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Histoire du XIXe siècle (volume 1/3) : $b I. Directoire. Origine des Bonaparte

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PRÉFACE

Un des faits d’aujourd’hui les plus graves, les moins remarqués, c’est que l’allure du temps a tout à fait changé. Il a doublé le pas d’une manière étrange. Dans une simple vie d’homme (ordinaire, de soixante-douze ans), j’ai vu deux grandes révolutions qui autrefois auraient peut-être mis entre elles deux mille ans d’intervalle.

Je suis né au milieu de la grande révolution territoriale, et, j’aurai vu poindre la grande révolution industrielle.

Né sous la terreur de Babeuf, je vois avant ma mort celle de l’Internationale.

Plusieurs fois la même panique a créé de mon temps ce que l’on croyait un remède, le gouvernement militaire, le César d’Austerlitz, le César de Sedan.

Grands changements qui captivant l’attention l’ont détournée d’un fait non moins grave et plus général : la création de l’empire le plus grand qu’ait vu le soleil, l’empire anglais, dix fois plus étendu que ceux de Bonaparte et d’Alexandre le Grand.

Jamais la mort n’a eu de tels triomphes sur le globe. Car si Napoléon en dix ans seulement (1804–1814) a, d’après ses propres chiffres, tué dix-sept cent mille Français, et sans doute autant d’Allemands, Russes, etc., l’Angleterre, dans un procès célèbre, accusa un de ses gouverneurs d’avoir tué par la famine, en un an, des millions d’Indiens. Par ce seul fait on juge ce que put être en cent années la tyrannie coloniale exercée sans contrôle dans l’inconnu, sur deux cent millions d’hommes.

Mais si les forces destructives ont eu de tels succès, les forces créatrices n’étonnent pas moins par leurs miracles. Et cela si récent ! Je crois rêver quand je songe que ces choses incroyables se sont faites dans une vie d’homme. Je suis né en 98. C’est le temps où M. Watt, ayant fait depuis longtemps sa découverte, la mit en œuvre dans sa manufacture (Watt et Bolton) produisant sans mesure ses ouvriers de fer, de cuivre, par lesquels l’Angleterre eut bientôt la force de quatre cent millions d’hommes. Ce prodigieux monde anglais, né avec moi, a décliné. Et ce siècle terrible appliquant à la guerre son génie machiniste a fait hier la victoire de la Prusse.


Ceux qui croient que le passé contient l’avenir, et que l’histoire est un fleuve qui s’en va identique, roulant les mêmes eaux, doivent réfléchir ici et voir que très souvent un siècle est opposé au siècle précédent, et lui donne parfois un âpre démenti. Autant le XVIIIe siècle, à la mort de Louis XIV, s’avança légèrement sur l’aile de l’idée et de l’activité individuelle, autant notre siècle par ses grandes machines (l’usine et la caserne), attelant les masses à l’aveugle, a progressé dans la fatalité.

Notez qu’à ces grands faits d’en bas, répond par en haut très fidèlement une petite sonnette. C’est la philosophie, qui dit parfaitement les mêmes choses. Au fatalisme de 1815 et d’Hegel succède le fatalisme médical, physiologique, de Virchow, Robin et Littré.

Moi, je m’en tiens ici à la grosse machine. Et si je parle du fatalisme d’idées, ce sera par occasion, et seulement quand j’y serai traîné par le progrès des sciences naturelles (comme par Lamarck en ce volume).

En général, cette histoire fort matérielle, pourrait se dire toute en trois mots : Socialisme, Militarisme et Industrialisme.

Trois choses qui s’engendrent et s’entre-détruisent l’une l’autre.

La terreur de Babeuf fit Bonaparte autant que ses victoires, c’est-à-dire que le Socialisme naissant, par sa panique, a fait le triomphe du Militarisme.

Celui-ci, que rencontra-t-il dans sa grande lutte ?

Constamment l’or anglais créé par la puissance industrielle qui payait et armait l’Europe. Puissance vaincue à Austerlitz, victorieuse à Waterloo.


