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Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1

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LE CHINCOU, No. 12.

Nous devons la connoissance de ce grand et rare vautour, à la bonté du citoyen Ameshof, si renommé par son goût pour l’ornithologie et par la magnifique ménagerie qu’il possède à sa maison de campagne près d’Amsterdam. Cet amateur zélé s’est prêté avec toute la complaisance possible à ce que je prisse le dessin et la description de cet oiseau. Je lui fais ici mes sincères remercîmens, pour la manière obligeante avec laquelle il a eu l’attention de me montrer les objets les plus rares et les plus curieux de sa ménagerie, laquelle m’a paru digne d’une grande nation[4].

N’ayant pu savoir le nom que porte cet oiseau dans son pays natal, qui est la Chine, à ce que m’a assuré le citoyen Ameshof, je lui ai donné celui de Chincou; en attendant que nous apprenions celui sous lequel les Chinois le désignent, et qu’on lui rendra si on le trouve meilleur que celui que je lui applique ici. Ce vautour, de la taille à peu près de celui d’Afrique que j’ai nommé l’oricou, est caractérisé d’une manière particulière, qui donnera beaucoup de facilité pour le distinguer de tous les vautours décrits jusqu’à ce jour. Sa tête est surmontée par derrière d’une touffe de duvet d’un gris-brun, dont la forme est précisément celle des houpes de cigne dont se servent nos dames à leur toilette. La tête, les joues et la gorge sont couvertes d’un fin duvet noir. L’œil est cerclé d’une paupière blanche. Le cou est entouré d’un collier de plumes longues effilées et détachées entre elles. Toute la partie nue du cou, qui se trouve comprise entre le collier et le duvet noir du visage, est d’un blanc mat; on diroit une cravatte blanche, garnie au bas d’une fraise. Par devant le reste du cou n’a point de plumes, et la couleur de cette peau, qui est toute plissée, est bleuâtre. Le jabot est très-proéminent: quand il est plein on le prendroit pour une vessie que l’oiseau porte au bas du cou; vidé il se ride et disparoît entièrement sous de longues plumes qui, partant de chaque côté du cou, sont ramenées naturellement par devant. Les pieds et les doigts sont blanchâtres; les ongles sont couleur de corne, ainsi que le bout du bec, dont la base est d’un blanc bleuâtre. Le bec est assez épais à son origine; mais il diminue insensiblement de grosseur jusqu’à sa pointe.

Quand cet oiseau est repu et qu’il digère, il rentre entièrement sa tête entre ses épaules. Son bec pose alors, dans toute sa longueur, sur le jabot. Toutes les parties nues du cou ne paroissent plus; sa cravatte lui entoure la tête, où elle forme une espèce de soleil en rayons divergens; et ses aîles, qui sont pendantes, lui cachent les pieds. Toutes ses plumes sont si hérissées que, dans cette attitude, on le prendroit plutôt pour une masse informe emplumée, que pour un oiseau.

La couleur générale du Chincou est d’un brun uniforme, plus noirâtre sur les pennes des aîles et de la queue, ainsi qu’au ventre. On le nourrissoit de viande crue qu’il dévoroit avec avidité. J’aurois désiré pénétrer dans sa loge pour mesurer son envergure qui me sembloit excessive; mais on me le déconseilla. En revanche, nous le harcelâmes en passant nos cannes à travers le treillage de sa volière, après lequel il se cramponnoit alors, en étendant ses aîles dans toute leur longueur. A en juger par les dimensions du panneau sur lequel il les frappoit, elles avoient au moins neuf pieds d’étendue. Tranquille et perché, jamais cet oiseau n’avoit ses aîles colées au corps, mais négligemment pendantes, comme il est représenté dans notre planche.

Le citoyen Ameshof n’a pu rien m’apprendre de particulier sur les mœurs de cet oiseau, qu’on me saura gré, je pense, de livrer à la curiosité des amateurs d’histoire naturelle. Le tems nous apprendra peut-être quelles sont ses habitudes et sa manière de vivre.


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