Ivan le terrible; ou, La Russie au XVIe siècle
PRÉFACE DE L'AUTEUR.
«At nunc patientia servilis tantumque sanguinis domi perditum fatigant animum et mœstitia restringunt, neque aliam defensionem ab iis, quibus ista noscentur, exegerim, quam ne oderim tam segniter pereuntes.»
Tac. Ann. Lib. XVI.
Ce récit ne vise pas seulement à faire revivre certains événements, mais surtout à caractériser une époque, à se rendre compte des croyances, des mœurs, du degré du civilisation de la société russe dans la seconde moitié du seizième siècle.
En restant fidèle à l'histoire dans ses traits principaux, l'auteur s'est permis quelques écarts dans des détails sans importance. Ainsi le fil du récit l'a amené à avancer de cinq ans le supplice de Viazemski et celui de Basmanof. Il s'est cru autorisé à commettre cet anachronisme, parce que, si les innombrables supplices qui ont suivi la chute de Silvestre et d'Adachef caractérisent parfaitement Ivan, ils sont cependant sans corrélation avec ses autres actes.
Par rapport aux horreurs de ce temps, l'auteur est demeuré constamment au-dessous de l'histoire. Par respect pour le lecteur, il les a laissées dans l'ombre et ne les a rapprochées de lui que le moins possible. Malgré cela, il avoue qu'en parcourant les sources qui l'ont aidé à composer ce récit, le livre lui est souvent tombé des mains et sa plume a été souvent jetée avec dépit, moins à la pensée qu'il a pu exister un Ivan IV, qu'à celle qu'il s'est trouvé une société qui ait pu le supporter; ce sentiment pénible a fait languir son travail pendant dix ans.
A l'égard d'événements d'une importance secondaire, l'auteur a cru pouvoir s'accorder quelques licences, mais il n'en a été que plus scrupuleux dans la description des caractères, de tout ce qui touchait aux coutumes populaires et à l'archéologie. S'il est parvenu à ressusciter un moment la physionomie de l'époque, il ne regrettera pas son labeur et espérera avoir atteint le but qu'il s'était proposé.