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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage
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HÉROIQUE JACTANCE D’UN LAPIN
Aux mains cruelles des gâte-sauces,
(Ils sont deux, trois, quatre petits),
Pauvre lapin, te voilà pris ;
Et les méchants gamins se gaussent
De sa situation fausse,
Et se font un barbare jeu
De tirer ses longues oreilles,
Soyeuses au poil blanc et feu,
(Car on sait que le lapin bleu
Est un animal fabuleux
Que seuls, dans leurs galantes veilles,
Ont pu rêver les amoureux) :
Notre lapin est blanc et feu.
A la cuisinière on l’apporte :
— Sautez, sautez, les gibelottes ! —
Près des fourneaux, parmi les cuivres et les broches,
La cuisinière se dresse, imposante et grave,
Mais le lapin, à son approche,
Soutient son regard, et la brave.
L’autre l’a saisi par les pattes ;
Toutes quatre
S’agitent en nerveuses saccades :
— Tu trembles ? dit la farouche, d’un ton narquois. —
— Moi ?
Si je tremble, c’est donc de froid !
Vraiment, tu ne me connais guère :
Sache que mes aïeux entraînaient à la guerre
En battant du tambour les héros de naguère ;
Ils étaient à la Grande Armée,
Ils ont, sur les champs de bataille,
Récolté toutes les médailles
Et d’Italie, et de Crimée.
Avec la croix qu’un jour leur remit, à cheval,
De la main à la main, le Petit Caporal !
Et bonnement, tu t’imagines,
Moi, le descendant de ces preux,
Qui furent décorés au feu,
M’impressionner avec ton cordon bleu,
Et ta batterie de cuisine ?
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