Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1
LE CHAUGOUN, No. 11.
Je laisse à ce vautour le nom indien qu’il porte au Bengal, d’où je l’ai reçu. Il paroît probable que cette dénomination particulière a quelque rapport, ou avec quelqu’une de ses habitudes, ou avec ses couleurs; car à cet égard les noms populaires sont toujours plus significatifs que ceux que, la plupart du tems, les savans appliquent aux divers animaux qu’ils veulent faire connoître: aussi me permettrai-je de laisser, autant que cela se pourra, aux animaux que je décrirai, les noms qu’on leur donne dans leur pays natal, ou du moins je les indiquerai toujours quand je croirai pouvoir leur en substituer un autre qui me paroîtra leur convenir autant dans notre langue. Je suis persuadé que cette méthode ne peut que faciliter beaucoup les progrès de l’histoire naturelle; car sachant le nom que porte tel ou tel animal dans la contrée qu’il habite, il sera bien plus facile de se le procurer et d’en obtenir des détails intéressans que de le demander sous son nom scientifique et insignifiant. J’invite donc les voyageurs à nous conserver, autant que possible, les noms qu’on donne dans les pays étrangers, aux animaux qu’ils nous en rapporteront. Je me garderai bien de faire la même prière à certains savans, qui, je ne sais par quel amour-propre, mettent, au contraire, une gloire infinie à paroître ignorer ces noms dans leur propre langue, et ne veulent absolument connoître que les objets qu’on leur désigne par un mot grec ou latin. Cette manie est même poussée si loin, qu’on en a vu s’arroger avec morgue le droit de reprendre celui qui, pour se faire mieux comprendre, avoit osé employer un nom consacré par une tradition de plusieurs siècles, plutôt que de se servir d’un nom nouveau à peine connu depuis quelques années.
Le Chaugoun est un vautour d’une grandeur moyenne et n’est guère plus gros que celui connu sous le nom de roi des vautours. Pour en donner une idée précise, je dirai qu’il est à peu près de la taille d’un dindon femelle. Son bec est presque entièrement d’un noir de corne; la mandibule supérieure étant seulement jaunâtre dans la partie où elle se renfle. Les narines sont longues et placées en travers, elles occupent, pour ainsi dire, toute l’épaisseur de la base du bec, qui est entourée d’une peau noire. Le cou par devant est parsemé de quelques poils rares, qui laissent par-tout appercevoir la peau, qui m’a paru avoir été bleuâtre; je dis m’a paru, car on sent combien il est difficile de savoir au juste, d’après une peau sechée, de quelle couleur elle étoit du vivant de l’animal. Le jabot, assez proéminent, est couvert de fines plumes soyeuses, d’un brun-noir, qui est la teinte générale de tout le plumage de cet oiseau. Cette couleur sombre et uniforme est un peu égayée par une ligne blanche longitudinale, qui marque le milieu juste de chacune des plumes qui couvrent tout le dessous de son corps. On remarque encore une large tache blanche de chaque côté de la poitrine, sur les flancs, mais ces taches sont cachées quand l’oiseau a ses aîles dans l’état de repos. Les dedans des jambes sont couverts d’un duvet blanc qui garnit tout le dessous des plumes, et qui remonte autour du jabot. La tête et le haut du cou par derrière, sont entièrement couverts d’une espèce de poils luisans d’un blanc sale. Plus bas c’est un duvet cotonneux plus blanc, qui va se joindre à un large collier de la même couleur. La queue et les grandes pennes des aîles sont noirâtres, les moyennes sont bordées extérieurement d’un brun-roux. Les aîles ployées ne s’étendent pas au-delà de la queue, qui étoit usée vers le bout. Les ongles sont noirs et les pieds couverts d’écailles d’un gris terreux. J’ignore quelle étoit la couleur des yeux, n’ayant reçu aucune indication ni à cet égard, ni relativement aux mœurs de ce vautour. Le doigt du milieu est près du double plus long que ceux des côtés.