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Au bord du Désert: L'âme arabe (à Pierre Loti); Impressions; Souvenirs; Légendes arabes; La pétition de l'Arabe
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LE RHAPSODE
Il parle. Ses récits enchaînés sont très longs.
Et, dans le café maure, assis sur leurs talons,
Ayant à côté d’eux déposé leurs babouches,
Sans remuer les yeux ni desserrer les bouches,
La longue pipe aux doigts, le menton dans la main,
Tous écoutent, rêveurs. Ils reviendront demain ;
Hier, ils étaient là. Le conte les captive.
Ils tendent, jeunes, vieux, leur figure attentive,
Comme autour d’une source un troupeau de chameaux.
Ils boivent la sagesse et le doux bruit des mots
Qui coulent de la lèvre aimable du rhapsode.
Chacun, bien installé dans sa pose commode,
Fume le kief ou boit par instants son café,
En silence, sans geste ; et, dans l’air étouffé,
La parole du lent conteur bourdonne, égale
Comme la mouche à miel et comme la cigale.
Et l’étranger s’étonne, et le poète, heureux,
Voit le pouvoir des mots bien accouplés entre eux,
Et comment, en chantant l’épopée ou les drames,
La pensée et le rêve, — on possède les âmes.
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