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Histoire du XIXe siècle (volume 2/3) : $b II. Jusqu'au dix-huit Brumaire

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CHAPITRE II
RÉPUBLIQUES ITALIENNES. — COMBATS D’ARCOLE. — 16-17 NOVEMBRE 96.

A la fin de juillet 96, Bonaparte s’attendait peu à ce déluge allemand de Wurmser. Il avait seulement nouvelle de vingt mille hommes que l’Autriche tirait de son armée du Rhin pour l’Italie. De là les embarras dont il ne fut tiré que par la vaillance de Masséna.

Eh bien, de septembre en novembre, pendant trois mois, il ne prévoit pas davantage, et quand il voit descendre une armée toute nouvelle, deux grands bans de Barbares, d’une part la tourbe du Tyrol, de l’autre les grosses masses croates, hongroises, d’Alvinzi, il semble, encore non pas surpris (il fait face), mais il a l’air d’être éveillé en sursaut, comme un homme qui, pendant ces trois mois, a pensé à toute autre chose qu’à ce nouveau déluge, si facile à prévoir.

On est frappé de voir que cet homme, si positif, semble absent quelquefois, moins occupé des actes que de l’impression qu’il produit, des rêves, apparences ou espoirs, qu’il donne aujourd’hui et qu’il escomptera demain.

De sorte qu’à suivre les bulletins, les articles qu’il inspirait et faisait faire, ses lettres au Directoire, et même à Joséphine, on s’aperçoit que, derrière sa vie d’action, il en avait une autre d’imagination, de vastes et vives espérances qu’il avait ou donnait aux autres. On peut dire que chaque jour il se peignait lui-même dans un cadre nouveau et sous une nouvelle auréole. D’abord, on l’avait vu dans sa proclamation au haut des Alpes du Piémont, montrant à son armée l’Italie, et lui promettant Rome, parlant de réveiller la cendre de Brutus. Mais son armée républicaine prenait cela au sérieux bien plus que ne voulait sa politique, si favorable au pape. Dès lors il ne parle plus de Rome, il se tourne vers la pensée classique en général, les tableaux d’Italie envoyés à Paris, et même les souvenirs littéraires.

Dans la longueur du siège de Mantoue, un peu malade en juillet, il raconte à Joséphine, dans une lettre sentimentale et calculée sur le goût de l’époque, qu’en pensant à elle, rêveur mélancolique, il a été, au clair de lune, voir sur le lac le village de Virgile. Là sans doute il prit l’idée de la fête du grand poète, qu’il fit plus tard, et qui le recommanda fort à la société lettrée, élevée dans ce culte classique. Joséphine ne perd pas de temps. On parle de cette visite, on fait des gravures, fort belles, préparées évidemment longtemps d’avance (on n’avait pas alors nos fades et expéditives lithographies). Et, dans ces gravures, on voit le héros d’Italie, auprès du tombeau de Virgile, et ombragé de son laurier.

Tout avait été arrangé en prévision de Mantoue dont Bonaparte espérait se faire une auréole. Et ce siège fut un revers. Castiglione et Bassano, l’en relevèrent. Mais les grands coups d’épée, et les prodiges de septembre que Masséna enfin s’avisa de revendiquer, paraissent avoir un peu détourné Bonaparte de l’Italie. Il semble dire déjà ce qu’il écrit un an après : « Qu’est-ce que l’Italie ? Peu de chose. » La pensée est visiblement tournée vers l’Orient. Déjà il avait dit aux nôtres quand ils vinrent à Ancône, « qu’ils étaient en face de l’Épire, royaume d’Alexandre le Grand. » Au 6 septembre, après le grand succès de Bassano : « Quel effet ce sera pour la Hongrie et pour Constantinople ! » L’année suivante, il fait alliance avec Ali-Pacha et le prince des Maïnotes. Déjà il parle de l’Égypte. Son cœur n’est plus en Italie.

