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Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1

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LE MINULLE, No. 34.

Un très-petit épervier d’Afrique, le moins grand sans doute de tous les oiseaux de proie de ce genre, bien inférieur encore à notre émerillon, est celui à qui j’ai donné le nom de Minulle. On reconnoît dans cette espèce les dimensions proportionnelles de l’épervier commun d’Europe, mais sur un bien plus petit modèle. La jambe et le tarse très-longs; l’extrémité des aîles dépassant à peine la naissance de la queue; la queue carrément coupée; la première penne de l’aîle plus courte que la quatrième: tous ces caractères conviennent également au Minulle et à notre épervier, et servent à le distinguer de l’émerillon, auquel un apperçu léger et vague pourroit induire à le rapporter.

Toutes les plumes qui recouvrent la partie supérieure du corps sont d’une couleur brune, du moins dans toute la partie qui se laisse voir lorsqu’elles sont couchées et appliquées l’une sur l’autre; mais intérieurement elles sont tachées de blanc. La gorge est blanche avec quelques petites taches brunes, sur le milieu de chaque plume; la poitrine est de cette même couleur, mais les taches qu’elle porte s’agrandissent à mesure qu’elles descendent plus bas, et sont de la forme d’une larme dont la pointe est en haut. On remarque sur le bas-ventre des taches plus ou moins rondes, sur un fond blanchâtre; sous la queue, ces taches prennent la figure d’un cœur. Les flancs et les plumes des jambes sont régulièrement rayés de brun-clair. Les grandes pennes sont brunes extérieurement et rayées de blanc dans leurs barbes intérieures; les moyennes le sont dans le même genre, mais le blanc en est plus net et les bandes plus larges. Les petites couvertures du dessous des aîles, sur un fond roux, portent des petites taches brunes. La queue est en-dessus d’un brun uniforme et imperceptiblement bandée d’une teinte plus sombre; mais les barbes intérieures étant blanchâtres, ces bandes s’apperçoivent très-bien sur le dessous de la queue, où elles tranchent davantage. Cet oiseau a la base du bec et les pieds jaunes, l’iris d’un jaune orangé, le bec et les serres noirs.

Malgré sa petite taille, le Minulle possède toute la hardiesse et l’intrépidité des oiseaux de son genre; il attaque généralement tous les petits oiseaux, et en fait sa proie. Mais comme avec moins de force, il fait souvent une chère plus commune, à défaut d’oiseaux, il vit d’insectes, et sur-tout de sauterelles et de manthes. Il ne souffre aucune pie-grièche dans son canton; plus fort qu’elles, il les chasse et les oblige à se fixer loin de son domaine. C’est bien malgré lui qu’il y voit d’autres oiseaux de proie plus grands; car il ose souvent poursuivre les milans et les buses, l’extrême rapidité de son vol le mettant toujours à même d’éviter ces oiseaux lorsqu’ils veulent revenir sur lui. Les corbeaux sont les ennemis après lesquels il paroît le plus s’acharner, sur-tout quand il a des œufs à défendre contre leur voracité. Le mâle les poursuit en criant à peu près comme notre cresserelle, cri-cri-cri—pri-pri-pri. Le mâle et la femelle ne se quittent que rarement; ils font la chasse en commun, et construisent un nid sur les arbres; la femelle y dépose cinq œufs tachés de brun vers les bouts.

C’est sur les rives verdoyantes du Gamtoos, que j’ai tué le premier couple de ces petits éperviers, dont le mâle est représenté de grandeur naturelle dans la planche ci-jointe. La femelle est presque du double plus volumineuse que le mâle: elle porte exactement la même livrée, à quelques teintes près, qui sont moins foncées sur son manteau, dans ses rayûres et sur les taches de sa poitrine.

J’ai tué, depuis le Gamtoos jusque chez les Caffres, sept individus de cette même espèce; je les ai trouvés tous absolument pareils, et n’ai remarqué aucune différence sensible dans leurs couleurs respectives. Je n’ai jamais vu cet oiseau dans son jeune âge, et je n’ai été à même que d’examiner un seul de leurs nids, dans lequel j’ai trouvé cinq œufs. Ce nid, posé sur le sommet d’un mimosa, étoit travaillé avec des branches flexibles, entrelacées les unes dans les autres; de la mousse et des feuilles sèches en revêtissoient l’extérieur, tandis que le dedans étoit douillettement garni de laine et de plumes.

Le trait suivant, que je ne puis m’empêcher de rapporter, prouvera ce que j’ai dit de la hardiesse de ce petit oiseau de proie, dont la grandeur du mâle est à peu près celle de notre merle commun. Un jour que j’étois occupé, comme de coutume, à écorcher devant ma tente les oiseaux que j’avois tués, il passa au-dessus de ma tête un de ces éperviers, qui, ayant remarqué sur ma table plusieurs oiseaux, s’y abattit tout à coup, malgré ma présence, et m’en enleva un qui étoit déja préparé; il l’emporta dans ses serres, et fut bien étonné, après l’avoir plumé sur un arbre à trente pas de nous, de n’y trouver, au lieu de chair, que de la mousse et du coton; cela ne l’empêcha pas, après avoir déchiré la peau en pièces, de manger le crâne tout entier, seule partie que je laisse dans mes oiseaux préparés. Comme j’examinois avec plaisir cet oiseau arracher de dépit tout ce qui remplissoit la peau bourrée qu’il m’avoit dérobée, je le vis revenir planer au-dessus de moi à différentes reprises; mais il ne s’abbattit plus, quoique j’eusse laissé exprès quelques oiseaux à sa portée. Je suis persuadé, que si à sa première tentative, il avoit eu le bonheur de tomber sur un des oiseaux non préparés, il auroit infailliblement réitéré cette chasse, si facile et si commode pour lui; mais ayant été attrapé, il ne daigna probablement pas recommencer une seconde fois.


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