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Au bord du Désert: L'âme arabe (à Pierre Loti); Impressions; Souvenirs; Légendes arabes; La pétition de l'Arabe
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SUR UNE COLOMBE RENCONTRÉE EN MER
A BORD DE LA « VILLE DE NAPLES »
Elle était lasse, la colombe !
Elle nous suivait d’un long vol,
Rêvant d’un grand arbre en plein sol.
La mer ! la mer n’est qu’une tombe.
Pourquoi l’avait-elle quitté,
Le sol d’Afrique, le rivage ?
O douce colombe sauvage,
Où donc ton nid est-il resté ?
S’il est sur la terre africaine,
Pourquoi suis-tu notre bateau ?
Tu le sais bien, que la grande eau
N’est pas une route certaine !
S’il est en France, ton doux nid,
Qui donc ici t’avait menée,
Pauvre colombe abandonnée,
Que mon cœur douloureux bénit ?
Viens ! pose-toi sur le navire :
Mon cœur parle : connais ma voix…
Ce mât fut chêne dans les bois !
Il a chanté, comme la lyre !
Pose-toi sur l’îlot flottant
Qui s’en va vers la douce France…
Viens, colombe de l’espérance
Qu’on croit toujours voir en partant !
La mer ! la mer est une tombe !
Ton vol faiblit… tu rases l’eau…
Repose-toi sur le vaisseau,
Oiseau d’espérance, ô colombe !
Mais tout à coup, volant plus bas,
L’oiseau d’espoir, la tourterelle,
Retourne, brusque, à tire d’aile,
Au pays d’où je viens, là-bas !…
Pauvre colombe effarouchée !
Elle a fui le bateau fuyant,
Plein de passagers et bruyant,
Dans la terreur d’être touchée !
Et peut-être que, sous le noir
Du ciel vide et des eaux désertes,
Elle meurt, les ailes ouvertes,
Dans un dernier élan d’espoir !
29 mai 1887.
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