Mais il y avait en France une grande masse de patriotes qui s’y intéressaient, et espéraient la révolution italienne. Seulement, les amis de la paix, très pressés de la faire (comme Carnot et Letourneur au Directoire) craignaient que Bonaparte ne donnât à l’Italie des gages qui empêcheraient de s’entendre avec l’Autriche. C’était le point de vue de Bonaparte. Mais il se serait trop démasqué, il eût trop déplu à la majorité du Directoire s’il n’eût rien fait pour l’Italie. Aussi quoiqu’il eût un arrangement avec le duc de Modène, dès que les Modénois voulurent se mettre en république, il demande avis au Directoire[24], mais n’attendit pas sa réponse, et déclara que Modène et Reggio étaient sous la protection de la France et pouvaient se constituer librement. Puis il s’excusa aux directeurs, disant n’avoir pas reçu à temps leurs conseils. Tout en s’excusant, il continuait dans la même voie, unissant à Modène, Bologne et Ferrare pour en faire ce qu’on appela la République cispadane.

[24] Correspondance, 26 mai. — 12 Juin 97.

Acte audacieux qu’il faisait de son chef, certain cette fois d’être avoué du parti patriote. Mais, en même temps il tâchait de plaire aux amis de la paix, aux modérés, et même aux rétrogrades, en ajournant toujours la grande affaire que voulait l’Italie et que craignait le pape : la vente des biens ecclésiastiques. Il n’en vendit que peu, et tard, l’année suivante, demandant l’aveu du pape qu’il croyait séduire en lui faisant sa part.

Ainsi, dans les trois mois qui s’écoulent entre Bassano et Arcole, il ne fait rien de sérieux pour relever l’Italie. Il proclame des républiques, mais empêchant la grande révolution territoriale des biens d’Église, il ne donne à ces républiques nulle base, n’essaye pas de tirer de tant de villes qui étaient pour nous quelques ressources militaires.

Les Italiens étaient sans doute peu aguerris, peu exercés. Il ne fallait pas charger de leur instruction des hommes du Nord, des Suisses, comme il fit. Nos méridionaux auraient mieux convenu, tels que Murat, l’intrépide et brillant acteur, dont les fantasias avaient tant relevé notre cavalerie ; ou la furie de Lannes, terrible et contagieuse pour entraîner des masses qui, avec lui, ne se connaissaient plus. Nos Gascons, jadis moqués comme hâbleurs et vantards, avaient ainsi donné tout à coup une génération guerrière, des Soult, des Bessières, des Bernadotte, etc. De même, les Italiens, une fois enlevés, auraient produit (non sans doute Garibaldi encore), mais de vaillantes épées, des Medici, des Cialdini, des Cernuschi.

La légion lombarde que fit Bonaparte ne se composait que de trois mille jeunes gens de bonne famille, bien triés. Il craignait fort les embarras d’une révolution italienne avec qui il eût fallu compter, négocier, haranguer, faire l’homme, et non plus le soldat ; descendre des hauteurs du commandement militaire, et se laisser toucher de près.

Dès lors, dédaignant les ressources que lui offraient ces villes d’Italie, il n’avait qu’une armée, terrible, mais toujours diminuant. Et l’ennemi, au contraire, c’était comme on l’a vu, le peuple même, de grandes masses inépuisables. Aussi le cabinet de Vienne, voyant que la grande force populaire, qui fut pour nous en 92, était maintenant de son côté, voyant nos armées d’Allemagne en pleine retraite, n’avait pas même daigné recevoir Clarke, notre envoyé, et l’avait adressé à l’ambassadeur d’Autriche en Piémont.

Bonaparte ne comprenait pas trop le genre de guerre de ces Barbares. Il se moqua de leur maladresse à marcher en corps séparés. Mais les localités et la difficulté des vivres dans ces montagnes stériles exigeaient ces séparations. Et lui-même bientôt en remontant les Alpes fut contraint de marcher ainsi. Ajoutez une autre raison, c’est que ces tribus, de langue, de race différente, étaient des forces vives dont on ne pouvait tirer parti qu’en tenant compte de leur différence, et profitant du mouvement divers qui était propre à chacune.

