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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage

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MIEUX VAUT DOUCEUR

— Prenez, mettez, coupez, lavez,
Hachez, dépouillez, enlevez…
Brutalité de ces formules impératives !
En entendant un tel langage,
Comment ne perdraient point courage
Les filles timides, qui arrivent,
Ignorantes, de leur village ?
— Plumez, flambez, videz, bridez,
Otez, placez, laissez, gardez…
Sans compter que tout cela, c’est facile à dire,
Et vous vous en lavez les mains :
Vous parlez, vous parlez, mais vous ne faites rien,
Et, s’il fallait prêcher d’exemple, peut-être bien,
Que ce serait fini de rire…
— Préparez, remuez, versez,
Battez, farinez, arrosez…
Et puis, ce n’est pas toujours drôle,
Ce que vous commandez là, ni très ragoûtant,
Et mériterait bien, pourtant,
Le cordial réconfortant
De quelques bonnes et amicales paroles…
— Enveloppez, pelez, chauffez,
Grillez, tournez, dressez, servez…
Au lieu de cela, ordres brefs, façons discourtoises,
Vous bousculez, vous démoralisez ces pauvres filles :
Et vous vous prétendez cuisinière bourgeoise,
Véritable cuisine de la famille !…
Vous la traitez bien, votre famille !
Elle est jolie la bourgeoisie française,
Vite oublieuse de 89 (ou quatre-vingt-treize ?).
Rayez bourgeoise, rayez famille de votre titre,
Vous qui faites, pour votre honte,
Si bon marché du libre arbitre !…
Ça coûte donc bien cher d’être poli avec le monde ?
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