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Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1

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LE TCHOUG, No. 32.

L’oiseau nommé ainsi au Bengale, qui est son pays natal, est une seconde espèce étrangère d’oiseau saint-martin, dont aucun naturaliste n’a encore fait mention, et qui tiendra naturellement sa place à côté de l’acoli d’Afrique. Il suffira de jeter un coup-d’œil sur la figure exacte que j’ai donnée de ce bel oiseau de proie, pour être convaincu que je ne me suis pas trompé sur son genre. Il est absolument de la taille de notre oiseau saint-martin. Son bec est entièrement noir et fort luisant, particulièrement à sa base, d’où partent des poils roides de la même couleur, qui tous sont dirigés en avant et se recourbent après en l’air, en recouvrant les narines; on remarque aussi des poils autour de la mandibule inférieure. Le Tchoug a la tête, le cou et tout le manteau d’un brun très-foncé, que l’on pourroit même appeler noir tant il est sombre et approche de cette dernière couleur, qui cependant, sur les plus grandes scapulaires, s’éclaircit tout à fait en un brun ordinaire. Cette dernière teinte est aussi répandue sur une partie des recouvremens des aîles, tandis que les autres sont d’un blanc-gris; plusieurs d’entre elles sont même à demi-blanches et brunes. Sur le derrière de la tête, on remarque un espace où le noir, le blanc et le brun forment un mélange agréablement varié. Les grandes pennes des aîles sont noires, et les moyennes d’un joli gris de perle. Cette bigarrure de l’aîle fait un effet vraiment flatteur à l’œil. Le croupion, ainsi que tout le dessous du corps y compris les plumes des jambes qui pendent fort bas, et les recouvremens du dessous de la queue, sont du blanc le plus pur. La queue, dont toutes les pennes sont d’égale longueur, est généralement par-tout d’un beau gris-blanc roussâtre; les deux seules plumes du milieu portent chacune à leur bout une tache brune formant un croissant. Les tarses, grêles et longs, de cet oiseau, sont d’un jaune pâle; les doigts ont la même couleur, et sont armés de griffes noires. Je ne connois pas la couleur des yeux; la note qui m’indiquoit le nom et le pays de cette charmante espèce n’apprenoit absolument rien de plus sur son compte. J’observerai pourtant, d’après les connoissances que l’expérience m’a données sur les oiseaux, que je crois l’individu que je viens de décrire un oiseau encore dans son jeune âge, et dont la seconde mue n’étoit point achevée. Je fonde mes soupçons: premièrement, sur cette bigarrure de l’aîle, dont plusieurs des moyennes pennes et des recouvremens étoient mélangés d’autant de plumes brunes que de noires et de blanches; secondement, les deux aîles ne portoient point absolument les mêmes distributions de couleurs: d’un côté il y avoit, par exemple, plus de plumes noires, tandis que de l’autre, il y en avoit, au contraire, davantage de blanches et de grises: indice bien certain d’un oiseau en mue. Il s’agit de savoir maintenant laquelle des deux couleurs, du gris de perle ou du noir-brun, est la couleur de l’oiseau lorsqu’il est parvenu dans son état parfait. Je hasarderai encore mon idée sur cet article: l’oiseau pendant sa mue, devant en même tems et perdre et refaire des plumés, quelles sont celles qui tombent en mue? Tout le monde sait que ce sont toujours les vieilles; c’est-à-dire, celles qui sont déja formées et dont le tuyau est par conséquent solide et dur. Or, toutes les pennes grises et les recouvremens blancs de l’aîle étoient dans cet état, tandis que la plupart des noires et des brunes étoient, au contraire, des plumes qui sortoient de leur tuyau, et dont une partie des barbes étoit encore enveloppée dans une petite pellicule blanchâtre. Je crois donc pouvoir assurer que le Tchoug du Bengale, dans son état parfait, doit avoir la tête, le cou, le manteau et les aîles entièrement noirs et le reste blanc. Quelques voyageurs nous apprendront un jour si je me suis trompé dans ma conjecture.

Je suis bien porté à croire que cette espèce se trouve aussi au Cap de Bonne-Espérance, car je me rappelle avoir vu passer au-dessus de ma tête, pendant que nous étions en marche et que nous côtoyions la rivière Krom, dans le Lange-kloof, un oiseau qui m’a paru absolument pareil à celui de cet article; du moins il lui ressembloit beaucoup. J’ai bien remarqué qu’il avoit le croupion et le ventre blancs; et toute la tête, le cou et les aîles noirs. Il vola très-près de moi, j’étois à cheval, et ne l’ayant apperçu qu’au moment où il me passoit, je ne pus assez vîte débarrasser mon fusil, que je portois en bandoulière, ce qui fut cause qu’il m’échappa. Au reste, il n’y auroit rien d’étonnant que cet oiseau se trouvât également au Cap et au Bengale; car j’ai rapporté de cette partie du monde bien d’autres espèces qui sont, comme on le verra, communes à l’Afrique et à l’Inde.


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