Il y avait d’ailleurs des antipathies de peuples et de races qu’il eût été insensé de forcer. Comment eût-on fait marcher ensemble, et du même pas, les Valaques des régiments-frontières, quoique très bons soldats, avec les orgueilleux et superbes honveds hongrois ? Comment les gais et fantasques Tyroliens, au chapeau pointu, à la plume verte, se seraient-ils battus volontiers à côté des masses croates, de leurs gros manteaux rouges ensanglantés des guerres des Turcs ? Les Autrichiens, et leur ancien général, le prince Eugène, avaient conservé fort utilement ces grandes divisions, et, dans l’ordre mécanique de la guerre, ils avaient eu certains égards pour le génie national et respecté sa liberté.

Cette tempête qui pendait des Alpes, tous ces torrents humains qui en descendaient de partout, semblent avoir étonné les nôtres. Heureusement tout cela ne fondit pas du même jet. Tandis que les Tyroliens étaient encore avec Davidowich, plus près de leurs montagnes, les Hongrois, Croates, Alvinzi étaient déjà en avant sur la route de Vérone. Devant eux Masséna se retira, non sans désordre. Le général Vaubois, opposé à Davidowich et chargé de défendre contre lui les postes de la Corona et de Rivoli, risquait d’être forcé par l’impétuosité de l’élan tyrolien. Il y résista d’abord, puis eut une panique, crut qu’il était coupé, que ces hardis chasseurs avaient passé devant et l’avaient devancé aux grandes positions de Rivoli.

Bonaparte n’avait que Vérone. Et il y était serré de près par la grosse armée d’Alvinzi, qui, avec son artillerie, dominait dans la haute position de Caldiero. Bonaparte vint inutilement contre cet ours avec ses dogues, Masséna, Augereau, pour le forcer dans la montagne. Masséna gravit un endroit négligé. Mais la nature se mit de la partie. Une froide grêle se mêlant aux boulets souffletait les nôtres au visage, et, dans la boue, on ne pouvait faire avancer les canons. Cela se passait le 12 novembre. Le 14, Bonaparte écrit au Directoire une lettre désespérée, où il dit que tous ses héros sont morts ou blessés : « Nous sommes abandonnés au fond de l’Italie. Peut-être l’heure du brave Augereau, de l’intrépide Masséna est près de sonner. Alors, que deviendront tous ces braves gens[25] ? »

[25] Voy. la Correspondance, 14 novembre 1796.

Qui le sauva ? Alvinzi. On se défiait de sa fougue ; comme on avait fait pour son prédécesseur, on lui avait donné un sage chef d’état-major, Weirother. Et sans doute le commissaire anglais qui avait suivi partout Wurmser ne manquait pas à Alvinzi, et fortifiait le Mentor autrichien. Le mot invariable des Anglais, on l’a vu à Toulon, à Gênes, c’était toujours : « Des places : assurons-nous des places ! » Alvinzi, leur obéissant ne visait que Vérone ; il cherchait des échelles pour en escalader les murs. Il croyait que, dans la lutte, le pugilat d’un tel assaut, la vigueur hongroise l’emporterait.

Bonaparte aussi crut à la force, à la vaillance individuelle, et voulut, cette fois encore, répéter l’affaire de Lodi. Par une sublime imprudence, il laissa Vérone avec quinze cents hommes seulement. Et avec tout le reste, il alla prendre pour champ de bataille les marais, les chaussées de l’Adige et de l’Alpon. Il calculait que, par ce chemin étrange, arrivé à Ronco, il se trouvait sur les flancs de l’ennemi, et presque derrière lui. Les marais étaient traversés par deux chaussées, l’une à gauche qui rejoignait Vérone ; l’autre à droite sur l’Alpon passait par le village d’Arcole.

Par la digue de gauche il pouvait tomber sur Alvinzi, si celui-ci tentait d’escalader Vérone. C’était là le grand poste. Il y mit Masséna. Celui-ci, plein de sang-froid, vit bientôt approcher un corps qu’Alvinzi, averti par le bruit, avait envoyé. Il le laisse avancer sur la chaussée étroite, puis fond sur lui, le refoule et le noie. De son côté, Augereau, suivait l’autre digue jusqu’au pont qui mène au village d’Arcole.

