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Au bord du Désert: L'âme arabe (à Pierre Loti); Impressions; Souvenirs; Légendes arabes; La pétition de l'Arabe

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A L’ÉCOLE

(TUNIS)

Dans la salle de l’école.
(Sauf le maître toutefois)
Tout le monde a la parole,
Comme les oiseaux aux bois.
Au milieu, — dans la lumière
Diffuse, égale partout, —
Ceint d’un cadre de barrière,
Un tombeau de marabout.
Le bonhomme en paix repose…
Que Dieu bénisse ses os !…
L’enfance bruyante et rose
Lui donne un concert d’oiseaux.
Assis sur les fraîches nattes,
Tous les petits écoliers
Ont plié sous eux leurs pattes…
— On voit, au seuil, leurs souliers.
Chacun d’eux, sur sa tablette,
Lit un verset du Koran,
Mais ils lisent, à tû-tête,
Tous un verset différent !
Le maître, baguette haute,
Au milieu du brouhaha
Reconnaît la moindre faute,
Et fait signe : Halte là !…
Mais l’adorable merveille
C’est un enfant de cinq ans
Qui ne prête pas l’oreille
Aux clameurs des concertants.
Il a l’œil d’une colombe
Ou d’un rossignol au nid ;
Seul, il s’adosse à la tombe,
Et la tombe le bénit.
Il suit, par la porte ouverte,
Un nuage, au ciel tout bleu ;
L’école chante ou disserte :
Lui, se tait, chéri de Dieu.
D’autres savent : il ignore ;
Il rêve… quoi ? Rien du tout ;
Il s’étonne de l’aurore,
Sans songer au marabout.
Il est doré comme l’ambre,
Comme la datte et le miel…
Il ne voit de cette chambre
Que la porte — où luit le ciel !
Quel beau pli, sur sa poitrine,
Fait son burnous enfantin !
L’enfance est vraiment divine :
Elle porte le destin.
C’est l’innocence éternelle,
La gloire du genre humain :
Elle nous cache son aile,
Mais l’espoir est dans sa main.
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