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Au bord du Désert: L'âme arabe (à Pierre Loti); Impressions; Souvenirs; Légendes arabes; La pétition de l'Arabe

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LE DÉPART DU JEUNE ARABE

A Chadly Baccouch.

Lorsque le jeune Arabe a quitté sa maison,
Et le ciel de Tunis pour un autre horizon,
Ses serviteurs, au seuil, s’étant rangés en troupe,
Une vieille, tenant dans sa droite une coupe,
Sortit d’au milieu d’eux… La coupe était d’argent,
Et dans l’eau claire, au fond, sous un rayon changeant,
Une piastre luisait, scintillait comme un astre.
Pour qui cette eau limpide et pour qui cette piastre ?…
Dès que les deux chevaux, touchés, firent un pas,
La bonne vieille femme, en marmonnant tout bas,
Versa l’eau brusquement derrière la voiture ;
Et si j’ai bien compris sa libation pure,
Elle disait : « O Dieu du soleil dévorant,
Puisse le jeune maître, ô Maître du Coran,
Ne jamais manquer d’eau ! l’eau pure c’est la vie.
Qu’il ait l’eau pour sa soif, ô Maître, à son envie,
Et que son jeune cœur reste pur comme l’eau ! »
Jamais je n’oublirai ce simple et beau tableau.
Pour la pièce, on la donne aux pauvres, sur la porte ;
Ce qui veut dire : « Avant que notre enfant ne sorte,
Pensons qu’un voyageur peut rester seul et loin,
Se perdre, et, même riche, être dans le besoin.
Puisse le nôtre, fût-ce au fond du désert triste,
Trouver, devenu pauvre, un pauvre qui l’assiste ! »
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