On ne peut comprendre un siècle qu’en le voyant dans son ensemble. Les faits énormes de celui-ci resteraient fort obscurs, si on ne le reprenait à son principe général, la machine, et d’abord la machine humaine : l’enrégimentation.

Je suppose que vers 1800, sans rien savoir de notre Europe, je la regarde d’en haut, par exemple du haut d’un ballon. Quelle chose frappera ma vue ? Un phénomène analogue dans tout l’ouest. Je verrai dans notre France des masses énormes graviter vers de vastes ruches maussades qu’on appelle des casernes, et des foules non moins grandes en Angleterre s’entasser dans ces ennuyeux habitacles qu’on appelle des fabriques.

Je croirais des deux côtés voir des maisons pénitentiaires où l’on ne va que condamné. Il n’en est pas ainsi. Tout entière, l’Angleterre d’elle-même y a passé, et s’est enterrée là. Où est-elle la vieille Angleterre, avec ses classes agricoles, le paysan, le gentilhomme de campagne ?… Tout cela, en trois quarts de siècle, a disparu, fait place à un peuple d’ouvriers, enfermés aux manufactures. Chez nous, depuis quatre-vingts ans, le fils du paysan chaque année, gaillardement enrubanné, a accepté en chantant la servitude des casernes et leurs exercices ennuyeux. Pourquoi ? Pour échapper au labeur du sillon, à la monotonie du travail agricole. Cette monotonie, l’ennui sans fin des longues heures, l’Anglais l’accepte parfaitement. Pour que tous deux agissent tellement contre la nature, il y a des motifs variés. Mais le plus général à coup sûr pour l’Angleterre depuis un siècle, et chez nous depuis un peu moins, c’est le grand changement du régime alimentaire, le besoin d’une nourriture plus coûteuse qui double la force.

Est-ce (comme croient les moralistes) un pur matérialisme ? Est-ce la simple sensualité qui met le monde sur cette pente ? Non, c’est surtout une idée, la joie de se croire fort, de croire qu’on peut davantage. De plus en plus on y tend pour agir ou pour produire. Tout a été augmenté et accéléré par ce changement de régime.

L’aveugle, l’impatient besoin d’être fort, a entraîné à préférer souvent à la viande même, ce qui donne immédiatement un accès de force factice, les liqueurs fermentées, l’alcool. De là, mille maux. Il suffit ici de constater que ces moteurs puissants, qui tendent si violemment la machine humaine, ont infiniment augmenté la passion de faire des miracles, d’obtenir des effets subits, de suivre les grands machinistes, et les faux enchanteurs qui nous trompent en les promettant.


Dans le présent volume, je dois signaler une chose et prévenir d’avance le lecteur, qui, parvenant sans avis aux deux tiers, rencontrerait un changement à vue, un énorme saut, d’une chute épouvantable. Est-ce ma faute si ce volume est monstrueux, discordant ? Non, c’est celle du Dieu de ce siècle, de sa fatalité barbare et meurtrière.

Avez-vous quelquefois, en chemin de fer, passé brusquement un tunnel qui change tout à coup l’aspect des lieux, le paysage, comme quand de l’aimable Lyonnais vous entrez au monde des mines, dans les rudes scories et les noirs charbons du Forez ? Changement qui ne rend que faiblement celui qu’on trouve en ce livre. Vous y arrivez tout à coup à une fente profonde et si large que vous ne pouvez la sauter. C’est comme sur la Mer de glace, à tel pas dangereux. Tout s’effondre, s’abîme. Que vois-je au fond ? Horreur ! trois millions de morts, pour commencer, de plus 1815, 1870, l’enterrement de la France, et demain celui de l’Allemagne, qui craquera pressée entre la France et la Russie.

Mais pour revenir au principe du désastre, avant 1800, une chose fort tragique, c’est le vertige, une sorte d’aliénation mentale. Le mauvais rêve de la terreur et de la guerre universelle avait bouleversé les esprits, les mettant hors de la raison et de tout équilibre, et les rendant surtout avides d’émotions. Après avoir épuisé et forcé tout ce que donnait l’humanité, il faut quelque mirage, quelque songe qui semble être au delà. On veut du miracle à tout prix.

