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La nouvelle cuisinière bourgeoise: Plaisirs de la table et soucis du ménage

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LES PLAISIRS DE LA TABLE

PARABOLE DU MOUTON

La petite Muse est venue à moi, tenant par la main,
Un blanc mouton au bout d’une ficelle :
— Quoi ! tu chantes l’amour des belles,
Tu t’attardes encore aux roses du chemin,
Et autres menues bagatelles ? —
(Dit-elle ;
Et sa couronne était de laurier et de thym,
Qui fleurait aussi la cannelle ;)
Puis, moqueuse, a continué :
— Moutons de Daphnis et Chloé, —
Ohé ! ohé ! —
Où sont Hycante et Cléomène, —
Et les beaux vêtements qu’on fit de votre laine,
Combien tristes et démodés !
Tout passe, tout change,
Hormis ceci, que l’on vous mange ;
Les bergers n’ont plus de pipeaux,
Les bergères plus de houlettes :
On mange encor des côtelettes,
Et des gigots ! —
Dois-je noter que, durant ces propos,
Mélancolique, et de mine inquiète,
Dolentement le blanc mouton dodelinait la tête :
Mais sa présence ici n’avait d’autre raison
Que cette démonstration ;
Et il n’en sera plus question.
Maintenant la Muse termine,
Mutine :
— Allons, Poète, à table, à table !
Si le cœur alors crie famine,
Que diable !
On fait du pied à sa voisine ;
On peut même dire des vers
Au dessert ;
Mais, à table, Poète, à table :
Car, c’est là-dessus que l’on table,
La seule chose incontestable,
Inéluctable,
Comme le nom l’indique : table !
A table !
Et parmi les cuisinières robustes,
Parmi les marmitons allègres,
Le Poète est passé, la flûte
Aux lèvres,
Qu’entraîne et guide au milieu des cuisines,
Dernier refuge, ultime abri,
Où Jules Lemaître la réduit,
La petite Muse latine ; —
Et nous ferons des chansons sur
La nourriture :
Poétisons les comestibles.
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