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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage

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LA DÉPLORABLE HABITUDE

L’épouse a proscrit sans pitié
La vieille pipe en merisier,
Compagne des rêveries anciennes et familières.
Je comprends maintenant : naguère,
Vieille pipe, quand je t’ai confié,
Au temps des fiançailles, mes beaux espoirs ensoleillés,
Voilà pourquoi tu ne m’écoutais guère, —
Et même tu crachais d’inquiétante manière :
La vieille pipe en merisier,
La vieille pipe se méfiait…
L’épouse a dit : — Fumer de gros cigares
En ma présence est un manque d’égards,
Car
Est-ce que j’en fume, est-ce que j’en fume, des cigares ?
Cette fumée, c’est notre argent que tu gaspilles !
Quand on n’a pas et des mille, et des cents,
Et encore moins des cent mille,
Est-ce un plaisir raisonnable et décent
Pour un sérieux père de famille ?
Les boîtes de cigares, ça finit par compter,
Sans compter
Ceux que tu dois offrir à des tas d’imbéciles !
Vaut-il pas mieux mettre ça de côté
Pour quelque chose, au moins, d’utile,
Dont, moi aussi, je puisse profiter :
Pour acheter,
Par exemple, une automobile ? —
L’épouse a dit : — Je ne sais rien d’abject
Comme cette manie de perpétuelles cigarettes !
D’abord, je commence à m’apercevoir
— Cela non plus n’a pas échappé à ma mère —
Que tu perds toute ta mémoire :
Hier,
Tu nous as fait chercher une heure, pour savoir
L’adresse de cette couturière…
Et puis, c’est dégoûtant : des bouts
De cigarette traînent partout,
J’ai honte quand quelqu’un regarde ;
Et puis,
C’est une odeur de tabagie,
Qui, d’abord, vous prend à la gorge,
Qui s’accroche
Aux rideaux, tentures, tapis :
On a beau secouer, aérer, ils la gardent ;
L’appartement a l’air d’un corps de garde !… —
Cédant à ces justes critiques,
Dorénavant l’époux n’exhibe
Cigarette, cigare ou pipe ;
Mais lors sournoisement il chique.
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