Mais quelles contradictions ! Jamais la France ne fut si attendrie que le lendemain de Thermidor. Une vive sensibilité éclate, et par les systèmes de fraternité sociale, et dans les sciences qui montrent (de l’homme jusqu’à l’animal) l’universelle parenté de la Nature. Dans l’art, une grâce touchante apparaît dans Prudhon. Il semble que le faux héroïsme et les comédies d’énergie se soient tous réfugiés dans les toiles de David.

Qui croirait qu’à ce moment même, la surprise d’un imbroglio violent, la vive entrée en scène d’un acteur étranger ravisse les spectateurs et les jette hors d’eux-mêmes ? Et ce n’est pas seulement la masse qui s’extasie devant Bonaparte. Les artistes, qui sont des enfants, battent des mains. « Quel bonheur ! changement à vue !… Quel merveilleux spectacle, inexplicable ! L’humanité tout à coup ne compte plus dans les affaires humaines. Quelle simplification sur le théâtre. Un seul acteur ! Ah ! voilà bien le spectacle classique, la vraie peinture d’histoire. » D’autres sentent dans cette unité apparente, un terrible brouillamini, mais se gardent de l’éclaircir. Ils en ont la joie des enfants, la joie que l’enfant a du déménagement et de l’incendie. C’est superbe ! Il n’y comprend rien !

Aussi, bien loin de vouloir éclaircir cette grande complication, ils l’augmenteraient plutôt. De la confusion ils feraient volontiers une Babel encore plus discordante. Ils veulent à tout prix le miracle.

Le miracle, c’est notre sottise et notre aveuglement. Le naturaliste et l’historien (ce qui est même chose) est celui qui supprime les miracles en les expliquant, et montre que les plus étonnants ne sont que des cas naturels.

Pour Bonaparte, un sérieux examen prouvera que (bien loin que son succès fût un miracle), le miracle eût été, qu’avec de telles circonstances, il ne réussît pas.

Le gouvernement qui venait après le grand effort de 93 était perdu par la seule lassitude d’un tel effort (V. Hamel). Perdu financièrement par les milliards de faux assignats que fabriquèrent les Anglais, perdu militairement par la nécessité où il fut de réformer en un an 300,000 soldats, 17,000 officiers. Il était facile à prévoir que ces gens licenciés regarderaient vers un chef et le suivraient. Ils ne voulurent pas un des leurs, mais plutôt un étranger, que le maladroit Barras et le crédule Carnot élevèrent à l’envi, et qui, avec l’armée merveilleuse de la révolution, eut de très rapides succès.

Une étrange coïncidence, mais facile à concevoir, c’est qu’indépendamment de l’armée, il vit la nation venir à lui. Pourquoi ?

La France ayant eu la magnanime imprudence de laisser rentrer les émigrés, un débat interminable s’élevait entre l’émigré de retour et l’acquéreur de biens nationaux, entre l’ancien et le nouveau propriétaire. Comment juger un tel procès ? On crut que tout Français y était trop intéressé. On se fia à cet Italien qui donnait des espérances à tout le monde.

C’est ce qu’on avait vu si souvent en Italie, où une ville n’espérant pas concilier elle-même ses débats intérieurs, se fiait plutôt à quelque étranger qu’on cherchait au loin, et qu’on créait juge armé, podestat.

Mais ici, il y avait une chose de plus. Les variations de la propriété avaient créé des doutes sur sa nature et son droit même. Babeuf, le principal auteur de ces théories, avait pour lui une partie des Jacobins. Cela causa une alarme universelle. On crut voir la société elle-même en péril, et pour la sauver, on implora ce grand prometteur italien qui gagna les deux classes de propriétaires, en garantissant les nouveaux, et donnant aux anciens des places, et leurs biens non vendus, enfin les dédommagements d’une cour.


Au reste, je ne veux nullement faire l’histoire de Napoléon. Je désire seulement montrer les origines de son système et du militarisme, montrer comment la guerre, devenant sous lui un métier, une industrie, lutta contre l’industrie anglaise. Celle-ci, si rapace dans l’infini colonial, et créant dans l’intérieur un monde de richesses, a détruit en revanche Old England, la vieille Angleterre, où était l’âme du pays.