Bonaparte s’était mis avec Augereau. Il voyait les dispositions sombres, nullement enthousiastes de l’armée. Il crut que c’était le moment de s’exposer lui-même. Il n’en avait pas encore trouvé ni cherché l’occasion. Je l’ai dit, il ne les a jamais cherchées dans sa longue vie militaire, pensant peut-être avec raison que, dans l’intérêt de l’armée il faut réserver le général.

Ici, à Arcole, il devait de sa personne affronter le péril. Il s’était avancé, d’après des renseignements inexacts, ne sachant pas que les Croates avaient fortifié le village et garni le passage d’une nombreuse artillerie. Il avait bien envoyé une brigade et le général Guyeux pour tourner ce pont et passer l’Alpon au-dessous d’Arcole. Mais il fallait attendre, et le héros se trouvait arrêté dans une position que les braves de Lodi eussent pu trouver ridicule. Il voulait, a dit Thiers, arriver à temps sur les derrières d’Alvinzi, et obtenir un triomphe complet. Mais cette grande armée d’Alvinzi, encore entière et qui reprit bientôt l’offensive, n’était nullement là sur cette digue étroite. Et à Arcole, il n’y avait qu’un petit détachement de Croates, que grossissent les narrateurs bonapartistes pour grossir aussi la victoire.

Bonaparte, arrivé près du pont, et mis en présence du péril, ne pouvait ni se retirer ni hésiter sans perdre son prestige. Augereau saisit un drapeau et resta plusieurs minutes sous la mitraille. Bonaparte en avait pris un. Mais cela n’avait pas d’action et n’entraînait personne. Heureusement, son cheval prit peur, et le jeta hors de la tempête de mitraille sur la rive boueuse, où il eut de l’eau jusqu’à mi-corps. Selon un récit plus vraisemblable, il était à pied, déjà descendu de cheval. Dans ce cas-là, on pourrait croire sans lui faire tort, que son frère Louis qui le suivait, ou bien que ses amis, Bessières, à qui il avait confié sa garde personnelle, voulurent réserver une vie si précieuse, l’entraînèrent, et le firent descendre. Mais, au moment où il était dans ce marais, les Croates, qui voyaient l’accident et tout ce pêle-mêle d’officiers, accouraient pour les prendre. Là, son frère et Bessières furent admirables, ils l’en tirèrent et le firent remonter. Tout cela a été bien arrangé. D’abord dans les journaux, les gravures, etc., on se garda bien de le montrer dans ce marais qui le protégea si utilement contre la mitraille sous laquelle Augereau s’obstina à rester. On se garda bien aussi de dire que son frère s’exposa pour lui sauver la vie. On a voulu ainsi faire oublier l’ingratitude dont plus tard il paya Louis.

Dans les récits qu’il en a faits lui-même pour le Directoire (et pour le public), il met en grande lumière l’attachement des soldats pour lui. Mais justement, s’il s’exposa, c’est parce qu’il vit l’armée immobile et muette, dont le silence semblait lui reprocher ce massacre étourdi, qu’on eût pu éviter. En réalité, à Arcole, le soldat était si mal disposé, que les chefs durent payer de leur personne et furent presque tous tués ou blessés. Lannes fut blessé trois fois et persévéra à combattre.

Les pertes n’étaient pas égales. Alvinzi, en perdant ses Barbares, si nombreux, pouvait tout réparer le lendemain. Bonaparte exposait la fleur irréparable de l’armée, de la France.

« Mais sans cela, dit M. Thiers, le Hongrois aurait fui. » Qui le prouve ? il avait l’avantage du nombre, et l’égalité de valeur.

« Ou bien, Vérone eût été exposée ? » Non, puisque Masséna était sur la digue gauche, et y était vainqueur. Or cette digue gauche étant voisine de Vérone, Alvinzi eût bien regardé avant de marcher vers la ville, avec Masséna dans le dos.

