Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1
LE TACHIRO, No. 24.
C’est dans l’épaisseur des forêts majestueuses de la partie la plus reculée du pays d’Auteniquoi où j’ai, pour la première fois, rencontré l’oiseau de rapine que j’ai nommé Tachiro. C’est dans le silence de ces bois, à l’ombre de ces arbres antiques, vrais colosses de végétation, qu’ont vieilli plusieurs générations d’hommes, et qu’un être sensible n’approche jamais sans éprouver ce sentiment sublime que produit l’admiration; c’est-là, dis-je, où, pour la première fois, parmi les chants harmonieux et tendres d’une multitude d’oiseaux différens, les cris pinchards et discordans du Tachiro frappèrent mon oreille. Cet oiseau de carnage, vrai fléau de tous les petits oiseaux de son domaine, fait la guerre à tous indistinctement. Il est un peu inférieur, pour la taille, à notre autour.
J’aurois rangé le Tachiro parmi les éperviers, si je ne lui avois trouvé le tarse plus court; et les aîles plus alongées et coupées différemment que celles de ces oiseaux. Les aîles en repos s’étendent au-delà de la moitié de la longueur de la queue, qui elle-même est à peu près aussi longue que le corps. La tête, ainsi que le cou, sont variés de blanc, de roux et tachés d’un brun-noir. La gorge est blanche, mêlée de roussâtre; le manteau est d’un brun sombre, ainsi que les couvertures des aîles, dont chaque plume est lisérée d’une teinte plus lavée. Toutes les pennes de l’aîle sont terminées de blanc. Le dessous de la queue est blanc et barré de larges bandes d’un noir lavé; en dessus elle est brune, et les bandes sont plus foncées. Tout le dessous du corps porte, sur un fond blanc nué de roussâtre, des taches brunes plus ou moins foncées; ces taches sont rondes ou semi-circulaires, et sur les jambes elles ont précisément la forme d’un cœur. Le bec est bleuâtre; les ongles sont noirs, et les pieds jaunes. L’iris est de la couleur d’une topase. Dans cette espèce, la femelle est aussi plus grosse que le mâle; son plumage est généralement plus mêlé d’une teinte roussâtre; le blanc est plus sali, et les taches moins bien dessinées.
Ces oiseaux bâtissent leurs nids dans l’enfourchure des plus grands arbres; ce sont de petites branches souples et de la mousse qui en forment l’extérieur; en dedans ils sont fournis de beaucoup de plumes. Je n’ai trouvé qu’un seul de ces nids, dans lequel il y avoit trois petits entièrement couverts d’un duvet roussâtre: voulant les laisser élever par le père et la mère pour les prendre quand ils seroient assez forts, je les leurs abandonnai. J’allois tous les trois ou quatre jours visiter ma nichée, à qui même j’apportois plusieurs oiseaux dont j’avois conservé la dépouille; je les posois sur le bord du nid, et les trouvois dévorés à la visite suivante; mais je crois que les vieux les mangeoient eux-mêmes; car je voyois, sur les branches et sur le nid même, une quantité prodigieuse d’aîles de mantes et de sauterelles; insectes qui, je crois, faisoient la principale nourriture des petits. J’entendois continuellement, pendant le jour, les vieux jeter des cris très-perçans, cri-cri—cri-cri-cri—cri-cri; en approchant des jeunes, ils venoient tous les deux jusque sur l’arbre où j’étois, et m’approchoient de si près, pour les défendre, que j’aurois pu facilement les tuer avec un bâton.
Ayant trop tardé de m’emparer de la couvée, un jour qu’à mon ordinaire j’allai la visiter, je ne trouvai plus que le nid: les vieux et les jeunes tout étoit disparu; je leur sus très-mauvais gré d’avoir été plus diligens que moi. A en juger par quelques débris des coquilles d’œufs que je vis encore dans le nid, ils étoient blancs et portoient quelques taches roussâtres.
Je n’ai jamais apperçu le Tachiro dans la plaine, et ne l’ai vu que dans les énormes bois qui bordent le Queur-boom et dans les forêts d’Auteniquoi.