Voilà le sens, le sujet principal des volumes que je publie. C’est ma joie de pouvoir enfin ramener la justice dans une histoire si longtemps obscurcie. Les vainqueurs, les vaincus en ont également souffert. Et je ferai effort pour leur faire à tous réparation. On verra quelle conspiration le bonapartisme fit constamment contre Hoche, Masséna et tant d’autres héros. Je rendrai aussi ce qu’on doit aux Hongrois, Slaves et tant de nations brutalement perdues dans le nom d’Autrichiens et qui, tant de fois, dans cette lutte, ont relevé l’Autriche avec une mémorable obstination.

L’Italie a bien le droit de réclamer aussi contre un faux Italien qui, bien loin de l’aider au grand moment de son réveil (95), l’a constamment injuriée par de funèbres mots qui la replongeaient dans la tombe.


Je me félicite de publier si tard les vues qu’à diverses époques de ma vie j’eus sur Bonaparte, ce sujet où tant de gens ont regardé sans voir. C’est, certainement, le plus difficile de l’histoire, le plus obscur en plein soleil par la quantité des mirages et des fausses lueurs qui ont égaré les esprits.

Il n’est aucun exemple d’une vie si préparée et si voulue. Né d’une prophétie, dès l’enfance élevé et s’élevant lui-même pour les réaliser, en tout le reste variable, il fascina par des moyens divers[3] des hommes fort différents, des Barras, des Carnot. Puis, le succès faisant le reste, il éblouit même ses instruments, les hommes héroïques qui faisaient ce succès. Ils s’admirèrent et s’adorèrent en lui. Les grands acteurs de cette époque, guerriers ou politiques, n’ont point écrit, ou ils ont laissé leurs écrits à des mains intéressées à en ajourner la publication (Victor, Barras, la Réveillère-Lépeaux, Réal et Talleyrand, etc.).

[3] Cette fascination très grossière n’a jamais été remarquée. La France, après la Terreur, avait perdu le rire, sa grande arme contre les tyrans, Bonaparte y prêtait beaucoup. On ne s’en avisa que tard. Son bavardage étourdissant, d’un hâbleur si souvent vulgaire, en faisait un personnage de tragi-comédie (tragediante-comediante), comme l’a nommé Mario Proth, dans son spirituel écrit ; un Jupiter-Scapin, a dit M. de Pradt. L’histoire ne fera jamais rien, si elle ne perd le respect, si, comme dans le vieux poème, elle n’imite Renaud de Montauban, qui prend un tison noir pour faire la barbe à Charlemagne. Le sacrilège, la raillerie des faux dieux est le premier devoir de l’historien, son indispensable instrument pour rétablir la vérité. Mais il faut que la moquerie soit l’expression d’un mépris sérieux, profond, solidement fondé. — Pour moi, je n’ai rien épargné pour donner à mon jugement ce caractère. Le temps d’abord ; toute ma vie j’ai rêvé, j’ai mûri ce livre. L’Europe, je puis le dire, y a contribué par le secours que mes amis, de toute nation, m’ont donné. Grâce à leur empressement, j’ai pu travailler partout. Les bibliothécaires d’une foule de villes m’ont si obligeamment aidé, que partout j’ai pu me croire chez moi. A Florence et Pise, à Toulon, à Lausanne, Vevey, Genève, j’ai eu de précieux secours, et l’on m’en envoyait même de Pesth. A Genève, un regrettable ami que j’ai perdu, le savant helléniste, Bétant, consul de Grèce, prenait mille soins pour m’envoyer les livres. J’en dis autant de M. Vulliemin, l’éminent historien de Lausanne. Chose inattendue, c’est de cette ville, de sa bibliothèque hospitalière que me sont venus les éléments de mon travail sur la Corse qui m’a coûté tout un été. Ces livres avaient été légués et mis là par les grands patriotes vaudois, MM. de Laharpe, si amis de la France, qui voulaient être les Paoli, les libérateurs de leur pays. On peut juger de mon étonnement, en recevant ce secours inattendu de ces illustres citoyens qui m’avaient préparé cela, et travaillé pour moi, en quelque sorte. Je le méritais bien par ma reconnaissance et mes sentiments fraternels.