Jomini dit ici que probablement Bonaparte n’avait pas une connaissance suffisante des lieux. Et moi, je dis de plus que s’il eût fait explorer cette digue droite, il eût su que le village d’Arcole était fortifié, et ne se fût pas trouvé devant la batterie avec son drapeau inutile, pour faire tuer tant de braves gens, et lui-même tomber bien à point dans la boue.

La nuit se passa à attendre si Vaubois tenait encore et avait besoin d’être secouru. « Bonaparte, dit M. Thiers, eût secouru Vaubois. » Comment l’aurait-il pu, étant déjà si inférieur en nombre à Alvinzi ? Au moindre mouvement qu’il eût fait, il risquait d’exposer Vérone.

Pour la journée du 16, vaste silence dans les récits bonapartistes. Ils évitent de dire que l’ennemi avait si peu souffert la veille que, repassant l’Adige il prit l’offensive. Mais Masséna occupait toujours en vainqueur sa digue gauche. Il met son chapeau à la pointe de son épée, enfile la chaussée à la baïonnette, jette aux marais ce qu’il rencontre, prend six canons et huit cents hommes. Bonaparte ne fit que tirailler pendant ce jour du 16.

Le grand mystère qu’on n’a pas expliqué, c’est pourquoi Davidowich ne venait pas se joindre à Alvinzi. C’est que n’ayant pas détruit le lieutenant de Bonaparte, Vaubois, les Tyroliens hésitaient à se mettre en mouvement, suivis par lui, pour secourir le Hongrois qui d’ailleurs pouvait s’en passer.

Ce qui le prouve, c’est que le lendemain 17 novembre, Alvinzi reprend une furieuse offensive. Sur la rive de droite, le général Robert est tué, les siens repoussés. Et Bonaparte a besoin encore de toutes les ressources de son astucieux génie ; pour faire face, il a recours à la fameuse 32e demi-brigade, la cache derrière un bois de saules, d’où, sortant à propos, elle prend ou tue trois mille Croates. Alors, Bonaparte, ramenant Masséna à lui, se porte avec toute son armée devant Alvinzi. Seulement, avant d’attaquer avec Masséna et Augereau, il inquiète les Hongrois, en faisant circuler derrière eux, un petit corps, et, pour mettre le comble à leur inquiétude, il lance à travers les roseaux vingt-cinq cavaliers (de ses guides) qui arrivent avec des fanfares, un bruit éclatant de trompettes. Les Barbares effarés, comme un taureau qui se laisse détourner souvent par un enfant, et qui s’en va les cornes basses sans regarder qui le suit, les Hongrois, dis-je, ahuris, épuisés par soixante-douze heures de combat, s’en vont, mais s’en vont lentement se reposer vers la Brenta. Ils n’y trouvent plus les Tyroliens, qui, avec leur mobilité, contents de leur succès sur Vaubois, avaient regagné leurs montagnes.

Bonaparte avait fait à Arcole une découverte, c’est que cette armée, naguère fanatique de lui, y voyait déjà clair pourtant, qu’elle avait remarqué son imprévoyance étourdie, réparée à force d’hommes, et combien il ménageait peu, non seulement le soldat, mais les plus précieux, les plus irréparables de ces officiers. Il fit un peu oublier cette prodigalité des vies humaines par une de ces anecdotes qui venaient toujours à propos, et comme le Mémorial en donne tant sur la bonté de Bonaparte. C’est la sentinelle endormie, dont il prend le fusil et dont il achève la faction.

Il ne manqua pas d’écrire à Paris, de représenter cette affaire, qui, se passant sur des chaussées, ne put avoir de grandes mêlées, comme une bataille générale où les deux armées auraient donné. Il prétend qu’Alvinzi eut huit ou dix mille morts ! Qui le contredira ? comment retrouver, compter tous ces morts au fond des marais.

La manière dont le hasard, ou son cheval, ou ses amis, le mirent hors de la mitraille, cette circonstance fâcheuse est dans la lettre écrite au Directoire ; mais pour la publicité, elle est déguisée, touchée avec une adresse singulière.

Pont d’Arcole et pont de Lodi, furent confondus et mêlés pour la gloire de Bonaparte. Et la dernière affaire le porta jusqu’au ciel.

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