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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage

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LÉGENDE DE LA BOUCHÈRE ET DE L’AMOUR ADULTÉRIN

Emprisonnée au fond d’une cage de verre,
Voyez, vous qui passez : c’est l’épouse adultère.
Des membres sanglants, pantelants,
Sont suspendus autour, à des crochets de fer :
Ne sont-ce pas ceux du galant,
Que l’époux, à une heure inopinée, rentrant,
A surpris, et, au même instant,
A dépecé dans sa juste colère ?
Vraiment, s’il en était ainsi !…
Affreuse pensée qui la hante :
— O épouvante
De la viande !
O épouviande
De la vente… —
(Elle ne sait plus ce qu’elle dit !)
S’enfuir ? il n’y faut pas compter :
Des sbires sont là, que le mari dut apposter,
Les bras menaçants hors des vestes,
Avecque une dague au côté,
Et surveillant ses moindres gestes ;
Leur dague !… et puis aussi le dogue,
De ceux qu’on nomme chiens de boucher,
Qui, dans un coin, sourdement grogne :
Je ne vous conseille pas d’approcher !
Et cependant aux petites bonnes,
Qui s’en viennent pour les provisions,
On remet le foie, les rognons,
Enveloppés d’un fort papier de couleur jaune ;
(Comme c’est fin, cette allusion ;
De couleur jaune !…)
La prisonnière affecte un air indifférent,
Et, comme s’il ne s’était passé rien d’anormal,
Il faut qu’elle marque le sou du franc,
Et, sur des cahiers
Quadrillés,
Qu’elle fasse des calculs avec des décimales…
Ah ! grâce pour la pauvre martyre !
Grâce !
Elle si fraîche, et rose, et grasse,
Bien sûr, ils vont la faire maigrir !
Pour moi, loin des sbires, des dogues,
Et de la malheureuse, écartant mon chemin,
Brr ! je sais bien que, ce matin,
Je ne mangerai que des légumes de mon jardin
Et des œufs à la coque !
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