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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage
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INTERMEZZO
J’aime par-dessus tout les longues causeries,
La joie des coudes sur la table,
Et, quand je vais dîner dans les maisons amies,
Jeux imprévus, spectacle improvisé, fines saillies,
C’est vous, surtout, qui me rendez l’âme ravie,
Le menu vraiment délectable.
Oui, je fais peu de cas des repas à la pose,
Où l’on n’ose,
On n’ose seulement bouger ;
Il faut se taire, immobile, et manger,
Boire et manger, sans nulle cesse,
Des vins de choix, des mets exquis,
Oui :
Mais si l’on remue une chaise
L’hôtesse
Aussitôt s’en offusque et la trouve mauvaise ;
Ah ! zut, à la fin, zut et zut !
Nous n’aimons pas manger comme des brutes ;
Sont-ce donc là les traditions françaises !
Comme je te préfère, aimable amphitryon,
Gai luron,
Dont l’esprit avisé, l’adresse sans pareille,
Pour me distraire font merveille :
Qui saura comme toi, du liège des bouchons,
Façonner un bateau, une tête, un poisson,
Un cochon, —
Qui, jongler avec les bouteilles ?
J’aime ta verve industrieuse,
Qui ne reste jamais à court :
Qu’importe la noix creuse, et la poire véreuse,
Et, pourris, les pruneaux de Tours ?
Qu’il n’y ait pas de petits fours ?
Nulle tourte ne vaut tes tours :
Ta femme à tes côtés coulera de beaux jours,
Tes enfants connaîtront une jeunesse heureuse.
Chez les gens de ton caractère,
Cher amphitryon débonnaire,
On n’a point souci de la chère :
La chère, allons donc, belle affaire !
Hardi ! que les assiettes tournent au bout des cannes,
En cadence frappons les verres
Avec les couteaux à dessert,
Et que la mie de pain s’envole dans les airs,
Au souffle de nos sarbacanes :
Le voilà bien, le voilà bien,
Le vrai souper athénien !
Et ça vaut autant que de faire venir des tziganes.
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