, les soixante députés qui au dernier mois n’osaient plus coucher dans leur lit, qui étaient sous le couteau. Beaucoup ne marchaient plus qu’armés, et très ostensiblement, un peu ridiculement. Lecointre avait des poignards et des pistolets plein ses poches. Homme intrépide du reste qui avait bravé en face Robespierre plus d’une fois, qui, sans se cacher beaucoup, avait proposé à plusieurs de tuer le tyran. D’autres, par des interruptions hardies (comme Merlin, Ruamps, Bentabole, etc.), avaient lancé à Robespierre l’indignation de l’Assemblée ; mots terribles ! autant de pierres qui l’allaient frapper au front. L’honneur du grand coup pourtant ne fut pas à ces intrépides. Ce coup, au 9 thermidor, ce fut de faire taire Saint-Just, d’arrêter aux premières lignes le discours dont l’opération (comme celle de la torpille) allait engourdir encore l’Assemblée, où chacun se serait dit : « Ce n’est pas aujourd’hui mon tour. » L’habile arracheur de dents eût prouvé à ceux qui déjà se laissèrent arracher Danton, que l’arrachement de cinq ou six dantonistes n’eût pas fait beaucoup de mal. Saint-Just, revenant de Fleurus (où les sept immortels de Sambre-et-Meuse lui arrangèrent la victoire), Saint-Just sous ce laurier sanglant avait un peu du prestige du Corse après Marengo. Mais combien la Convention valait mieux que l’Assemblée de ces temps-là ? combien l’idée républicaine, même au centre, même à la droite, était vivante encore ! Il suffit d’un homme de peu, de Tallien, pour que Saint-Just, accroché après deux phrases, ne pût dire un mot de plus, manquât son 18 Brumaire, et fût avec Robespierre écrasé, mis hors la loi.
Tallien ne fut jamais qu’un masque, un acteur, et le plus faux, mais d’autant plus retentissant qu’il était parfaitement vide. Le faux était sa nature à ce point qu’il n’eut nul besoin d’une hypocrisie calculée. C’était un clerc de procureur qui devint prote d’un journal, journaliste et aboyeur à la suite de Marat. Sa jolie tête, sa figure douce contrastait avec sa furie sanguine. Il s’injectait à volonté de cette ivresse et parvenait à devenir demi-fou. Il excellait dans la colère, avec des accès si bien joués de sensibilité qu’il y était trompé lui-même et alors se croyait bon.
Babeuf l’appelle le Prince. Et, en effet, il avait de nature ce qu’on n’a guère que dans les cours, par l’éducation des princes. Tous les vices, ailleurs séparés, s’arrangent dans ces âmes-là. Le diable y tient sa cour plénière. La férocité n’y exclut nullement certaine bonté. Dans sa royauté de Bordeaux, ce sensible guillotineur apparut un Henri IV doublé de Caligula.
La facilité qu’il eut là de saigner des négociants, l’accoutuma à l’argent, et il commença à croire que l’argent vaut mieux que le sang. Viveur, vraie fille de joie, il fut fêté par les partis, par l’Espagne ; on jugea bien qu’il ne serait pas cruel à des offres raisonnables. La Bayonnaise Cabarrus (fille d’un ministre d’Espagne), qu’il délivra à Bordeaux, l’attendrit par sa beauté. Par les ducats espagnols, déjà espérés, flairés ? J’en doute. Il ne se vendit, je crois, qu’après Thermidor.
Au grand jour, l’excès de la peur le fit brave, plus brave que tous. Dérision de la destinée !
Ce fut le pire peut-être qui prit l’initiative, qui dit le mot de la Parque, qui tua Robespierre et Saint-Just.
A voir cette scène de haut, ces deux pâles représentaient la mort. Tallien, dans l’emportement rouge, brutal, de l’ivresse, du sang, et du désespoir, représenta pourtant la vie.
Tous voulaient vivre. C’était là le fond. La France, contre les Jacobins, voulut vivre : voilà Thermidor.
En ce sens, tous dans l’Assemblée, et tous dans la France même, à ce jour, furent Thermidoriens[8].
[8] Michelet se rencontre, ici, avec Bonaparte qui disait : « Après la Terreur, on était content de tout ce qui laissait vivre. » (Mémoires de madame de Rémusat, t. I, page 269.)
