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Au bord du Désert: L'âme arabe (à Pierre Loti); Impressions; Souvenirs; Légendes arabes; La pétition de l'Arabe

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AU FEU DE MINORQUE

En pleine mer, — au beau milieu
Des eaux profondes, des eaux mornes, —
Au milieu de l’ombre sans bornes,
Il brille sur l’île, ce feu.
Dans la nuit formidable, immense,
Guide sûr, fidèle témoin,
Il dit à mon bateau de loin :
« Va !… La mer française commence. »
Tandis que le sombre sommeil
Pèse sur les yeux et sur l’âme,
Il dit : « Je veille, » avec sa flamme ;
Il dit : « Crois toujours au soleil. »
Il s’éteint, se rallume encore.
Sur les flots mauvais ou sereins,
Il dit : « L’Ile pense aux marins ; »
Il dit : « Marin, songe à l’aurore !
« Je marque presque la moitié
« Du chemin de France en Afrique,
« Et demain, beau transatlantique,
« Tu verras le cap Sicié. »
Ainsi Minorque, belle fille
Qui dort sous les verts orangers,
Bons marins, pense à vos dangers,
Et vous salue, — et son feu brille.
Et rien n’est beau, parmi les fleurs,
Comme ce phare, humaine étoile,
Qui dit : « Espère » à chaque voile,
Et : « Je veille » à tous les veilleurs.

A bord de la Ville de Naples, 29 mai 1887.

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