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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage

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POLYCHROMIE

O Venise
Que de sottises
On commet au nom
De ton blond,
Et que de femmes, sans raison,
Qui vers toi seul, henné, hennissent !
Car nous ne savons, cher caprice,
Quand nous rentrons à la maison,
En quel ton nous retrouverons,
Ou pain d’épice,
Ou bien chaudron,
Notre compagne et son chignon :
O Venise !
Mais Dieu nous garde, sur notre âme,
D’en témoigner surprise ou blâme :
Aussitôt, sur le mode amer :
— Désolée, désolée, mon cher,
De déjouer vos petits calculs ;
Vous n’aimez pas le changement,
Probablement
Toutes vos maîtresses étaient brunes :
Et que si j’eus la fantaisie,
Moi, légitimement choisie,
D’interrompre cette série,
Le coup vous en semble trop rude ?
Tant pis !
A votre aise faites la grimace,
Il faut en prendre votre parti :
La rouge passe ! —
Si, d’autre part, nous nous taisons,
Alors c’est une autre chanson :
— Voilà ! mettez-vous donc en frais,
C’est bien la peine !
Comme si Monsieur regarderait
Jamais
Une femme qui est la sienne !
Je m’ingénie à trouver chaque jour
Quelque moyen nouveau de piquer son amour :
Bah ! que demain je me promène,
Des cheveux héliotrope épandus sur mon dos,
Il l’apprendra par les journaux…
C’est bien la peine ! —
Épouse, ô femme, impitoyable logicienne !
Et cependant, au mur, en un pastel ancien,
Voici l’aïeule figurée ;
Une neige prématurée
Fait ressortir les lys et les roses du teint ;
Petite aïeule en falbalas,
La frimousse friponne sous la poudre à frimas,
Au moins, pensé-je, avec la mode que voilà,
On savait toujours à quoi s’en tenir…
Pourtant, dans votre cadre ovale, n’est-ce pas
Qu’en me clignant de l’œil, vous vous prîtes à rire,
Mignonne aïeule, sous la poudre à frimas ?
Las ! en ce temps-là comme au nôtre,
Femme jamais se fit-elle faute,
En ses cheveux ou bien ailleurs,
De mettre sous nos yeux la gamme des couleurs ?
Toutes les couleurs, supposons-nous ? Erreur !
Nous en verrons encor bien d’autres !
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