Ce mot désigne bien moins un parti qu’un tempérament. C’étaient les hommes sanguins, colères de la colère rouge. Beaucoup étaient des viveurs, vaillants, brillants, généreux, comme Merlin de Thionville. Plusieurs étaient des emportés, des étourdis, comme Fréron, dont je parlerai plus loin, comme le boucher Legendre, toujours dans l’orage du sang ; un jour ivre de colère, et l’autre jour furieux de pitié ; vrai grotesque ; un bœuf aveugle que, dit-on, la rusée Contat, poussait, soufflait chaque matin. Il y avait des âmes troubles, violentes, en qui Robespierre était toujours présent, vivant, par la haine qu’ils avaient pour lui (Thuriot, Bourdon de l’Oise). Presque tous étaient de vrais, de solides républicains. Legendre déplora ses fautes, ses violences, mourut de regret (1797). Le thermidorien Bentabole, aveugle dans la réaction, accusé de s’être enrichi, d’avoir épousé une femme riche, meurt pauvre en 98.
Mais la forte pierre de touche, c’est Fructidor, c’est Brumaire. Quels sont ceux qui, en Fructidor, cèdent à l’entraînement royaliste ? Quels sont ceux qui, en Brumaire, s’arrangent avec Bonaparte ?
Rewbell, fort thermidorien en 94, n’en fera pas moins Fructidor avec la Réveillère-Lépeaux, modéré et girondin, pour sauver la République. Dubois-Crancé, thermidorien emporté, n’en est pas moins un républicain très sûr, violent contre les émigrés, ferme, admirable en Brumaire, admirable contre Bonaparte.
Il faut aussi bien distinguer les hommes, et voir jusqu’où chaque homme ira dans la réaction et où il s’arrêtera. Thuriot de très bonne heure s’éveille et s’arrête, Lecointre plus tard ; plus tard Louvet, plus tard Legendre. La colère et la pitié les ont aveuglés d’abord. Puis ils voient qu’ils ne peuvent être humains, venger l’humanité, qu’en blessant l’humanité, en provoquant la vengeance, en frappant la Patrie leur mère. Ils reculent, se rapprochent même de leurs ennemis Jacobins. C’est ce qui arrive à Babeuf, d’abord contraire aux Jacobins, puis coalisé avec eux. Il faut dater exactement, tenir compte des époques, ne pas brouiller, confondre tout, comme font les robespierristes ; ne pas les guillotiner, dans l’histoire, pêle-mêle, par grandes fournées.
Une chose ulcérait l’Assemblée. Elle avait subi Robespierre. Mais était-ce par lâcheté ? ou par la fatalité qu’imposaient les événements ? Elle n’en savait rien elle-même. Elle doutait, et par moment ne pouvait se pardonner. Tant d’hommes qui, aux armées et devant les factions, s’étaient moqués de la mort, gardaient un grand étonnement de cette paralysie qui, sur les bancs de l’Assemblée, les avait immobilisés, une colère très légitime, la haine des gens (médiocres) qui les avaient gouvernés.
Lecointre, homme de cœur, chaleureux, honnête, intrépide, mais, entre tous, maladroit, exprima la pensée de tous, la douleur de l’Assemblée, dans une accusation immense qui semblait faire le procès à toute la Révolution.
Il accuse (avec David, le valet de Robespierre, avec Barère le parleur) des hommes qui furent les ennemis capitaux de Robespierre : Billaud, Vadier, Vouland, Amar, hommes atroces qui le perdirent à force de le seconder.
Lecointre enfin, cet imbécile, accusait Collot-d’Herbois.
Mais c’était Collot justement qui, d’un mot, disons d’un glaive, avait à jamais séparé la Terreur et la Terreur, l’une barbarement vengeresse (celle de Collot, Fréron, Carrier, etc.), et l’autre horriblement perfide, qui a inventé des crimes à mesure pour les punir. Collot dit à Robespierre le mot qui reste à l’histoire, et qui se retrouvera le jour du Jugement dernier : « Qu’est-ce qui nous restera, si vous démoralisez l’échafaud ? »
Il y a eu les bourreaux, il y a eu les assassins. Il faut bien les distinguer.
Lorsque Lyon prend pour général le royaliste Précy, quand Toulon se livre aux Anglais, quand la Vendée les appelle, va les recevoir à Granville, ceux qui tirèrent de ces crimes d’effroyables représailles n’eurent pas le moindre remords. Cruels bourreaux ! furieux ! qui ont fait haïr la France, ont navré l’humanité. Furent-ils des scélérats ? Non.
Que le monde crie contre eux. Ce n’est pas à la république de punir l’amour féroce, éperdu, qu’ils eurent pour elle. Collot ne se reprochait rien. Il pouvait être accusé par les royalistes sans doute, non par les républicains.
