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Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, t. 1

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LE HUPPARD, No. 2.

Malgré les grandes différences qui se trouvent entre les dimensions du Huppard, comparées à celles de l’aigle dont nous venons de faire mention, il est évident que cet oiseau appartient au genre des aigles. Comme le griffard, il est courageux; comme lui, il vit principalement de sa chasse et ne cherche les voieries, que lorsque, tyrannisé par la faim, il n’a trouvé rien de mieux pour se repaître et appaiser sa voracité: ce que font généralement tous les oiseaux de proie de quelque genre qu’ils soient. J’ai tant de fois été à même de vérifier cette observation, que, quoiqu’en disent tous nos historiens poëtes, et tous les écrivains qui les ont copiés, je soutiendrai et je répéterai, qu’il est faux que les aigles, quelqu’affamés qu’ils soient, ne se jettent jamais sur les cadavres.

Comme le griffard, le petit aigle, dont il est ici question, est caractérisé par une huppe, mais qui est beaucoup plus allongée; ses pieds sont de même couverts d’un fin duvet, qui s’étend jusqu’à la naissance des doigts; son bec crochu, ses ongles fortement arqués et bien affilés, annoncent un oiseau de guerre et de destruction, quoique sa taille ne surpasse guère celle de nos plus fortes buses. N’ayant pas assez de force pour saisir et abattre les gazelles, le Huppard se contente du menu gibier, tels que lièvres, canards et perdrix, qu’il chasse avec dextérité. Ses longues aîles, dont la pointe s’étend presqu’aussi loin que le bout de la queue, lui servent merveilleusement bien pour s’élancer avec promptitude et saisir avec succès des oiseaux dont le vol est aussi rapide que celui des perdrix d’Afrique.

J’ai tiré la dénomination de cet aigle de l’espèce de huppe qui le caractérise si bien. Cette touffe de plumes prend naissance sur l’occiput, se prolonge de cinq à six pouces par derrière, et descend avec grâce, en se courbant un peu vers le corps; elle est si flexible et si légère, que le plus petit vent ou le moindre mouvement de l’oiseau suffit pour la faire jouer en tout sens; ce qui lui prête une grâce toute particulière, en donnant à cette panache mille formes différentes, qui ajoutent encore à son agrément celui de varier à l’infini cet ornement de tête; parure que nos femmes ont si bien su imiter.

La couleur générale de cet oiseau est d’un brun sombre, plus clair sur le cou et la poitrine, et plus foncé au ventre, et sur tout le manteau. Les culottes, ou longues plumes des jambes, sont mêlées de blanc; le duvet qui tapisse le tarse dans toute sa longueur, jusqu’à la naissance des doigts, est encore plus mêlé de cette dernière couleur. Les grandes pennes sont d’un noir rembruni, et on apperçoit du blanc dans une partie du milieu de leurs barbes extérieures; toutes les autres pennes de l’aîle sont ondées d’un léger gris-brun et de blanc, ainsi que toutes celles de la queue, dont le bout est entièrement d’un brun-noir. Cette queue est tant soit peu arrondie. Les doigts sont jaunâtres; le bec est couleur de corne; l’iris est d’un jaune plus ou moins foncé suivant l’âge de l’oiseau; les ongles sont d’un noir luisant.

Je n’ai rencontré cette espèce que dans le pays d’Auteniquoi et dans la Caffrerie.

Le Huppard construit son nid sur les arbres, et le garnit de plumes ou de laine en dedans. La femelle pond deux œufs presque ronds, tachetés de brun-roux: elle est plus forte que son mâle; sa couleur est moins foncée, et sa huppe moins longue. Elle a aussi plus de blanc dans ses culottes, et sa tête porte quelques petites taches blanches vers les yeux et sur le sommet de la tête.

On est sûr de trouver le mâle et la femelle ensemble et toujours dans le même canton.

Le cri du Huppard ne produit qu’un son plaintif, que l’on entend fort rarement, à moins qu’il ne soit à la poursuite de quelques corbeaux, oiseaux auxquels il fait une guerre opiniâtre, quand ils s’approchent trop près de son nid. C’est sur-tout à l’espèce que j’ai nommée corbivau, qu’il paroît le plus acharné, parce que ceux-ci, mieux armés et plus entreprenans, osent souvent attaquer cet aigle pour se saisir de sa proie; en nombre, ils cherchent même à s’emparer de son aire, pour dévorer ses œufs ou ses petits. Il arrive même maintes fois que toute la couvée devient la proie de ces corbeaux voleurs; mais ce n’est jamais qu’excédé par le grand nombre, et après une défense opiniâtre, qui a coûté la vie à plus d’un corbivau, que le malheureux couple se voit réduit à laisser enlever et dévorer les membres épars et palpitans de ses chers aiglons, souvent trop foibles encore pour s’être défendus autrement que par les cris du désespoir.

Les jeunes Huppards sont d’abord couverts d’un duvet gris-blanc, qui peu à peu est remplacé par des plumes brunâtres, bordées de roux. J’ai été à portée d’examiner trois nids de Huppard; je n’y ai jamais trouvé que deux petits, dont toujours l’un étoit mâle et l’autre femelle: ce qui étoit facile à remarquer à la différence de leur taille. Au sortir du nid, la huppe est déja apparente dans le mâle.


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