Bonaparte a eu l’insigne avantage d’écrire et de parler, de son rocher de Sainte-Hélène, à l’Europe attentive, avec une incroyable autorité et l’intérêt tragique de ses malheurs. Il s’est glorifié et a calomnié tout le monde, sans conteste et de haut (in articulo mortis). Ses ennemis l’ont cru. Et les historiens anglais répètent à l’envi ses mensonges.

Cet homme désintéressé a laissé une grosse fortune, une famille fort riche, qui, sur la foi de son étoile, a puissamment cultivé la légende, en vue d’une restauration, travaillant et pour lui, et, comme il avait fait, contre les grands acteurs de l’époque (Masséna, Hoche, Ney, etc.).

La vérité pourtant subsistait en dessous, quoique enterrée. Pendant un demi-siècle, j’ai pu surprendre par moments des jours inattendus qui se faisaient. La mort m’aidait beaucoup. Elle a un pacte avec l’histoire. Elle lui donnait la joie de voir par moments disparaître ces ombres artificieuses, qui pendant si longtemps avaient masqué la vérité.

Le meilleur c’est que justement en plein triomphe, ils se sont découverts. Au plus fort de l’ivresse du dernier règne, des spéculateurs littéraires assurèrent à César que la Correspondance de l’autre pouvait très bien se publier, en l’épurant par des mains sûres. Bonaparte écrivait très peu. Mais dans la foule des lettres qu’il inspirait, dictait, on pouvait faire un choix. Seulement, pour cette opération, il eût fallu des yeux ; je veux dire une attention éclairée, pénétrante, pour voir ce qu’il fallait cacher. Mérimée et autres avaient de l’esprit, mais il fallait une étude sérieuse et de la patience. J’ai vu avec surprise que, dans ce grand recueil, émondé au hasard, des faits énormes étaient restés ; et restés pour moi seul. Car dans les Histoires (du reste estimables et fort belles qu’on commença sous Napoléon III), ni l’auteur, ni l’éditeur sans doute, ne pouvaient s’en servir, ni exploiter ces faits qui changent tout.

On y voit plusieurs choses, singulières et inattendues : 1o l’apparition des banquiers et fournisseurs (que du reste j’ai connus moi-même), lesquels ont lancé Bonaparte dans la campagne d’Italie ; 2o les longs mois de sa royauté financière, ces mois où par deux fois cette campagne fut interrompue, où Bonaparte mit à la porte les surveillants que lui donnait le Directoire, enfin où il fut vice-roi ou roi plus que Clive et Hastings ne le furent jamais dans les Indes.

Je me suis arrêté ici, dans ce volume, à ce point où les deux histoires, où les deux grands acteurs, la France et l’Angleterre, qui se battaient sans se connaître, et on peut le dire, à tâtons, ont certains points de ressemblance. On ne peut faire l’histoire de France, et encore moins la vie de Bonaparte, en restreignant le champ de la vision, à cet unique objet, sans se l’exagérer beaucoup, et le fausser par cela même.

Au volume suivant, tout en donnant la fin de l’héroïque et vaine campagne d’Italie qui finit par en rendre les clefs à l’Autriche, j’espère mener de front les grandes masses qui font mon sujet principal, l’histoire morale de l’armée des soldats, et de l’armée des ouvriers.

Une chose assez curieuse, c’est que l’esprit de guerre avait alors gagné tout le monde. Un Genevois a fort bien remarqué la fureur militaire que déployaient alors les ouvriers anglais, travaillant avec rage, et peut-être plus animés à la guerre que les soldats eux-mêmes. Dans le sombre atelier, ils rêvaient des batailles, faisant à leur métier la conquête des Indes ou livrant des combats de Trafalgar. Ce qui, dans ce jeu acharné, leur permit en vingt ans, de doubler constamment la mise, jusqu’à ce que le gros lot sortît.

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