L’exécrable mécanique était inconnue à ces hommes de 93. Elle joue en 94. La guillotine elle-même (j’appelle ainsi Fouquier-Tinville) ne vit cela qu’avec horreur. Il proteste en germinal, il proteste en prairial contre cette horrible roue où on le mit (comme un chien dans un tournebroche), pour la faire rouler.
Quelle part revenait à chacun dans cet enroulement de terreurs ? Quels étaient les vrais moteurs ? et les simples instruments ?
Herman, le juge de Danton, l’administrateur des prisons, Herman (d’Arras), l’ex-collègue de Robespierre à Arras, faisait faire par Lanne (d’Arras), dans les prisons, les listes noires de la mort. Les moutons (mouchards), payés, donnaient à Lanne les noms de prétendus conspirateurs. Ces listes devaient être signées par l’un ou l’autre Comité. On les portait aux Tuileries. — Qui trouvait-on ? Peu importe, parfois les moins terroristes. Osera-t-on dire qu’ils pouvaient s’abstenir, ne pas signer ? Ils avaient terreur l’un de l’autre. Ils étaient sous l’œil de David ou tel autre espion intérieur, donc sous l’œil de Robespierre, « qui ne se mêlait de rien ». — Le soir, l’accusateur Fouquier prenait aux Tuileries les listes. Osera-t-on dire qu’il pouvait s’abstenir, ne pas accuser d’après ces listes toutes faites ? Il était au tribunal sous l’œil de Coffinhal, de Dumas, l’œil de Robespierre. Tous les deux étaient chaque soir aux deux côtés de Robespierre, parfaitement informé, « mais ne se mêlant de rien. »
La roue tournait fatalement d’Herman à Dumas, c’est-à-dire de Robespierre à Robespierre.
Si l’on veut après Thermidor faire une justice sérieuse, il est évident qu’on doit frapper les moteurs, et non point les rouages intermédiaires.
Quatre membres des Comités, Billaud, Vadier, Amar, Vouland, avaient un crime personnel. Ils entrèrent horriblement dans le rôle qu’on leur imposait, eurent part à la mort de Danton. La méritaient-ils eux-mêmes, ces instruments trop zélés ? Je n’ose le décider. Leur sort était trop lié à l’ensemble des Comités, au grand parti Jacobin, qui, malgré ses torts réels, était, sous plus d’un rapport, une défense pour la république.
Les plus excellents citoyens en jugèrent ainsi, intervinrent pour ces odieux tyrans. Ils étouffèrent leurs souvenirs, réprimèrent, brisèrent leur cœur. C’est un spectacle très grand.
L’ennemi de Robespierre, peu ami des Jacobins, Cambon, dit qu’on ne pouvait toucher à ces accusés (coupables ou non), qu’en touchant à l’Assemblée elle-même.
Les montagnards héroïques qui revenaient des armées, qui avaient fait la victoire, qui avaient félicité l’Assemblée pour Thermidor, parlèrent par la voix de Goujon. Cet admirable jeune homme, la pureté même, dit que son cœur était navré, que des traîtres avaient mis en avant un homme aveugle pour tuer la liberté, tuer l’Assemblée elle-même. (Et il ajouta ce soupir sorti du plus profond du cœur) : Comme si nous ne gémissions pas assez d’avoir été troublés, trompés !…
Thuriot fit décider : « Que l’Assemblée indignée passait à l’ordre du jour. »
Tallien ayant réclamé deux jours après, tout le monde l’attaqua, disant que Lecointre n’avait parlé que d’après lui. Cambon fit déclarer « que l’accusation était calomnieuse ». Ce qui fut voté avec des applaudissements unanimes et violents (30 août, 13 fructidor).
L’Assemblée entière était, quoi qu’on ait dit, républicaine, se croyait telle sincèrement. Nous verrons comment la foi faiblit en beaucoup de ses membres. Nous sommes encore au 30 août.
Un événement fortuit, l’explosion meurtrière de la poudrière de Grenelle, fut imputé aux royalistes, aux prisonniers élargis, aux imprudents libérateurs, à Tallien. Il crut apaiser le bruit en se retirant du Comité de salut public, où il venait d’entrer. Mais cela n’eût pas suffit. On assure que la Cabarrus, son Égérie de vingt ans, qui l’avait inspiré déjà la veille du 9 thermidor, lui dit qu’il était perdu s’il ne perdait les Jacobins, et que, pour y parvenir il ferait bien de se tuer, de s’assassiner quelque peu en les accusant du crime. Ce qui est sûr, c’est que, passant la nuit dans une rue déserte, il reçut un coup de pistolet très probablement de sa main. Ses amis eurent beau crier, accuser les Jacobins. On s’obstina à en rire ; et il en fut pour ses frais, une écorchure bientôt guérie.