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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage
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COQUILLES SAINT-JACQUES
Les coquilles Saint-Jacques ont vainement cherché
A s’informer auprès des domestiques
Si on allait les servir chez
Des personnes suffisamment aristocratiques ;
Quand, au manteau des pèlerins,
Vos aïeux eurent ce destin
De vaincre en pays palestin
Pour la gloire du Saint-Sépulcre,
Saurait-on, sans amer chagrin,
Penser figurer au festin
D’un manant, d’un bourgeois enrichi par le lucre,
De tout autre que prince ou duc ?
Donc, dès leur entrée dans la salle,
Elles jettent, sans en avoir l’air,
Un petit regard circulaire :
— Pas mal ! pas mal ! —
Certe, à défaut du féodal,
Ce style Henri II n’est pas pour leur déplaire ;
Des sièges en cuir de Cordoue
Sont, à leurs regards, les plus doux ;
L’amphitryon n’est pas un de ces fous
Qui se meublent de laqué vert :
Aux croisés de Jérusalem
On épargne du moins cette angoisse suprême :
Une salle à manger qui viendrait d’Angleterre.
De la présence des coquilles,
Les châtelains sont avertis ;
Mais, voyons, à quoi songent-ils ?
(On était plus exact, dans les vieilles familles ;)
Il est déjà passé midi :
Et les coquilles, pour patienter durant le retard, —
Car
Il est au moins midi et quart, —
Et tromper une attente qui les refroidit,
Fredonnent des chœurs de la Jérusalem de Verdi,
Et la romance de Richard…
Bon, voici nos gens qui arrivent,
Ils s’installent ; mais quels convives,
Sang du Calvaire ! ah ! vos aïeux !
Coquilles des pèlerins pieux,
Votre indignation est vive !
Vraiment ce n’est pas sans sujet
Que vous mettez à vous laisser manger
Tant de mauvaise volonté :
Aucun n’a prononcé le bénédicité !
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